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Allemagne Littérature jeunesse

Einstein – Torben Kuhlmann

Traduction de l’allemand par Anne-Judith Descombey – Éditions NordSud

Pour finir en douceur ce mois des Feuilles allemandes, je vous invite à (re)découvrir un magnifique livre illustré destiné aux enfants de 8 à 11 ans environ.

Torben Kuhlmann a imaginé les aventures d’un petit rongeur qui, frustré au plus haut point d’avoir manqué LA Fête du fromage, va vouloir remonter dans le temps pour pouvoir assister à ce grand événement. Curieuse et persévérante, notre petite souris (absolument craquante) connaîtra bien des aventures, notamment à cause du terrible chat Chronos. Elle rencontrera même Albert Einstein à l’Office des brevets de Berne et on peut se demander qui de la souris et du scientifique a inspiré l’autre…

Sous-titré « Le fantastique voyage d’une souris dans l’espace-temps », cet album nous immerge dans des dessins à l’atmosphère rétro de toute beauté. Comme celle d’Edison, de Lindbergh et d’Armstrong que l’auteur a signées dans la même collection, cette histoire nous invite à revivre l’épopée de grandes inventions ou exploits (ici, la relativité bien sûr).

Cadeau de Noël idéal à mon avis (il fait fureur chez nous depuis son arrivée sous le sapin en 2022), il devrait occuper de longues heures les petits lecteurs et petites lectrices de votre entourage qui auront des milliers de détails à observer sur chaque page. Un bonus très intéressant sur Einstein et ses recherches vient compléter cet album aussi intelligent que visuellement épatant. En tant qu’adulte, je l’ai adoré moi aussi !

Pour en savoir plus sur Torben Kuhlmann et son travail, voici une passionnante interview parue À l’ombre du grand arbre :

PS : Auf Wiedersehen, Les Feuilles allemandes ! Et vivement l’année prochaine 😀

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Littérature jeunesse

Le fantôme de Canterville – Oscar Wilde

Illustrations d’Emmanuelle Patient – Éditions Lire c’est partir

Encore un petit bijou déniché dans une boîte à livres ! Et de saison en plus puisque nous ne sommes plus qu’à quelques jours de Halloween.

Pour une foule de découvertes livresques mais aussi manuelles, photographiques et culinaires, rendez-vous chez Hilde et Lou pour leur superbe challenge Halloween !

Si Le fantôme de Canterville est conseillé à partir de 10 ans, ce n’est pas parce qu’il est effrayant car il est au contraire très drôle. En revanche, des enfants plus jeunes pourraient être démunis face à des tournures soutenues et un vocabulaire un brin désuet. Mon conseil : lisez-le (vous vous régalerez) et décidez ensuite si les jeunes lecteurs et lectrices de votre entourage seraient à même de le comprendre et d’apprécier l’ironie si chère à Oscar Wilde.

Dans ce court roman, une riche famille américaine acquiert un manoir anglais hanté. Bien que prévenus qu’un spectre rôde depuis des siècles, le couple et ses 4 enfants n’y croient pas une seconde. Mais rira bien (d’un rire démoniaque) qui rira le dernier !

Tout le sel de cette histoire tient à l’humour et à l’inversion des rôles, le fantôme de Sir Simon se retrouvant quasiment persécuté par cette famille qui ne manque pas de sang-froid.

« À peine eut-il prononcé ces mots qu’un terrible éclair illumina la pièce sombre, qu’un effroyable coup de tonnerre les fit se lever d’un bond et Mrs Umney s’évanouit. « Quel climat épouvantable ! » dit l’ambassadeur américain avec calme en allumant un cigare. « J’ai l’impression que le vieux pays est tellement surpeuplé qu’il n’y a pas suffisamment de beau temps pour tout le monde. J’ai toujours pensé que l’émigration était la seule solution qui convienne à l’Angleterre. » »

Grâce à ce livre, j’ai également découvert le formidable projet des Éditions Lire c’est partir qui publient des livres et CD jeunesse vendus au prix unique de 0,80 € l’exemplaire, sans subvention et sans réaliser de bénéfice. Leurs livres ne sont pas vendus dans le commerce, ils sont diffusés directement auprès des enseignants, des enfants et de leurs parents, notamment via leur site Internet. Un regret cependant (c’est un euphémisme car un tel oubli est un sacrilège à mes yeux) : le traducteur ou la traductrice (qui a fait un excellent travail ici) n’est pas crédité(e) dans cette édition.

Pour la route, je ne résiste pas à la tentation de partager avec vous un autre petit extrait délicieusement british de ce Fantôme de Canterville !

« Les jumeaux , qui étaient descendus avec leurs sarbacanes, le prirent immédiatement pour cible avec cette précision de tir qui ne s’acquiert qu’après une pratique longue et scrupuleuse sur un professeur d’écriture, tandis que l’ambassadeur des États-Unis le menaçait de son revolver et lui demandait, selon les règles de l’étiquette californienne, de mettre les mains en l’air. »

PS : Une récente parution fait de nombreux clins d’œil au Fantôme de Canterville, devenu un véritable classique : découvrez L’esprit des cafés suspendus chez Náriël et Blandine. Et l’original fait partie des lectures d’enfance dont Audrey de Light and smell ne se lasse pas 👻 !

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Littérature jeunesse

Myriam et le thé du juste moment – Sophie Noël

Éditions Scrineo

Connaissez-vous le château de Monte-Cristo ? Ancienne résidence d’Alexandre Dumas, le lieu est ouvert à la visite et propose régulièrement des animations dont un salon annuel du livre jeunesse début octobre. Pour la première fois cette année, j’y étais. Et j’y ai rencontré l’autrice jeunesse Sophie Noël dont plusieurs romans ont aussitôt rejoint ma besace. Je viens de terminer le premier d’entre eux : Myriam et le thé du juste moment.

Alexandre Dumas en personne vous accueille à l’entrée de son château !

Myriam et sa mère ont parcouru le monde et viennent seulement de poser enfin leurs valises durablement. Pour Myriam, cela signifie être scolarisée pour la première fois (pas évident quand cela arrive en classe de 3e !). Elle devrait aussi enfin pouvoir tisser des liens durables. Mais voilà, elle se sent comme une bête curieuse au milieu des autres élèves et ne se laisse pas approcher, préférant se réfugier dans les livres. Un jour, une nouvelle cliente pas comme les autres investit le café-librairie chaleureux que tient la mère de Myriam. La mystérieuse Adiba est-elle simplement fine psychologue ou bien détient-elle quelque pouvoir magique ? Elle va en tous cas entraîner Myriam dans des séances de contes qui vont changer sa vie.

S’il ne réinvente pas la roue (parcours initiatique qui permet à l’héroïne de libérer son potentiel et de « trouver sa place »), ce roman feel good est bourré de charme et ne pourra que séduire les amoureux et amoureuses des livres comme celles et ceux qui sont convaincu(e)s des pouvoirs de l’imagination, de la lecture et de l’écriture.

Bienveillante et fluide, la plume de Sophie Noël coule de source et nous emporte pour notre plus grand plaisir. Elle m’a fait oublier quelques facilités (la transformation un peu rapide d’une des protagonistes de l’histoire par exemple) et de petites répétitions pas très heureuses (Hilde l’avait remarqué elle aussi : « gérer » ses émotions revient un peu trop, de même que « les ressentis »). Ces petites faiblesses mises de côté, ce récit se déguste comme une bonne tarte aux pommes accompagnée d’un thé parfumé.

Le salon mauresque du château de Monte-Cristo, un décor dans lequel on s’imaginerait bien siroter un thé aux épices et se détendre avec un bon livre !

L’autrice m’a précisé que Myriam et le thé du juste moment est certes destiné aux 9-13 ans, mais qu’il parlera sans doute davantage à des collégien(ne)s puisque l’héroïne a elle-même 14 ans. Cependant, pour des enfants qui lisent beaucoup, rêvent d’écrire des romans et/ou manquent parfois de confiance en soi, c’est selon moi l’ouvrage idéal, et ce dès 9 ans !

Sharon et Hilde l’ont lu aussi, n’hésitez pas à consulter leurs avis.

PS : En plus d’accueillir des autrices et auteurs, le salon du livre jeunesse du château de Monte-Cristo propose des séances de lecture et de dessin, des expositions… Cette année, le thème était « Aventuriers des mers » et nous avons eu droit à un époustouflant spectacle de cape et d’épée joué dans le parc du château sur le thème des pirates. Chapeau bas au Cercle d’escrime ancienne de Marly-le-Roi !

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Littérature jeunesse

Ronya, fille de brigand – Astrid Lindgren

Traduction du suédois par Agneta Segol & Brigitte Duval – Livre de poche jeunesse

Astrid Lindgren est bien entendu connue avant tout pour ses séries Fifi Brin d’acier et Zozo la tornade. Pourtant, cette prolifique autrice jeunesse suédoise a signé d’autres œuvres lues par des générations d’enfants dans toute l’Europe. Ronya, fille de brigand a bercé mon enfance et j’ai relu ce roman jeunesse avec gourmandise pour les Classiques fantastiques. Comme il se doit en ce mois de rentrée scolaire, la littérature jeunesse est en effet à l’honneur de ce rendez-vous orchestré par Moka et Fanny.

Après vérification, Ronya, fille de brigand a paru en Suède en 1981 et en France en 1984, il y a donc près de quarante ans et il me semble bien que l’on parler de classique à son sujet. On est ici dans un roman de fantasy médiévale : les brigands vivent dans un vieux château, détroussent des marchands qui voyagent à cheval, et la forêt qui les entoure est peuplée d’elfes griffus, de nains gris, de trolls, de souterriens ou encore de pataudgrins.

Ronya est la fille de Mattis, bouillonnant chef d’une douzaine de voleurs de grand chemin qui n’en est pas moins un papa complètement gâteau. Le jour où la bande rivale menée par Roka s’installe à ses portes, il veut en découdre mais doit faire face à la rébellion de sa fille qui s’est liée d’amitié avec le fils de son meilleur ennemi.

Couverture de 1984

J’ai retrouvé tout le plaisir de ma lecture d’enfant : la nature est somptueuse mais dangereuse, les brigands sont plus comiques qu’inquiétants, les enfants bien plus réfléchis que les adultes (en particulier que les hommes) et extrêmement débrouillards. Cela vaut mieux quand on voit les conseils que donne Mattis à sa fille avant qu’elle ne parte à l’aventure dans la forêt (on est loin des « parents hélicoptères » !) :

– Méfie-toi des elfes griffus, des nains gris et des brigands de Roka, dit-il. – Comment pourrais-je reconnaître les elfes griffus, les nains gris et les brigands de Roka ? demanda Ronya. – Tu le découvriras, dit Mattis. – Ah ! bon, dit Ronya. – Prends garde de ne pas te perdre dans la forêt, ajouta Matthis. – Qu’est-ce que je fais si je me perds dans la forêt ? demanda Ronya. – Tu cherches ton chemin, répondit Mattis. – Ah ! bon, dit Ronya. – Prends garde de ne pas tomber dans la rivière. – Qu’est-ce que je fais si je tombe dans la rivière ? – Tu nages. – Ah ! bon, dit Ronya.
Couverture de 2002

En relisant ce roman toujours aussi enchanteur, j’ai pu mieux comprendre ce qui m’avait tant plu « à l’époque » : la nature y est célébrée à chaque instant et de manière très poétique. L’humour est également très présent, tout comme l’émotion. La peur de la nuit et des créatures qui peuplent la forêt, le chagrin né de l’incompréhension entre des parents et des enfants qui s’adorent pourtant, la perte d’un être cher ou le poids de la solitude sont abordés avec intelligence et une grande douceur.

Le printemps éclata comme un cri de joie au-dessus des forêts qui entouraient le château de Mattis. La neige fondue ruisselait sur les flancs de la montagne, avant de se mêler aux flots de la rivière. Et la rivière, gagnée par toute cette ivresse printanière, rugissait, écumait et chantait un hymne endiablé au printemps, dans le tumulte des torrents. Sa chanson ne s’arrêtait jamais.

Ronya, fille de brigand est un formidable récit d’aventure, d’apprentissage et d’amitié intemporel, et ce n’est pas Nathalie qui dira le contraire. À lire et relire à tout âge, dès 8 ans.

PS : Astrid Lindgren étant suédoise, elle me permet une fois de plus de participer au challenge organisé par Céline pour faire découvrir toute la diversité de la littérature nordique.

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BD et romans graphiques Littérature jeunesse

La baleine bibliothèque – Zidrou et Judith Vanistendael

Éditions Le Lombard

Il était une fois un facteur de la trop méconnue poste maritime. Un jour, il croisa le chemin d’une baleine qui aimait lire des histoires, surtout celles qui finissaient bien. C’est le début d’une belle amitié, mais les hommes et la vie peuvent être cruels …

Encore un coup de cœur de mes bibliothécaires qui a fait mouche ! La baleine bibliothèque est une vraie pépite à savourer en famille : aussi proche du livre illustré que de la bande dessinée, ce livre (qui peut aussi bien être classé dans les rayons jeunesse qu’adulte) ne prend pas les enfants pour des minus et n’hésite pas à aborder, mais joliment, des réalités pas toujours simples qui leur sont rarement montrées. Le texte, plein de poésie, évoque l’amour, la douleur de la séparation, le bonheur du voyage ou encore le goût de la lecture et nous fait ressentir toute une palette d’émotions en quelques mots… Quant aux illustrations de Judith Vanistendael, ce sont de véritables tableaux qui nous emportent au large et nous émerveillent.

Qui n’a jamais vu sourire une baleine ignore tout de l’humour. Qui n’a jamais vu le sourire de ma femme ignore tout de l’amour.

Zidrou, que beaucoup connaissent pour ses séries Ducobu ou Tamara, a aussi signé L’adoption, une bande dessinée destinée aux adultes que j’avais trouvée très touchante là encore. J’ai hâte de lire également Lydie (BD recommandée par Náriël) qu’il co-signe avec Jordi Lafebre dont j’ai adoré l’album en solo intitulé Malgré tout.

Si je ne vous ai pas convaincu(e)s, je vous conseille une visite ici pour en feuilleter quelques pages : https://www.westory.fr/player-display?do=html&token=VAvWia5D4Y1ZdxjOoz9hW0A9lIwSvqGG

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Littérature jeunesse

La grande forêt & Les îles (Le pays des Chintiens) – Anne Brouillard

Collection Pastel de l’École des loisirs

« Dans cette histoire, nous retrouvons les habitants du Pays du Lac tranquille, une des régions de la Chintia ».

Anne Brouillard, autrice-illustratrice belge, sait embarquer les enfants dans un univers à la fois réaliste et merveilleux, où l’aventure est au détour du chemin pour qui sait ouvrir les yeux. Et les adultes n’y résistent pas non plus, j’en suis la preuve !

Un chien qui marche sur deux pattes et boit du café, un chat inventeur, un magicien rouge, des Nuisibles et des Bébés mousse (aussi insupportables que mignons)… Voici quelques-uns des personnages de ces magnifiques livres délicatement illustrés au pastel. Ici, pas d’action au rythme trépidant, mais au contraire des voyages au ralenti, qui ne mènent pas toujours à la destination voulue. Certaines illustrations sont extrêmement fouillées tandis que d’autres sont comme floues, brouillées, ce qui donne une atmosphère un peu mystérieuse, intrigante, mais jamais effrayante.

Dans ces histoires pleines de poésie et d’imagination, l’autrice alterne les grands dessins sur une page complète ou une double page avec de petites illustrations, des cartes géographiques tracées à la main, ou encore des cases de bande dessinée. On sent une véritable liberté, aussi bien dans le récit que dans la forme qu’il prend.

Les îles, Anne Brouillard

Vous l’aurez compris, ces deux premiers tomes de la série Le pays des Chintiens m’ont enchantée, et pourtant, je ne suis pas le public visé au départ 😊. Quant à ma fille (qui, elle, est dans la « bonne » tranche d’âge), elle les lit et les relit, en s’extasiant à chaque fois sur la minutie avec laquelle les dessins sont réalisés. Les lectrices et lecteurs à partir de 8 ou 9 ans profiteront sans doute davantage du texte (assez fourni) que des enfants plus jeunes (ou plus âgés qui pourraient trouver ces livres trop enfantins). Ce format de grand livre illustré est en effet idéal pour faire la transition vers de premières lectures plus conséquentes. Moins intimidant qu’un petit roman puisque le dessin domine, il pousse à lire sans en avoir l’air. Et à cet âge, filles et garçons apprécieront pleinement les mille et un détails à découvrir dans les illustrations d’Anne Brouillard.