Catégories
Allemagne Romans

Finsterau – Andrea Maria Schenkel

Traduction de l’allemand par Stéphanie Lux – Actes Sud

« Aucun tribunal au monde ne peut rendre la justice ; nous ne pouvons prendre nos décisions que sur la base des preuves dont nous disposons au moment du procès et, bien entendu, dans le cadre des possibilités légales. Malheureusement, notre interprétation de la vérité est trop souvent fausse ou, de notre point de vue, nous n’en voyons qu’une petite partie. La vérité est un enfant farouche et sa mère, la justice, est souvent aveugle. »

Dans Finsterau, Andrea Maria Schenkel imagine la révélation, 18 ans après les faits, d’une erreur judiciaire : Johann a été condamné pour le meurtre de sa fille et de son petit-fils en 1947. Il faut dire que les relations n’étaient notoirement pas bonnes entre cet homme très pieux et sa fille Afra. Et lorsque les policiers ont découvert la scène de crime, Johann tenait des propos incohérents, s’accusait et semblait n’avoir aucun regret.

Près de 20 ans après les faits, un marchand ambulant de passage dans la ville révèle des éléments qui viennent remettre en question la décision rendue par la justice. Chaque chapitre présente un témoignage différent avec les dépositions des policiers, du procureur et du médecin intervenus le jour du meurtre, mais aussi les récits de Johann, de sa femme Theres et d’Afra qui nous racontent les années, les semaines puis les dernières heures qui ont précédé cet effroyable double meurtre. On comprend ainsi l’engrenage qui a conduit à cette condamnation et on se surprend à espérer, contre toute logique, qu’Afra et son fils auront la vie sauve.

Sans être follement original, ce très court (109 pages) roman noir fait passer un bon moment de lecture. J’ai rapidement tourné les pages pour savoir qui était le meurtrier et surtout, s’il allait pouvoir être arrêté si longtemps après son crime. J’ai apprécié la peinture sociale que propose Andrea Maria Schenkel : la rude vie des « sans-terre » dans ce village de Bavière à quelques kilomètres de la Tchéquie, l’atmosphère délétère de l’immédiate après-guerre, l’animosité contre les filles-mères … Je ne suis pourtant pas sûre de lire d’autres romans de cette autrice dont le style m’a paru trop sec. L’absence d’enquêteur, qui fait aussi l’originalité de cette novella, a peut-être contribué à la distance avec laquelle je l’ai lue. Il est possible également que Johann ne m’étant absolument pas sympathique, je sois restée froide devant l’erreur judiciaire dont il était victime. Bref, il m’a manqué quelque chose !

Au passage, j’ai entendu parler pour la première fois des Yéniches, reconnus comme minorité nationale en Suisse et qui représenteraient aujourd’hui en France sans doute le groupe autonome le plus important parmi les nomades. Dommage que le challenge sur les minorités ethniques soit fini chez Ingannmic !

PS: Manou l’a lu aussi, son avis est à retrouver ici.

Catégories
Japon Romans

La tombe des lucioles – Nosaka Akiyuki

Traduction du japonais par Patrick de Vos – Illustrations de Nicolas Delors – Éditions Philippe Picquier

Le titre de cette novella vous dit peut-être quelque chose. Et pour cause : elle a inspiré au réalisateur Isao Takahata un célèbre film d’animation sorti en France à la fin des années 1990 sous un titre légèrement différent : Le tombeau des lucioles. Je ne l’ai toujours pas vu, ma petite âme sensible craignant de ne pas s’en remettre ;-D J’ai naïvement pensé que passer par le texte original serait moins bouleversant… Eh bien, c’était raté. Mais au moins, je pense maintenant pouvoir regarder le film sans m’effondrer totalement (puisque c’est déjà fait) !

En 80 petites pages accompagnées ici de très belles illustrations de Nicolas Delort, l’écrivain Nosaka Akiyuki s’inspire sa propre expérience pour nous raconter les deux mois de la vie du jeune Seita qui suivent le bombardement de sa ville. Son dévouement et son amour pour sa petite sœur Setsuko illuminent ce roman qui décrit par ailleurs des réalités absolument terribles. Certaines personnes se montrent généreuses et révèlent le meilleur d’elles-mêmes dans ces moments difficiles, d’autres dévoilent au contraire leur mesquinerie et leur égoïsme.

Les deux premières pages m’ont, je l’avoue, fait craindre de ne pas accrocher à cette lecture car l’auteur emploie un phrasé particulier qui peut désarçonner. Rapidement, l’écriture est cependant devenue plus fluide et j’ai été emportée par l’histoire de Seita et Setsuko que j’ai lue d’une traite.

Ce livre est classé au rayon « jeunesse » de ma médiathèque, mais je le réserverai à un lectorat de 12 ou 13 ans au plus tôt parce que ce récit est particulièrement dur. Les événements sont relatés sans fard et les émotions n’en sont que plus fortes. Le destin des orphelins de guerre mérite d’être mieux connu et Nasako Akiyuki y contribue ici de magnifique manière.

PS : Pour découvrir des nouvelles et novellas du monde entier, rendez-vous chez Je lis, je blogue pendant tout le mois de janvier.

Catégories
Romans

Invitation à une lecture commune néerlandaise

Parce que les fleurs sont blanches – Gerbrand Bakker

Tout est dans le titre de ce billet, ou presque : Aux côtés d’Eva, du blog Et si on bouquinait un peu, j’ai le plaisir de vous inviter à une lecture commune du roman Parce que les fleurs sont blanches. Rendez-vous est pris pour le dimanche 25 février ! Ce roman néerlandais de Gerbrand Bakker, traduit par Françoise Antoine, a paru en 2020 chez Grasset et est désormais disponible en poche également. Fabienne, du blog Livr’escapades, a déjà annoncé qu’elle serait des nôtres. Nous espérons que d’autres se joindront à nous. C’est en effet l’occasion ou jamais de découvrir un auteur contemporain d’un petit pays assez peu représenté sur les étals de nos librairies.

Je rappelle le principe de la lecture commune pour les éventuel(le)s néophytes : chacun(e) lit le roman de son côté et publie – à une date convenue d’avance, ici le 25 février donc – sa chronique de lecture. Si vous n’avez pas de blog, compte Instagram ou autre, mais avez très envie de nous dire ce que cette lecture vous aura inspiré, n’hésitez pas à m’envoyer un mail (par le formulaire de contact) pour que je publie votre avis en plus du mien. Pour les autres, le moment venu, envoyez nous, à Eva et moi, le lien vers votre chronique, par exemple en commentaire.

Résumé de l’éditeur : Gerard élève seul ses 3 garçons depuis que leur mère les a quittés sans laisser d’adresse, se contentant d’envoyer des cartes postales depuis l’Italie pour les anniversaires et Noël. Klaas et Kees, les jumeaux de 16 ans et leur petit frère Gerson vivent néanmoins dans une maisonnée plutôt joyeuse où Gerard s’efforce de faire bonne figure.
Un dimanche matin ordinaire, leur vie bascule. Sur une route de campagne traversant des vergers où fleurissent des arbres fruitiers, une voiture s’encastre dans celle de Gerard. Si les jumeaux et le père s’en tirent avec des blessures légères, il en sera tout autrement pour Gerson. Il est plongé dans le coma et au réveil, il comprend qu’il a perdu la vue. Aidé par Harald, infirmier dévoué, l’adolescent tente d’apprivoiser sa nouvelle vie, alors que les jumeaux et leur père essaient également de faire face.

Pour son éditeur, Gerbrand Bakker est un « maître incontesté dans l’art de saisir l’essentiel avec peu de mots. Son écriture impressionne par sa concision, sa justesse et surtout, par l’absence absolue de tout pathos. » Tout un programme, n’est-ce pas ? J’espère en tous cas vous avoir tenté(e) !

PS : Pour découvrir ou annoncer des lectures communes et des challenges thématiques, Sandrine a créé un site très pratique : https://lecturescommunes.wordpress.com/

Catégories
Espagne Romans

La femme à la valise – Luisa Carnés

Traduction de l’espagnol par Michelle Ortuno – Éditions La Contre Allée

Coïncidence ou non, après la guerre dans les Balkans, c’est dans la guerre d’Espagne que je me suis plongée avec le recueil de nouvelles La femme à la valise de Luisa Carnés. L’autrice, qui dut s’exiler au Mexique en 1939, fut contemporaine de célèbres écrivains tels que Federico García Lorca. Comme pour nombre de femmes et plus généralement d’écrivains engagés de cette époque, son rôle a longtemps été effacé de l’histoire de la littérature. Heureusement, elle fait l’objet de rééditions récentes qui la remettent en lumière (merci aux éditions La Contre Allée pour sa publication en France).

Nombreuses (11) et souvent très courtes, ces nouvelles de Luisa Carnés parlent de l’exode des républicains et de leurs familles, du sacrifice d’hommes engagés dans le conflit et des conditions de vie extrêmement difficiles pendant la guerre civile qui a déchiré l’Espagne de 1936 à 1939, mais aussi dans les années qui suivirent. Cet aspect m’a particulièrement intéressée car on connaît moins les lendemains du conflit et les séquelles très profondes qu’ils ont laissées. Il est ainsi question des enfants de républicains enlevés à leurs parents pour être confiés à des institutions franquistes, de l’atmosphère de suspicion et de délation au sein de la population comme de la vie de misère qui attendait les prisonniers politiques à leur libération. Pourtant, plusieurs de ces nouvelles vibrent d’espoir, l’espoir d’une Espagne unie et républicaine.

Les Bonnes nouvelles, c’est chez Je lis, je blogue !

Luisa Carnés était romancière, mais aussi journaliste. Il me semble que cela se retrouve dans son écriture qui va à l’essentiel et s’avère idéale pour des nouvelles. Révoltants, déchirants et profondément humains, ces récits s’attachent principalement à des destins de femmes : des militantes, des femmes qui tentent simplement de survivre, des compagnes, des mères…

Si des exactions ont été commises par les deux camps, l’autrice, elle-même membre du PC espagnol et très active lors des grèves ouvrières, ne cachait pas son rêve de voir une Espagne républicaine renaître après les horreurs de cette guerre fratricide. Morte en 1964, soit une décennie avant la mort de Franco, elle n’a pas vu son pays renouer avec la liberté et la démocratie. Son œuvre puissante, qui rejoint la bien triste actualité de nombreux pays, est indiscutablement à découvrir.

Catégories
Croatie Romans

Le collectionneur de serpents et autres nouvelles – Jurica Pavičić

Traduction du croate par Olivier Lannuzel – Agullo Éditions

De Jurica Pavičić, j’ai déjà lu il y a quelques mois l’excellent roman policier L’eau rouge (mon avis sur Babelio est à retrouver ici). J’ai très vite repéré son recueil de nouvelles au titre mystérieux : Le collectionneur de serpents. Dans ces 5 récits, l’auteur aborde des destins individuels dans lesquels la guerre n’est jamais loin et se trouve même parfois au centre de l’intrigue.

La nouvelle éponyme est pour moi l’une des plus poignantes. Elle montre toute la banalité et le tragique du quotidien des soldats en temps de guerre, et surtout l’absurdité de voir de jeunes hommes arrachés à leurs vies pour aller affronter leurs voisins et vivre des atrocités. Ceux qui en reviennent ne seront évidemment plus jamais les mêmes, à commencer par le collectionneur de serpents.

La seconde nouvelle, Le tabernacle, m’a presque autant bouleversée que la première. Niko apprend un matin la mort de l’occupant de l’appartement familial qu’il a lui-même dû quitter à l’adolescence. Le partage des appartements était monnaie courante sous Tito et le locataire imposé à sa famille n’a jamais pu être délogé. Son décès permet enfin à Niko de revenir dans les lieux. Il y fait alors une étrange découverte qui l’ébranlera.

La patrouille sur la route retrace les destinées opposées de deux frères amoureux de la même femme. Une fois démobilisés, ils vont se retrouver chacun d’un côté de la loi : l’un gendarme, l’autre voleur. Tout cela risque évidemment de mal finir…

Les relations familiales sont elles aussi au cœur de La soeur. Si la guerre est plus lointaine dans cette nouvelle, elle explique en partie les liens distendus entre Margita et sa sœur, qui vit à Belgrade depuis de nombreuses années. Je l’ai trouvée plaisante à lire et juste dans l’analyse des sentiments, mais elle m’a moins touchée et me laisse un souvenir plus vague que les autres nouvelles du recueil.

Les lendemains de la guerre reviennent en force dans Le héros, le récit qui clôt le livre. Jurica Pavičić y crée une atmosphère digne d’un western : un personnage taiseux et solitaire vient travailler dans un village littéralement enroulé sur lui-même et largement laissé à l’abandon. Cet homme est-il bien celui qu’il prétend être ? J’ai été tenue en haleine jusqu’au bout par cette nouvelle qui fait ressurgir des événements très médiatisés des années 2000.

En résumé, je ne peux que conseiller ces très, très bonnes nouvelles de ce formidable auteur qui mêle avec talent récits intimes et histoire de son pays. D’ailleurs, son 2e roman policier, La femme du 2e étage, figurera sans aucun doute dans ma PAL 2024.

Aifelle et Kathel vous conseillent aussi ce recueil, lu pour Les Bonnes nouvelles également.

Catégories
Romans Tunisie

Bel abîme – Yamen Manai

Elyzad poche

En 2024, Je lis, je blogue lance un nouveau rendez-vous au nom d’excellent augure pour un mois de janvier : les Bonnes nouvelles. Vous l’aurez compris, ce challenge met à l’honneur les nouvelles, mais seront également chroniqués les très courts romans (aussi appelés novellas). J’aime beaucoup les nouvelles et pourtant, je n’en ai chroniqué qu’un recueil depuis la création de ce blog en mai dernier. Je compte bien me rattraper pendant les semaines à venir !

Aujourd’hui, c’est une novella que j’ai choisi de vous présenter. Son auteur d’origine tunisienne vit en France et Bel abîme est publié par elyzad, une formidable maison d’édition tunisienne que je découvre à cette occasion. Modeste par la taille (110 petites pages format poche), ce roman a raflé une foule de prix, notamment le Prix du roman métis des lycéens. Rien d’étonnant à cela car ce texte d’une grande puissance a tout pour plaire à de grands adolescents et jeunes adultes (et moins jeunes d’ailleurs !) : un style oral et direct, tout en étant riche et très évocateur, un récit à la première personne porté par la rage et la fougue que suscitent l’injustice et la situation de la jeunesse tunisienne, sans oublier la révolte vis-à-vis de l’autorité parentale et des gouvernants.

Je ne suis pas fan des monologues, mais je dois bien reconnaître que ce mode de narration est parfait ici. Il permet de maintenir une tension constante et de saisir le lecteur par le col pour ne plus le lâcher. Le jeune homme qui s’exprime, et dont on ignore le nom, s’adresse tout à tour à l’avocat qui lui a été commis d’office et au psychiatre chargé de l’évaluer. Petit à petit, on découvre sa vie, les violences et humiliations sociales et familiales qu’il a vécues, l’amour inconditionnel qu’il a connu aussi. On saura également ce qui lui a valu d’être pris pour un terroriste avant d’être considéré comme un prisonnier de droit commun.


« Dans le quartier, je n’étais pas le seul gamin à me prendre des baffes. Sous mes yeux, les profs en ont humilié et tapé des centaines. Gifles, coups de bâton, coups de pied, mots qui cognent, phrases qui blessent. Tous, du primaire au lycée, et les exceptions, je vous le jure, je les compte sur les doigts d’une main. Vous savez, les profs ne tombent pas du ciel, ils ne sont pas déposés à nos portes par des cigognes, c’est une production locale, marquée comme tout le monde par le sceau de la violence. » 

Yamen Manai n’est pas tendre avec la société tunisienne post-printemps arabe : corrompue, incapable de comprendre et d’aider sa jeunesse qui n’a aucune perspective, elle est gangrenée par la violence domestique et politique. Très sombre, ce constat n’est que faiblement éclairé par le salut que trouve le personnage dans les souvenirs et dans les livres.



« Mais tant qu’il y a des souvenirs et tant qu’il y aura des livres, je ferai mieux que survivre. Vous savez, la tête, c’est une cheminée, la vie un long hiver et les souvenirs et les livres, des morceaux de bois. Les souvenirs, je m’en charge. En trois ans avec Bella, j’ai glané de quoi faire du feu. Mais par Dieu, dites-leur de m’enfermer avec des livres. Promettez-moi des livres, du bois sacré pour les nuits de solstice. »

Malgré sa dureté, je ne peux que recommander cette belle lecture qui permet de mieux comprendre ce que vit la jeunesse de Tunisie, réduite à risquer sa vie en Méditerranée dans l’espoir d’une vie moins désespérante à défaut d’être meilleure.

D’autres avis enthousiastes chez Kathel, Gambadou , Krol, Alex et Jostein.

PS : Belle année à toutes et à tous ! Je vous souhaite bien sûr des lectures passionnantes, surprenantes, bouleversantes, dépaysantes et/ou réconfortantes en 2024.

Catégories
Islande Romans

Le berger de l’Avent – Gunnar Gunnarsson

Traduction de l’islandais par Gérard Lemarquis & María S. Gunnarsdόttir – Éditions Zulma

Hors romances et cosy mysteries qui ne manquent pas à cette saison, le choix de lectures de Noël peut paraître limité pour les adultes. Pourtant, il est tout à fait possible de dénicher de magnifiques histoires parfaitement de saison pour les moins jeunes. Après D’autres étoiles, un conte de Noël dont je vous ai parlé la semaine dernière, voici un autre court récit plein de neige et surtout de poésie !

Écrit en 1936, Le berger de l’Avent a reparu en poche chez Zulma en 2019 avec en bonus une postface du génialissime Jόn Kalmann Stefánsson, traduite par Éric Boury. La très belle traduction du roman lui-même est signée par un duo dont, si je ne m’abuse, fait partie la fille de l’auteur (selon l’usage islandais, son patronyme Gunnarsdόttir signifie «  fille de Gunnar »). Mais trêve d’informations éditoriales, il est temps de passer à l’essentiel car ce roman est un petit chef d’œuvre universel et intemporel.

« Il regardait autour de lui, faisant sien tout ce que son regard embrassait. L’obscurité envahissait la campagne et la lune se devinait derrière les nuages, et les nuages étaient pareils à des montagnes de glace flottante, aussi réelles que celles qui pâlissaient à l’horizon. Un soir comme celui-ci, avec le lac gelé recouvert de neige, la terre paraissait plus plate que d’habitude. Et, au milieu de cet univers livide, presque fondu dans l’obscurité, un homme se tenait avec ses amis les plus proches, Roc le bélier et le chien Leό. Cet univers était le sien. Le sien et le leur. Il était un élément de cet univers. »

Benedikt s’est fixé une mission et il l’accomplit avec une ténacité qui force l’admiration. Comme certains jeûnent, randonnent, font une cure de déconnexion ou des stages de méditation, ce berger se retire du monde chaque année pour aller à la recherche des moutons égarés dans la montagne. Cela ne lui rapporte rien, si ce n’est la satisfaction personnelle d’avoir sauvé ces créatures et un temps pour méditer sur la vie et la mort, les deux se côtoyant très étroitement dans cette région inhospitalière.

Dans ce roman de moins de 70 pages, il est question de solidarité humaine – car comment survivre dans de telles contrées si l’on ne veille pas les uns sur les autres ? – et d’entente symbiotique entre l’homme et l’animal. Gunnar Gunnarsson y déploie une langue somptueuse pour évoquer le climat, les tempêtes et les paysages aussi hostiles que sublimes d’Islande (les fans d’Arnaldur Indridasson y trouveront sans aucun doute une filiation avec son aîné). Avec une extrême pudeur, il y est également question d’amour et d’amitié.

Image par Herm de Pixabay

C’est un texte simple et profond à la fois qui fait écho chez moi au beau roman italien Histoire de Tönle dans lequel Mario Rigoni Stern relate la vie mouvementée d’un homme pourtant profondément enraciné dans son village. Encore un berger empli de sagesse et d’une opiniâtreté hors du commun, vivant au rythme des saisons, avec la stupidité des guerres en prime.

Aifelle, Sibylline, LoudeBergh et Hélène devraient achever de vous convaincre de glisser Le berger de l’Avent dans votre sac pendant les fêtes (vous trouverez difficilement livre plus léger à transporter !). N’hésitez pas à lire leurs billets enthousiastes.

PS : Le blog prend maintenant un peu de vacances. Rendez-vous en 2024 avec un mois de janvier largement consacré au rendez-vous des Bonnes nouvelles proposé par Je lis, je blogue. Et bien sûr, je continuerai à explorer la littérature européenne et mondiale tout au long de 2024. Bonne fin d’année et à très bientôt !

Catégories
Littérature jeunesse

Lectures jeunesse de Noël

À cette époque de l’année, les bibliothécaires mettent en avant de nombreux livres de Noël au rayon jeunesse et on trouve donc un très large choix « en tête de gondole », de quoi se faire plaisir sans casser sa tirelire. J’ai aussi fait une recherche sur le catalogue en ligne de ma médiathèque et bien m’en a pris, car de nombreuses trouvailles m’attendaient dans les réserves. Il a suffi de demander aux bibliothécaires de les faire remonter à la lumière du jour !

Voici donc une petite sélection subjective testée et approuvée en famille ce week-end :

Les enfants de Noël est un superbe album qui réinvente l’origine du Père Noël de manière très subtile et pleine de magie. Les graphismes sont très doux, pleins de couleurs et de féérie. Et l’histoire en elle-même est tout simplement magnifique. À lire dès 5 ans et sans limite d’âge supérieur !

Nous avons aussi découvert cette année un petit roman désopilant d’un auteur irlandais plus connu pour avoir signé The van, The commitments et The snapper, tous adaptés au cinéma par Stephen Frears et Alan Parker. Dans Qui peut sauver le père Noël, un chien nommé Rover va devoir remplacer au pied levé le renne Rodolphe (grippé) en compagnie d’une troupe d’enfants fort débrouillards et de deux lézards (oui, oui, vous avez bien lu). Bourré d’humour et de tendresse, ce livre – joliment illustré par Brian Ajhar – plaira à coup sûr aux fans de David Walliams et Roald Dahl (donc à partir de 7-8 ans).

Parmi les incontournables (celui-là est dans mon fonds personnel), il me faut citer les Lettres du Père Noël de J.R.R. Tolkien. Ce livre de poche recèle des trésors : des fac-similés des lettres originales que Tolkien a envoyées année après année à ses enfants, et leur traduction en français bien sûr. Tolkien a non seulement imaginé des aventures rocambolesques pour le Père Noël et ses acolytes (dont un ours gaffeur), mais il a aussi énormément travaillé le visuel avec des graphies particulières et de faux timbres dessinés par ses soins. De l’amour parental en barres et en mots par un merveilleux conteur. Ce n’est pas Émilie qui dira le contraire ;-D

Le nom de Corinne Albaut ne vous est peut-être pas inconnu, et pour cause : elle figure souvent dans les cahiers de poésie des enfants en CP et CE1, notamment avec Les crayons de couleur. Actes Sud a publié ses très belles Comptines pour le temps de Noël illustrées par Michel Boucher. Dans ce recueil, la neige, le sapin, les cadeaux, les bonhommes de neige sont les héros de courts poèmes à déguster sans modération. Le livre est conseillé dès 3 ans et peut à mon avis s’apprécier à tout âge. On envisage chez nous une petite séance de lecture ou de récitation en famille le 24 au soir, comme c’est l’usage en Allemagne notamment, tellement on a envie de les partager.

J’ai aussi eu la chance de pouvoir emprunter Sapi le sapin, qu’on voit actuellement en vitrine de toutes les bonnes librairies. J’aime beaucoup les livres d’Olivier Tallec et celui-ci ne fait pas exception. Sapi a une bouille adorable et les dessins sont irrésistibles : il faut voir Sapi brosser ses aiguilles ou bouder ! L’histoire rappelle très fortement Le sapin d’Andersen, un conte triste (décidément Andersen n’avait pas la plume joyeuse) qui est sensiblement adouci par les mimiques de Sapi (un petit arbre limite narcissique), même si son destin reste peu réjouissant.

Un grand merci à Audrey de Light&Smell qui a partagé une très belle liste d’idées dans laquelle j’ai pioché avec plaisir. Je vous recommande donc chaleureusement son article intitulé « 10 albums de Noël qui me tentent » pour d’autres découvertes.