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Romans Suisse

Terres de feu – Michael Hugentobler

Traduction de l’allemand (Suisse) par Delphine Meylan – Éditions Hélice Hélas

Qu’ont en commun un orphelin anglais devenu missionnaire en Patagonie « par hasard » et un éminent ethnolinguiste allemand perclus d’habitudes tenant du TOC ? Tout simplement un amour des langues et des cultures qui leur fera affronter mille périls pour sauver un livre, et donc l’humanité.

Vous remarquerez que le nom de la traductrice est indiquée sur la couverture : ça, c’est la classe !

L’enthousiasme de La livrophage était diablement contagieux. Et puis, une histoire de dictionnaire, c’était irrésistible ! J’ai simplement eu à patienter pendant quelques mois, histoire de chroniquer Terres de feu pour le rendez-vous des Feuilles allemandes chez Eva et Patrice. Et ma patience a été largement récompensée : Quel bonheur de lecture, un vrai régal !

Il y a de l’aventure, de l’humour, de l’émotion, du suspense, des gentils et des méchants (ah, l’exécrable anthropologue suisse, et bien sûr les Nazis), et surtout un talent fou de l’auteur pour rendre toutes les situations et tous ses personnages plus vrais et plus grands que nature. C’est une formidable histoire, merveilleusement imaginée à partir de faits réels, et qui rend justice à la poésie de ce dictionnaire absolument incroyable. C’est un coup de cœur !

Ingannmic a lu ce roman elle aussi, me rappelant au passage que nos billets pouvaient s’inscrire dans les Escapades européennes de Cléanthe qui nous emmènent ce mois-ci à la découverte d’auteurs et autrices suisses. Lisez son billet du jour pour en savoir plus sur ce court, mais formidable roman. Pour ma part, je vous en ai volontairement dit le moins possible tout en espérant avoir éveillé votre curiosité !

PS : Je ne l’ai pas encore écouté, mais un podcast très prometteur est à retrouver sur le site de la RTS. Il réunit l’auteur, sa traductrice et Geremia Cometti, l’anthropologue qui a signé la passionnante postface de Terres de feu.

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Allemagne Romans

Décompression – Juli Zeh

Traduction de l’allemand par Matthieu Dumont – Actes Sud

Avec Nouvel An, j’avais embarqué aux Canaries grâce à Juli Zeh que j’ai suivie avec encore plus d’enthousiasme dans le Brandebourg quelques temps plus tard. Dans Décompression, nous voici de retour à Lanzarote, mais cette lecture a fait pschitt pour moi.

Je vous résume l’histoire : Sven, qui approche de la quarantaine, a quitté l’Allemagne à la fin de ses études (pour des raisons que j’ai trouvées franchement légères). Il s’est établi comme moniteur de plongée sur l’île espagnole de Lanzarote où il vit et travaille avec Antje, adorable jeune femme sans laquelle il aurait du mal à faire tourner la boutique (et dont je me demande bien ce qu’elle lui trouve 🙄). Arrive un couple de Berlinois pas clairs qui réserve ses services exclusifs pendant 2 semaines complètes. En gros, la relation de ces touristes est complètement toxique et rapidement, Sven, qui est le narrateur, ne sait pas sur quel pied danser avec eux.

Sauf que Jola, la jeune et fascinante actrice qui forme la moitié de ce duo – que je qualifierai d’infernal -, nous donne aussi son point de vue régulièrement à travers des extraits de son journal. Et Sven y apparaît sous un jour très différent de celui qu’il nous présente 🤨. Ajoutez à cela des scènes de tension extrême, notamment lors de séances de plongée où tout peut évidemment basculer en une seconde, et vous aurez compris qu’il est difficile de ne pas tourner les pages pour savoir comment cette histoire va pouvoir se terminer, qui dit vrai, qui manipule l’autre (et les lecteurs au passage), etc.

Bref, c’est habilement construit, mais manque singulièrement d’originalité. J’ai eu une désagréable impression de déjà-vu ou plutôt de déjà-lu, en particulier avec ces personnages-narrateurs peu fiables, voire borderline. J’avais probablement trop d’attentes vis-vis de Juli Zeh qui a écrit beaucoup plus fin et plus fort à mon avis.

Keisha a lu Décompression l’an dernier et son avis était beaucoup plus positif que le mien, donc n’hésitez pas à aller sur son blog pour un autre son de cloche. D’ailleurs, grâce son billet, je vois que je peux inscrire cette petite chronique non seulement aux Feuilles allemandes, mais aussi au Book trip en mer de Fanja 🚣‍♀️.

PS : Arte.tv diffuse en ce moment Juli Zeh, forte tête de la littérature, un portrait de cette écrivaine qui se confronte aux réalités sociales de son pays et de son époque dans ses romans, mais aussi dans son travail de juge.

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Grèce Romans

Le plongeur – Minos Efstathiadis

Traduction du grec par Lucile Arnoux-Farnoux – Actes Sud

Voilà un polar qui commence de manière plutôt classique, et même en clin d’œil aux romans noirs, avec un détective au bord de la faillite et pas mal alcoolique auquel il ne manque qu’un imperméable et un chapeau de feutre. Le vent, le froid et la pluie sont aussi de la partie : nous ne sommes certes pas à Chicago ou New-York, mais la météo à Hambourg en plein mois de janvier n’est pas clémente non plus.

Chris Papas (dont l’assistante est une certaine Mme Queneau) se voit confier une mission de surveillance a priori banale, et l’enquête comme le roman démarrent plutôt doucement. Mais les choses vont s’accélérer avec la mort soudaine du client de Papas. Ce dernier retourne alors dans son Péloponnèse natal en espérant fuir les questions de la police allemande et retrouver l’objet de sa filature. Là, les événements s’enchaînent à toute allure, l’auteur tissant sa toile avec une grande habileté jusqu’aux révélations finales aussi atroces que passionnantes.

Au-delà de l’enquête, ce portrait d’une Grèce du début des années 2000 en proie à la crise financière et malmenée par ses partenaires européens, l’Allemagne en tête, est extrêmement intéressant. Minos Efstathiadis évoque habilement les relations complexes entre la Grèce et l’Allemagne, notamment grâce à plusieurs de ses personnages ayant un pied dans chaque pays, à l’image de son détective binational, mais aussi en revenant sur l’histoire tourmentée de ces deux pays, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale.

Carole Raddato (CC BY-SA)

La tragédie grecque est un autre fil rouge de ce roman. De manière explicite avec des références à l’Agamemnon d’Eschyle et un dilemme moral central dans les événements abordés, et de façon plus subtile avec une évocation à double sens de la « Maison de la vérité ».

Autant dire que ce roman est riche, en action comme en réflexion, malgré ses quelque 200 pages seulement.

Une idée piochée chez Doudoumatous dont vous trouverez l’avis ici.

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Romans Zimbabwe

Le meilleur coiffeur de Harare – Tendai Huchu

Traduction de l’anglais par Odile Ferrard- ZOE Éditions

Répéré chez Ingannmic et Fanja, Le meilleur coiffeur de Harare est à nouveau une belle trouvaille chez ZOE Éditions. Ce roman est dépaysant à souhait et, sous une apparence légère, fait découvrir la réalité sociale – loin d’être rose – du Zimbabwe.

Vimbai est une coiffeuse au caractère bien trempé qui règne sur le salon de coiffure de Mme Khumalo. Mais derrière une apparence de femme forte se cachent bien des fragilités. Elle mène une vie très solitaire, est confrontée au quotidien aux violences sexistes et aux pénuries alimentaires, élève seule sa fille et se ronge les sangs pour leur avenir dans un pays où la situation économique est absolument catastrophique, et le mot est faible.

« Les pilleurs de tombes ne chômaient pas, si bien que les obsèques étaient devenues un véritable exercice de prévention des vols. Le jour où nous avions enterré Robert, les fossoyeurs avaient griffé le cercueil avant de l’abaisser en terre, de manière à ce qu’il ne présente aucune valeur aux yeux de qui aurait eu l’intention de le déterrer et de le revendre. »

Et voilà que déboule dans la vie de Vimbai le pétillant Dumi, une vraie boule de charme et d’énergie qui va la détrôner dans le monde de la coiffure. Incapable de lui résister malgré ce coup dur pour son ego, la jeune femme s’attache de plus en plus à ce représentant d’une classe sociale très éloignée de la sienne.

Vimbai n’est pas particulièrement sympathique au premier abord. Au fur et à mesure, on comprend mieux pourquoi elle peut paraître si dure et j’ai été ravie qu’elle retrouve de la joie de vivre et prenne confiance en elle. Il y a de ce point de vue-là un petit côté « conte de fées » plutôt bien assumé et, surtout, largement contrebalancé par des observations sociales révoltantes. Mon sang n’a fait qu’un tour à de nombreuses reprises ! Pauvreté, corruption, violences politiques, racisme …, l’auteur aborde tous les sujets sans tabou et les intègre sans lourdeur à son récit.

C’est un roman qui se lit tout seul, avec des situations amusantes et d’autres graves, un peu de suspense et des retournements de situation qui rythment agréablement la lecture. Et on apprend beaucoup au passage, y compris sur la ville de Harare. Cela me permet d’ailleurs d’inscrire Le meilleur coiffeur de Harare à la fois au rendez-vous du Mois africain chez Jostein et aux lectures urbaines Sous les pavés, les pages chez Ingannmic et Athalie.

Vous vous demandez si ce roman peut vous plaire ? Alors, je vous conseille d’aller en lire les premières pages sur le site de la maison d’édition, à cette adresse : https://editionszoe.ch/livre/le-meilleur-coiffeur-de-harare-poche/#favorites

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Challenges et LC Une rentrée à l'Est

Une rentrée à l’Est (Bulgarie) – le bilan

Avec un total de 30 chroniques en 2 petites semaines, nous avons mis à l’honneur la littérature et, plus généralement, la culture bulgares 🇧🇬. Merci à vous d’avoir joué le jeu avec moi !

Les autrices les plus lues ex-aequo lors de ce rendez-vous 🏆 sont Kapka Kassabova, dont les récits ont emballé toutes ses lectrices, et Maria Kassimova-Moisset, avec de avis très positifs et d’autres déçus. En 3e place figure ma chouchoute 😍 Théodora Dimova, avec une chronique sur chacun de ses 3 romans. Nous avons donc un podium exclusivement féminin ♀️🏆🎉 !

Littérature 📚 :

  • Baïtchev, Dobromir : Le roi d’argile (Keisha)
  • Dimitrova, Albena : Nous dînerons en français (Patrice)
  • Dimova, Theodora : Les dévastés (Choup), Adriana (Manou), Mères (chez moi)
  • Gospodinov, Guéorgui : Le pays du passé (Wodka)
  • Kassabova, Kapka : Anima (Miriam), Lisière (Je lis, je blogue, Sunalee qui l’a lu en VO sous le titre Border, Nathalie de Chezmarketmarcel)
  • Karabash, Rene : Vierge jurée (chez moi)
  • Kassimova-Moisset, Maria : Rhapsodie balkanique (Book’ing, Pativore, Manou, Anne-Yès)
  • Milanov, Momtchil : Le ministère des rêves (Ju lit les mots)
  • Paskov, Viktor : Ballade pour Georg Henig (Fanja, Light&Smell)
  • Penkov, Miroslav : À l’est de l’Ouest (lu en VO sous le titre East of West par Sunalee)
  • Polimenova, Zinaïda : 🪆NucléusCe qui reste quand il n’y a plus rien (chez moi, Patrice)
  • Raditchkov, Yordan : Les récits de Tcherkaski (Patrice)
  • Sevan, Sevda : Quelque part dans les Balkans (Passage à l’Est)
  • Wagenstein, Angel : Abraham le poivrot, loin de Tolède (Claudialucia)
  • Yovkov, Yordan : Un compagnon (chez moi)
  • Yulka et Léviéva Yana : Voyage dans la terre d’en bas – Les aventures de Baptiste, détective privé (chez moi)

Cinéma 📽️ :

  • Komandarev, Stephan : Taxi Sofia (chez moi)

Voyage 🗺️ et beaux-arts 🎨 :

Vous trouverez bien d’autres billets bulgares chez Claudialucia, Miriam et Passage à l’Est qui ont déjà visité le pays et/ou exploré sa littérature par le passé.

Voici à présent le moment que vous attendez peut-être avec impatience : l’annonce des gagnant(e)s de mon modeste jeu-concours. Ont été tirées au sort 🏅:

Alexandra (Je lis, je blogue), Audrey (Light&Smell), Choup, Claudialucia et Nathalie (chez Mark&Marcel)

Chacune recevra un livre dès qu’elle m’aura communiqué l’adresse à laquelle je peux l’envoyer (vous pouvez passer par le formulaire de contact de mon blog pour me la donner).

Enfin, il est temps de vous donner rendez-vous l’année prochaine aux mêmes dates (du 15 au 30 septembre) avec une nouvelle destination. (🥁 Roulement de tambour 🥁)

En 2026, je vous inviterai à (re)découvrir la littérature de 2 pays qui n’en ont formé qu’un dans le passé, j’ai nommé la République tchèque et la Slovaquie. À vos PAL !

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Bulgarie Littérature jeunesse Romans

Voyage dans la terre d’en bas – Les aventures de Baptiste, détective privé

Texte de Yulka & illustrations de Yana Léviéva Traduction du bulgare par Eli – Éditions Élitchka

Pour terminer avec un peu de légèreté et de traditions bulgares, je vous propose d’embarquer pour un voyage en Terre d’en bas aux côtés d’un petit bonhomme ventripotent de 33 ans qui vit toujours chez ses parents et que son patron vient de renvoyer au motif qu’il est « le pire détective qu’il ait jamais embauché ».

Le dénommé Baptiste se retrouve donc propulsé dans un pays loin d’être toujours merveilleux, pour y mener une enquête tout sauf banale : il a été chargé de retrouver les contes qui ont disparu de la surface de la Terre du milieu (qui n’est pas celle de Tolkien, bien qu’on puisse imaginer un clin d’œil de l’autrice).

Accompagné de sa fidèle souris tricoteuse, il croise de nombreux personnages du folklore bulgare (un vampire bien sûr, la Lamie, la Khala… qui sont présentés en détail en fin d’ouvrage) ainsi que des créatures plus universelles (Maman ourse, Roule-galette, des ondines…). Pas spécialement courageux ni débrouillard, Baptiste va cependant braver bien des dangers et affronter peut-être ses pires ennemis : sa paresse et son mauvais caractère !

Ce roman jeunesse illustré – conseillé pour les 9-12 ans – est superbe ! Dans un très agréable format souple de 23×16 cm, il regorge de magnifiques décors pleine page et d’illustrations qui se glissent ici et là. Avec son texte aéré (nombreux dessins mais aussi large interligne, police de caractère très lisible et découpage en chapitres courts), il me semble parfait pour des enfants encore impressionnés à l’idée de lire un « vrai » roman. Et Baptiste, le anti-héros, change agréablement des chevaliers sans peur et sans reproche ! Il y a du frisson, de l’amitié, de la solidarité. Bref, tous les ingrédients d’une excellente lecture jeunesse. Un petit jeu, rappelant le jeu de l’oie, accompagne même le livre pour prolonger l’aventure.

Avec ce roman, j’ai découvert Elitchka, une micro-maison d’édition basée en Alsace qui se consacre à diffuser la littérature jeunesse bulgare en France, y compris avec des ouvrages bilingues. Je vous recommande d’aller faire un tour sur son site où les livres publiés sont tous plus beaux les uns que les autres. Ai-je mentionné que Yulka, qui signe le texte ici, a été sélectionnée à plusieurs reprises (hélas sans succès pour l’instant) pour le prix Astrid Lindgren ? Cela vous donne une idée de la qualité de son travail !

PS : Ainsi s’achève mes chroniques bulgares à l’occasion de la Rentrée à l’Est. Rendez-vous mi-octobre pour le bilan de nos billets à toutes et tous !

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Bulgarie Romans

Mères- Théodora Dimova

Traduit du bulgare par Marie Vrinat – Éditions des Syrtes

De Théodora Dimova, j’ai déjà lu le fantastique roman Les dévastés qui était entré dans mon TOP 10 de l’année 2023-2024. Eva m’avait alors conseillé un roman antérieur de cette autrice : Mères. Je me suis bien sûr empressée de me le procurer et il attendait sagement cette Rentrée bulgare pour enfin sortir de mes étagères.

Cette fois, Théodora Dimova s’intéresse à la Bulgarie postcommuniste à travers un petit groupe d’adolescentes et d’adolescents. Leur point commun : élèves dans une même classe, ils ont pour professeure Yavora qui exerce d’emblée une fascination totale sur eux. Cette jeune femme, à l’aura extraordinaire, semble exercer une influence salutaire qu’elle pousse d’ailleurs assez loin, allant jusqu’à aider financièrement et physiquement certains d’entre eux. En sa présence quasi magique, ces jeunes oublient leurs problèmes qui ne disparaissent pas pour autant, bien au contraire. Jusqu’au drame dont on sait qu’il s’est produit et vers lequel Théodora Dimova nous conduit peu à peu, le souffle court.

Le titre est très clair : Avec l’histoire de ces enfants, ce sont les relations avec leurs mères (et par rebond, de leurs parents entre eux) qui sont passées au crible. Reflets d’une société bouleversée par la chute du régime communiste, en proie à la corruption et à des inégalités criantes, ces mères sont aussi victimes de difficultés que les femmes peuvent connaître quel que soit le pays où elles vivent (désir d’enfant, santé mentale, divorce conflictuel). Les effets destructeurs sur la jeune génération sont très finement montrés et sont proprement bouleversants. Paru il y a déjà 20 ans, le roman nous laisse alors avec cette question lancinante qui fait écho à bien des événements récents : Qu’auraient pu faire ces mères, mais aussi la société tout entière, pour éviter les drames qui ont conduit à ce passage à l’acte ?

J’ai retrouvé l’écriture haletante et l’empathie que j’avais déjà énormément appréciées chez Théodora Dimova. J’ai été un peu moins touchée qu’avec Les dévastés, sans doute parce que les personnages sont ici plus nombreux et qu’on suit chacun d’eux moins longtemps. Mais la puissance et la sensibilité de l’écriture, sans parler du sujet d’une actualité brûlante, rendent cette lecture indispensable. Je vous recommande de lire également l’avis d’Ingannmic, marquée par ce roman elle aussi.

PS : L’édition grand format de Mères est épuisée, et sa version poche est apparemment en cours de réédition. Heureusement, vous pouvez toujours trouver sa version numérique, et peut-être un format papier dans l’une de vos bibliothèques. Sachez aussi que mon exemplaire fait partie des livres à gagner en participant à la Rentrée à l’Est !

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Films et séries

Taxi Sofia – Stephan Komandarev

Trouver un film bulgare n’a pas été une mince affaire. L’industrie cinématographique semble en effet quasi inexistante dans le pays et/ou elle s’exporte très difficilement. Heureusement, Taxi Sofia (2017) a fait partie de la sélection officielle du festival de Cannes (Un certain regard), ce qui a aidé à sa diffusion.

À bord de 6 taxis, essentiellement de nuit, nous sillonnons les rues de Sofia. Plusieurs « épisodes » se succèdent, tous liés entre eux par l’un ou l’autre des personnages et par la voix de la radio, qui joue un rôle primordial dans l’atmosphère et le propos du film.

Tout au long du film, on découvre une vaste « faune nocturne » : retraités qui fouillent les poubelles, jeunes faisant la fête, couples adultérins qui s’encanaillent, médecins en route pour l’hôpital, prostituées… et des lieux qui vivent à toute heure : salles de jeux, kiosques, supérettes, bars… Il me semble donc pouvoir participer ici à Sous les pavés, les pages chez Athalie et Ingannmic.

Percutant, c’est l’adjectif qui me vient en premier au sujet de ce film à l’image très réaliste, quasi documentaire. Le scénario est implacable, la tension est à son comble dès la première scène et on alterne ensuite entre des moments chocs et de brèves accalmies rythmées par le bruit presque rassurant des clignotants et des essuie-glaces. Les dialogues sont sans pitié pour la situation en Bulgarie et les différents protagonistes sont englués dans la pauvreté, la tristesse, la maladie, la solitude. Ceux qui semblent mieux s’en tirer au quotidien (et à quel prix) peuvent être rattrapés en un éclair par la violence et la corruption qui gangrène la société à tous les niveaux.

Car il y a beaucoup de violence, mais elle est presque exclusivement verbale et morale, et ça rend le message peut-être encore plus fort. Il y a quelques touches d’humanité, avec un chauffeur de taxi « ange gardien », un moment de tendresse auprès d’un chien ou quelques minutes partagées entre collègues, mais le tableau est globalement très sombre. Ce n’est donc pas un film qui fait du bien que je vous conseille aujourd’hui, mais un film qui regarde les choses en face, un grand film de cinéma.

Dasola l’a vu à sa sortie et en a parlé ici.

PS : Si vous avez autant de chance que moi, vous trouverez le film dans votre médiathèque. Sinon, il semble être disponible sur AppleTV et CanalVOD.