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Le collectionneur de serpents et autres nouvelles – Jurica Pavičić

Traduction du croate par Olivier Lannuzel – Agullo Éditions

De Jurica Pavičić, j’ai déjà lu il y a quelques mois l’excellent roman policier L’eau rouge (mon avis sur Babelio est à retrouver ici). J’ai très vite repéré son recueil de nouvelles au titre mystérieux : Le collectionneur de serpents. Dans ces 5 récits, l’auteur aborde des destins individuels dans lesquels la guerre n’est jamais loin et se trouve même parfois au centre de l’intrigue.

La nouvelle éponyme est pour moi l’une des plus poignantes. Elle montre toute la banalité et le tragique du quotidien des soldats en temps de guerre, et surtout l’absurdité de voir de jeunes hommes arrachés à leurs vies pour aller affronter leurs voisins et vivre des atrocités. Ceux qui en reviennent ne seront évidemment plus jamais les mêmes, à commencer par le collectionneur de serpents.

La seconde nouvelle, Le tabernacle, m’a presque autant bouleversée que la première. Niko apprend un matin la mort de l’occupant de l’appartement familial qu’il a lui-même dû quitter à l’adolescence. Le partage des appartements était monnaie courante sous Tito et le locataire imposé à sa famille n’a jamais pu être délogé. Son décès permet enfin à Niko de revenir dans les lieux. Il y fait alors une étrange découverte qui l’ébranlera.

La patrouille sur la route retrace les destinées opposées de deux frères amoureux de la même femme. Une fois démobilisés, ils vont se retrouver chacun d’un côté de la loi : l’un gendarme, l’autre voleur. Tout cela risque évidemment de mal finir…

Les relations familiales sont elles aussi au cœur de La soeur. Si la guerre est plus lointaine dans cette nouvelle, elle explique en partie les liens distendus entre Margita et sa sœur, qui vit à Belgrade depuis de nombreuses années. Je l’ai trouvée plaisante à lire et juste dans l’analyse des sentiments, mais elle m’a moins touchée et me laisse un souvenir plus vague que les autres nouvelles du recueil.

Les lendemains de la guerre reviennent en force dans Le héros, le récit qui clôt le livre. Jurica Pavičić y crée une atmosphère digne d’un western : un personnage taiseux et solitaire vient travailler dans un village littéralement enroulé sur lui-même et largement laissé à l’abandon. Cet homme est-il bien celui qu’il prétend être ? J’ai été tenue en haleine jusqu’au bout par cette nouvelle qui fait ressurgir des événements très médiatisés des années 2000.

En résumé, je ne peux que conseiller ces très, très bonnes nouvelles de ce formidable auteur qui mêle avec talent récits intimes et histoire de son pays. D’ailleurs, son 2e roman policier, La femme du 2e étage, figurera sans aucun doute dans ma PAL 2024.

Aifelle et Kathel vous conseillent aussi ce recueil, lu pour Les Bonnes nouvelles également.

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Hongrie Romans

Échec et mat ou Le Gambit hongrois

Recueil de nouvelles hongroises traduites (sauf une) par des élèves de l’INALCO – Éditions Cambourakis

Le titre du recueil n’en fait pas mystère : ces nouvelles ont pour point commun le jeu d’échecs, comme thème central ou secondaire. Plusieurs datent du 19e siècle et dégagent un irrésistible charme très Mitteleuropa. Souvent cocasses, parfois tragiques ou mélancoliques, elles parlent des rivalités dans un couple et entre deux mondes, d’amitié, de la folie des hommes … En mêlant habilement absurdité et sagesse, certaines d’entre elles ne sont pas sans rappeler les contes orientaux à la Nasreddine Hodja.

J’ai déniché ce format poche au hasard d’une razzia (le mot n’est pas trop fort ici, je crois :-)) en librairie. Coup de chance, il réunit une douzaine d’auteurs hongrois de premier plan. J’avoue humblement que je ne les connaissais pas avant, à l’exception de Sándor Márai. La littérature hongroise fait en effet partie des mondes que je veux explorer avec ce blog et la tâche qui m’attend s’annonce immense. Et c’est tant mieux !

Dans l’une de mes nouvelles préférées, Une histoire d’échecs, deux joueurs entament un tournoi au café. L’un deux étant saisi de la fièvre du jeu et l’autre devant prendre un train, ils poursuivent leur affrontement dans une gare et jusque dans un wagon où la dernière partie s’achèvera brutalement sur un coup très irrégulier. Ce texte réunit tout ce que j’aime dans une nouvelle : en quelques lignes, on est au cœur de l’histoire et quelques phrases plus loin, la chute vous saisit. Tout y est concentré, intense.

Que vous y jouiez ou non, que vous aimiez ou non le jeu d’échecs, je recommande chaudement cette lecture légère en apparence mais profonde en réalité, comme le sont les contes !

La liste des auteurs comme des traducteurs et traductrices est longue, mais il faut rendre à César ce qui lui appartient :

Auteurs : Endre Ady, Sándor Márai, Gyula Krúdy, Mór Jókai, Dezsö Kosztolány, Lajos Grendel, István Örkény, Jenö Heltai, Frigyes Karinthy, Géza Gárdonyi, Lajos Biró & Gyula Juhász 


Traduction : Elena Bernard, Gabriella Braun, Laurent Dedryvère, Michael Delarbre, François Giraud, Laurent Goeb, Judith et Pierre Karinthy, Bálint Liberman, Yves Sansonnens, Philippe Stollsteiner, Gabrielle Watrin, Sara Weissmann, sous la direction d’András Kányády