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Norvège Romans

D’autres étoiles, un conte de Noël – Ingvild H. Rishøi

Traduction du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud – Mercure de France

Quelle chance j’ai eue de tomber sur ce petit bijou de saison ! Ce court roman (encore un) est une merveille de sensibilité, de tendresse, mais aussi un condensé de ce que la vie a de plus âpre. Préparez vos mouchoirs !

Ronya (10 ans) et Melissa (16 ans) sont deux sœurs qui ne peuvent pas compter sur leur père, alcoolique parfois sevré (et il est alors un père en or) mais qui retombe toujours dans son addiction. Alors, quand il perd le travail de vendeur de sapins de Noël qu’il avait décroché, Melissa prend le relais. Puis Ronya met elle aussi la main à la pâte, au risque de leur attirer des ennuis.

Melissa est une grande sœur extraordinaire et Ronya, qui est la narratrice, une petite fille fabuleuse. On a franchement très envie de les adopter pour leur épargner la souffrance que leur cause leur père, la honte aussi et la culpabilité que celle-ci engendre à son tour.

Asphalte et soleil. Ce n’était que de l’asphalte et ce n’était que du soleil. Et il n’était que midi. Seulement voilà, papa ne marchait pas correctement, ce qui faisait que je cuisais de chaud et que je grelottais de froid. Puis il m’a remarquée. Il a souri, et il a levé la main pour me faire coucou. Donc moi aussi je devais lever la main. Seulement voilà, tout le monde peut voir à travers le porche, et là je me suis dit : coupez-moi la tête. Je me suis dit : venez, tempêtes, crues et incendies.

Le concierge de l’école, un vieux voisin, le père d’un camarade de classe, images de la bienveillance et de la générosité humaines, veillent sur elles autant que possible mais ils ne peuvent pas les soustraire à leur destin.

Semant ici et là des références explicites aux classiques de la littérature jeunesse, en particulier La petite marchande d’allumettes et mon chouchou Ronya, fille de brigand, l’autrice crée son propre conte de Noël avec une langue magnifique, très poétique et drôle aussi puisque c’est une enfant qui s’exprime avec une jolie gouaille.

D’autres étoiles est un conte de Noël triste et pourtant lumineux, à la fois intemporel et bien ancré dans notre époque. Malgré le drame social qu’il dépeint, il irradie l’amour et l’espoir.

D’autres avis chez Luocine, Blandine et Cécile.

Cette lecture m’offre l’occasion d’une nouvelle participation au challenge de Céline autour des auteurs des pays nordiques (son récapitulatif est une mine d’idées !).

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Colombie Romans

La chienne – Pilar Quintana

Traduction de l’espagnol (Colombie) par Laurence Debril – Calmann-Lévy

Voilà un très court roman (128 pages) que j’ai lu presque d’une traite, envoûtée que j’étais par l’atmosphère tissée par Pilar Quintana.

Sur la côte pacifique de la Colombie, Damaris et Rogelio vivotent dans une cabane grâce aux quelques sous gagnés au prix de campagnes de pêche plus ou moins fructueuses et de ménages. En mal d’enfant, ils se sont éloignés et, depuis plusieurs années, ne font plus que cohabiter. Sur un coup de tête, Damaris adopte un jour une petite chienne à laquelle elle s’attache sans doute plus que de raison. Après une première fugue, celle-ci prend goût à la liberté et s’échappe à la première occasion. Ces abandons font passer Damaris par toute une palette d’émotions, des plus douces aux plus féroces.

C’est bien Damaris que l’on suit, et sa ou plutôt ses douleurs qui se dévoilent au fil de retours dans le passé. Mais Pilar Quintana nous parle aussi de Rogelio, bien moins fruste qu’au premier abord, et de toute une petite communauté accrochée à ce bord de mer hostile. Tous ces personnages m’ont paru extrêmement seuls, à commencer par Damaris bien sûr, une impression renforcée par leur isolement géographique. Les tempêtes, la chaleur, la mer, la jungle et sa faune, bref, la nature est également omniprésente dans ce roman. Et elle n’y est pas généreuse, mais impitoyable et menaçante.

La chienne est un roman resserré, au style sobre et poignant à la fois. Très fort et dépaysant, il se lit vite mais ne s’oubliera pas facilement.

PS : Koryfée, dont je viens de découvrir le blog, l’a aimé aussi. Sa chronique est à retrouver ici (avec en prime son adorable toutou en photo !).

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Films et séries

Polar park – mini-série française

Disponible sur Arte.tv jusqu’au 24 avril 2024

Tirée d’un film sorti en 2011, la mini-série Polar park actuellement diffusée sur Arte (6 épisodes) est un régal pour les fans de séries et de romans policiers, mais aussi les adeptes d’humour décalé et d’ambiance hivernale.

Nous sommes à Mouthe, village le plus froid de France, où débarque David Rousseau, célèbre auteur de romans policiers aux titres improbables. Il vient rencontrer un moine censé lui révéler un secret. Mais à son arrivée au monastère, il apprend que le religieux en question vient de mourir. Le même jour, on découvre une oreille humaine coupée dans un parc animalier noyé sous la neige, le Polar park qui donne son nom à la série. Et bientôt, c’est un homme assassiné dans une mise en scène reproduisant l’Autoportrait à l’oreille coupée de Van Gogh que l’on retrouve chez lui.

Entre quête des origines, panne d’écriture chez un auteur-star et traque d’un tueur en série par un duo gendarme-écrivain, le scénario réussit parfaitement son coup : rendre hommage aux séries et romans policiers grâce à une intrigue très bien ficelée tout en se moquant (gentiment) de leurs « recettes ». Dans ce double jeu de suspense et d’humour, les acteurs sont formidables, Jean-Paul Rouve en tête (à vrai dire, je ne vois pas qui d’autre aurait pu jouer ce rôle, ils étaient tout simplement faits l’un pour l’autre).

La réalisation réserve aussi de véritables moments de poésie et de légère étrangeté. Quant aux personnages secondaires, ils sont détonnants : un médiathécaire maniaque, une prof de français exaltée, une championne départementale de Scrabble, un mystérieux chamane… La population locale est parfois très surprenante et le côté glacial du Doubs est parfaitement exploité, rappelant les polars nordiques à succès.

Si vous avez vu et aimé Polar park, je ne peux que vous conseiller Poupoupidou, le film dont cette série n’a en fait repris que quelques éléments (essentiellement le lieu et les personnages principaux). Je l’avais vu par hasard à sa sortie et j’avais adoré (mais j’ai peut-être un sens de l’humour bizarre, j’attends vos avis pour me faire une opinion là-dessus :-D) !

PS : Gérald Hustache-Mathieu, le réalisateur, a annoncé qu’il y aurait deux autres saisons. J’ai hâte !

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Croatie Romans

Terre, mère noire – Kristian Novak

Traduction du croate par Chloé Billon – Les Argonautes Éditeur

Que serions-nous, nous lecteurs et lectrices avides d’horizons (plus ou moins) exotiques, sans les artistes de la traduction littéraire ? Souvent négligé(e)s, parfois critiqué(e)s, quelquefois cité(e)s et même félicité(e)s, ces hommes et ces femmes de l’ombre nous donnent à entendre la voix de milliers d’écrivain(e)s du monde entier. Qu’ils et elles soient chaleureusement remercié(e)s ici ! Si je vous en parle aujourd’hui, c’est parce que j’ai assisté il y a peu à une rencontre avec Chloé Billon. Cette jeune traductrice du bosnien, du croate, du monténégrin et du serbe nous a parlé de son parcours, de son métier, du paysage littéraire dans ses langues de travail et bien sûr il a été question de sa récente traduction de Terre, mère noire (la directrice des Argonautes était co-invitée). Une soirée passionnante qui a mis en lumière le magnifique métier de traductrice littéraire et qui m’a bien sûr convaincue d’acheter ce roman.

Après un prologue très intrigant, le roman s’ouvre (première surprise) sur la jolie histoire d’amour en train de naître entre Matija, jeune fonctionnaire également auteur de deux romans, et la pétillante Dina, chargée de relations publiques à la technique de repassage très personnelle :

Matija partait au travail plus tard qu’elle, et il restait au lit à la regarder se préparer. Elle essayait de régler ses différends avec le monde des objets le plus discrètement possible, mais n’y arrivait pas toujours. Un matin pluvieux, elle avait frappé la poignée qui lui avait agressé le coude, et le matin suivant elle s’était disputée avec le fer à repasser, le traitant de gros con et lui disant qu’elle le détestait. Tout cela parce que quand elle était en retard, elle commençait par s’habiller puis repassait ses vêtements sur son corps. Forcément, ça devait finir par arriver, le fer lui était tombé sur le pied. N’arrivant plus à faire semblant de dormir, il avait éclaté de rire, et elle lui avait joyeusement expliqué que tout le monde repassait comme ça, rien d’exceptionnel, et que c’était agréable en hiver, ça réchauffait.

Le ton est donc d’abord léger et drôle pour cette chronique d’une histoire d’amour franchement mignonne. Puis, les choses basculent sans que Matija les aies vues venir le jour où Dina le quitte, désemparée et épuisée par les mensonges qu’il ne cesse d’accumuler et dont il ne garde même aucun souvenir. Quelques temps plus tard, alors qu’il est toujours sous le coup de cette rupture et de ce que Dina a décelé en lui, il tombe sur une étude scientifique consacrée à une vague de suicides survenue 20 ans plus tôt dans le Medjimurje, sa région d’origine. C’est le déclic qui lui fera retrouver la mémoire perdue de son enfance, celle qui explique ses mensonges incessants inventés pour combler le vide laissé par un traumatisme d’enfance totalement refoulé.

Image par David Peterson de Pixabay

On bascule alors dans un tout autre récit, bouleversant, violent aussi mais qui reste empreint d’ironie et d’humour. Dans cette région plutôt préservée de la plupart des vicissitudes de l’histoire récente de la Croatie, les légendes, les personnalités hautes en couleur et la vie en vase clos d’une petite communauté peuvent déboucher sur le meilleur comme le pire. Pour Matija, tout a commencé avec le décès de son père alors que lui-même n’avait que 5 ans. L’incompréhension créée par ce drame et l’enchaînement des événements qui vont le suivre vont conduire cet enfant au bord de la folie.

J’ai été impressionnée par la capacité de l’auteur à mêler presque tous les registres dans le même roman : la comédie romantique, le drame absolu, le récit d’amitié, la comédie sociale et politique, le roman initiatique, le suspense quasi policier, le thriller psychologique… Le tout avec une apparente facilité et un véritable don pour faire (sou)rire comme pour nous serrer le cœur. Au vu de la quatrième de couverture, je m’attendais à avoir du mal à entrer dans ce récit, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. (Les extraits lus pendant la soirée organisée par ma librairie m’avaient quand même donné un aperçu rassurant). Le style comme la construction sont limpides et parfaitement accessibles (ce qui ne veut pas dire faciles ou plats, loin de là !). Le contenu, la matière sont quant à eux d’une puissance implacable. Terre, mère noire est un roman que je n’ai pas pu lâcher et dont je sens bien qu’il ne me lâchera pas de sitôt. Bref, un grand roman.

C’est la première fois que Kristian Novak est traduit en français (très beau travail de Chloé Billon !) et j’espère bien que ce n’était pas la dernière parce que j’ai découvert là un auteur qui semble capable de tout écrire.

PS : Pour en savoir plus sur le travail de Chloé Billon et les romans qu’elle a traduits, je vous recommande cette interview accordée à Passage à l’Est en 2020 :

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Allemagne Littérature jeunesse

Einstein – Torben Kuhlmann

Traduction de l’allemand par Anne-Judith Descombey – Éditions NordSud

Pour finir en douceur ce mois des Feuilles allemandes, je vous invite à (re)découvrir un magnifique livre illustré destiné aux enfants de 8 à 11 ans environ.

Torben Kuhlmann a imaginé les aventures d’un petit rongeur qui, frustré au plus haut point d’avoir manqué LA Fête du fromage, va vouloir remonter dans le temps pour pouvoir assister à ce grand événement. Curieuse et persévérante, notre petite souris (absolument craquante) connaîtra bien des aventures, notamment à cause du terrible chat Chronos. Elle rencontrera même Albert Einstein à l’Office des brevets de Berne et on peut se demander qui de la souris et du scientifique a inspiré l’autre…

Sous-titré « Le fantastique voyage d’une souris dans l’espace-temps », cet album nous immerge dans des dessins à l’atmosphère rétro de toute beauté. Comme celle d’Edison, de Lindbergh et d’Armstrong que l’auteur a signées dans la même collection, cette histoire nous invite à revivre l’épopée de grandes inventions ou exploits (ici, la relativité bien sûr).

Cadeau de Noël idéal à mon avis (il fait fureur chez nous depuis son arrivée sous le sapin en 2022), il devrait occuper de longues heures les petits lecteurs et petites lectrices de votre entourage qui auront des milliers de détails à observer sur chaque page. Un bonus très intéressant sur Einstein et ses recherches vient compléter cet album aussi intelligent que visuellement épatant. En tant qu’adulte, je l’ai adoré moi aussi !

Pour en savoir plus sur Torben Kuhlmann et son travail, voici une passionnante interview parue À l’ombre du grand arbre :

PS : Auf Wiedersehen, Les Feuilles allemandes ! Et vivement l’année prochaine 😀

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Allemagne Romans

Nuit bleue – Simone Buchholz

Traduction de l’allemand par Claudine Layre – Éditions L’Atalante

Voilà un petit moment déjà que j’entends parler des polars de Simone Buchholz. Avec Les Feuilles allemandes, c’était l’occasion rêvée de m’y mettre. Je voulais lire ces romans dans l’ordre de leur parution mais – ratage – j’ai finalement lu Nuit bleue qui est le 2e. Bref, sachez-le si vous vous lancez : le premier roman de cette série s’intitule Quartier rouge.

Malgré cette erreur dans la chronologie, j’ai été entraînée sans problème dans le sillage clope-bière-schnaps-sandwich-au-poisson de Chastity Riley (oui, c’est bien son nom). Autour de cette procureure gravitent des malfrats repentis et des policiers aguerris (mais au cœur tendre) qui forment une petite bande d’amis peu conventionnelle. Lieu de tous les trafics, de la corruption mais aussi de la fête et du cosmopolitisme, Hambourg est un personnage à elle toute seule. Aussi fascinante que poisseuse, la ville donne un cachet indéniable à ce roman très efficace.

Chastity Riley répond quant à elle aux codes du genre : hantée par une jeunesse un peu glauque, foncièrement intègre et (donc) mise sur la touche par sa hiérarchie, elle passe plus de temps dans les bars que dans son bureau. Elle n’en est pas moins efficace et son métier de procureure lui donne un regard différent des enquêteurs plus « classiques ».

Les Feuilles allemandes, c’est chez Eva & Patrice ainsi que chez Fabienne pendant tout le mois de novembre.

Je n’ai fait qu’une bouchée de ce roman à la construction maligne et très addictive. C’est à la fois un récit d’atmosphère et un tableau de la criminalité qui règne à Hambourg. Riley se rendra aussi à la frontière avec la République tchèque pour tenter de percer le mystère qui enveloppe l’homme dont elle est censée assurer la protection. Retrouvé à moitié mort et avec un index sectionné, le mystérieux Joe la mène-t-il en bateau et est-il une « vraie » victime ? Si vous voulez le savoir, vous savez ce qu’il vous reste à faire ;-D

PS : Ingannmic a lu il y a quelques jours une autre enquête de Chastity Riley, Rue Mexico, et Pativore nous a fait découvrir Béton rouge, tous les deux très alléchants.

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Allemagne Romans

Brandebourg – Juli Zeh

Traduction de l’allemand par Rose Labourie – Actes Sud

Le titre de ce roman en VO, Unterleuten, offre un jeu de mots qui résume formidablement cette histoire. En effet, si Unterleuten est le nom du village du Brandebourg où se passe l’histoire, « unter Leuten » en 2 mots signifie littéralement « entre les gens », ou « entre voisins » pourrait-on dire ici. À la manière d’un thriller, Brandebourg nous parle de l’Allemagne des zones rurales délaissées, des oubliés de la réunification, et de notre époque.

Après Nouvel an, chroniqué sur ce blog il y a quelques mois, j’ai à nouveau été bluffée par le talent de Juli Zeh pour faire d’une histoire a priori banale un roman qu’on dévore comme un polar (malgré ses plus de 600 pages). L’autrice prend le temps de planter son décor et de camper ses personnages. On découvre progressivement les différentes facettes, attachantes ou repoussantes, des habitants du cru et des nouveaux arrivants. Très vite, la tension est palpable et on sent que quelque chose va mal tourner dans ce petit village loin de tout. Venant cristalliser des haines quasi ancestrales et des rivalités nouvelles, c’est un projet d’implantation d’éoliennes qui va déchirer cette communauté déjà au bord de l’implosion.

Juli Zeh réunit ici une palette de personnalités hétéroclites et appartenant à plusieurs générations, dont le point commun est sans doute d’appliquer le principe suivant : moi (et ma famille) d’abord. Car personne ici n’est foncièrement mauvais. Pourtant, pour atteindre ses objectifs, assouvir une vengeance, préserver son intégrité et celle de sa famille, ou encore par culpabilité et parfois avec les meilleures intentions (personnelles), la majorité des habitants d’Unterleuten va jouer un rôle dans le drame qui va se produire.

C’est brillamment construit et, jusque dans les dernières pages, j’ai été impressionnée par les retournements savamment orchestrés par Juli Zeh. Elle nous présente avec Brandebourg une radiographie de l’ex-RDA en proie à l’exode et à la spéculation, mais elle décrit avant tout des réalités très universelles, qu’il s’agisse du comportement humain ou des clivages dans nos sociétés contemporaines où le bien commun ne veut plus dire grand-chose.

Encore une lecture réussie pour moi avec cette talentueuse écrivaine allemande que je recommande chaudement. Et vive Les Feuilles allemandes !

PS : Lors des Feuilles allemandes 2021, montagnedazur avait également lu et beaucoup aimé ce roman. Vous trouverez d’autres avis encore ici et .

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BD et romans graphiques Finlande

Moi, Mikko et Annikki – Tiitu Takalo

Traduction du finnois par Kirsi Kinnunen – Éditions Rue de l’échiquier

Petite infidélité aux Feuilles allemandes aujourd’hui avec une BD dont la couverture m’a intriguée (j’ai flashé sur la police de caractère du titre, le choix d’un livre tient parfois à peu de choses ;-D). C’est seulement à la lecture que j’ai constaté qu’il était question de l’histoire d’un quartier et de ses habitant(e)s. Autrement dit, une lecture parfaite pour l’autre grand rendez-vous du mois de novembre : Sous les pavés, les pages proposé par Ingannmic et Athalie. L’autrice étant finlandaise, je peux en plus ajouter cet album au challenge autour des auteurs et autrices des pays nordiques qu’organise Céline.

L’artiste Tiitu Takalo retrace l’histoire du quartier d’Anniki à Tampere, en Finlande, de l’ère glaciaire (!) à aujourd’hui. Fait surprenant, en tous cas pour nous autres qui vivons au pays de la conservation du patrimoine : En 2014, 70 % du bâti en Finlande avaient moins de 30 ans ! Les maisons et édifices historiques sont donc une denrée rare et le quartier d’Annikki fait partie de ces exceptions. Et il a fallu une mobilisation citoyenne de longue haleine pour en préserver ne serait-ce qu’une toute petite partie.

L’idée de l’album est née de l’envie de chroniquer la lutte récente d’une communauté locale contre des projets d’urbanisme qui aimeraient faire table rase du passé. Mais l’autrice opère aussi de nombreux retours en arrière qui nous permettent de comprendre le développement de la ville. Elle donne beaucoup d’informations et la lecture demande parfois un peu de concentration mais c’est passionnant ! Il y a juste un ou deux passages qui m’ont paru sans rapport avec le reste et dont je n’ai pas bien compris ce qu’ils venaient faire là. Ça reste heureusement marginal et cette BD mérite vraiment d’être découverte, précisément pour l’aspect humain dans le développement urbain que Sous les pavés, les pages souhaite mettre en lumière.

Avec ce récit à la fois intime et collectif, Tiitu Takalo livre en creux le portrait d’un petit pays qui a longtemps été assujetti par ses grands voisins (Suède, Russie), qui n’est officiellement indépendant que depuis le 6 décembre 1917 et dont on connaît peu l’histoire. Alors si vous avez envie de mieux connaître « le pays aux mille lacs », cette BD peut être un très bon début.