Traduction du polonais par Caroline Raszka-Dewez – Éditions Noir sur blanc
Rozela, Gerta, Truda, Ilda sont les héroïnes de Cœurs endurcis. Un titre trompeur : Elles ont toutes le cœur tendre, et le garderont envers et contre tout, même si elles affronteront plus que leur lot de problèmes et de malheurs. Impossible de ne pas s’attacher à cette petite famille clairement dominée par les femmes.
Dans l’entre-deux-guerres, Rozela perd son mari et élève seule ses filles dans sa maison de la Colline-aux-vierges. Pendant la guerre, elle abrite une famille juive puis des évadés français dans sa cave, travaille dur pour nourrir ses filles. Elle gardera une haine farouche des Allemands et une terreur absolue des Russes. Le temps passe, les filles grandissent, Gerta et Truda se marient, Ilda rencontre un artiste aussi fascinant que manipulateur, des enfants naissent – ou pas -, et l’Histoire de la Pologne se dessine en toile de fond : surveillance par la milice, arrestations et détentions « épuratives », pénurie de logements, système D, émeutes, passage à l’Ouest…
Encore une saga familiale sur fond historique, me direz-vous. Certes, mais ce serait oublier la plume virevoltante et pleine d’humour de l’autrice (l’anecdote des cochons à frange noire est formidable), ce qui n’empêche pas l’émotion d’être au rendez-vous. En nous racontant cette belle histoire de sororité et d’amour filial, Martyna Bunda rend un hommage appuyé à toutes les femmes qui luttent chaque jour contre l’adversité, les injonctions sociales, leurs propres démons et contre la bêtise et la cruauté de certains hommes.
Traduction de l’allemand par Pierre Deshusses – Éditions 10/18
Après ma lecture récente et très mitigée de Tout va bien, je ne pensais pas pouvoir apprécier un roman construit sur le même mode, couvrant en grande partie les mêmes périodes et dont je découvre après l’avoir refermé qu’il a lui aussi remporté le Deutscher Buchpreis. Malgré ces troublantes similitudes, j’ai dévoré Quand la lumière décline. (Le problème était donc ailleurs 😉.)
Comme chez Arno Geiger, le roman s’ouvre ici en 2001 et chaque chapitre est consacré à une journée et à un point de vue différents. Différence notable : Dans Quand la lumière décline, sous-titré Roman d’une famille, c’est l’histoire de sa propre famille que nous raconte l’auteur. La complexité des relations intrafamiliales (rivalités, grand âge) se mêle à la grande Histoire : exil au Mexique des grands-parents, goulag et bannissement en URSS pour le père, retour de la famille en RDA, service militaire en tant que garde-frontière et fuite à l’Ouest du fils…
« Il ne verrait rien de tout ça, se dit Alexander pendant qu’un sous-lieutenant se mettait à expliquer, un papier à la main, quelle position réglementaire il fallait prendre quand on devait tirer à plat ventre, « bien droit mais en oblique par rapport à la cible », rien de tout ça parce qu’entre ici et là-bas, entre ce monde et l’autre, entre le petit monde étriqué où il serait contraint de passer sa vie et l’autre monde, grand et vaste où se trouvait la vraie vie ; parce qu’entre ces deux mondes, il y avait une frontière que lui, Alexander Umnitzer allait bientôt devoir surveiller. »
Peut-être est-ce avant tout cette authenticité, cette sensation de vécu qui fait la différence avec le roman de Geiger (sans doute aussi l’absence d’effet stylistique ostentatoire). Chacun des personnages est ici très incarné, ce qui en rend certains attachants, d’autres détestables mais avec les nuances que permettent les points de vue renversés. Les très nombreux dialogues contribuent aussi à les rendre plus « vivants », me semble-t-il. En tous cas, l’émotion affleure en permanence.
« Nadejda Ivanovna regarda sa propre main, elle avait l’impression de lui avoir fait mal avec cette main usée par l’arrachage des pommes de terre, par la scierie ; elle regardait les veines qui ressortaient sur le dos de sa main à en faire peur, la peau plissée sur les phalanges, les ongles abîmés par les petites et les grosses blessures, les cicatrices, les pores de la peau, les rides et les paumes sabrées de centaines de petites lignes. Elle comprenait d’une certaine façon qu’il ne veuille pas être touché par tout ça. »
Cette immersion dans une famille de RDA, avant même la création du pays et jusqu’à sa dissolution, est passionnante parce qu’elle y montre la vie de tous les jours, les compromissions et les ambitions à l’œuvre, les différences et incompréhensions au sein d’un couple et entre les générations, sans oublier la violence des bouleversements qu’ont entraînés la guerre, la division de l’Allemagne et sa réunification.
À lire, en particulier si l’histoire de la RDA vous intéresse !
C’était ma dernière participation aux Feuilles allemandes 2024. Vivement novembre prochain !
PS : Dans un autre roman traduit sous le titre Le Metropol, Eugen Ruge complète le puzzle en relatant ce qui s’est passé lors des grands procès de Moscou en 1936 pour Charlotte et Wilhelm, les grands-parents de Quand la lumière décline.
Traduction de l’allemand par Olivier Le Lay – Éditions Gallimard
En 2005, l’auteur autrichien Arno Geiger a remporté le prestigieux Prix du livre allemand (Deutscher Buchpreis) avec le roman que j’ai choisi pour cette lecture commune avec Eva et Anne-Yès pour les Feuilles allemandes. Le concept de Tout va bien est original et plutôt séduisant : Chaque chapitre est le récit d’une seule journée fait par un des membres de la famille Sterk, sur une période allant de 1938 à 2001.
En 2001, Philipp doit vider la maison de sa grand-mère Alma, récemment décédée. En 1938, son grand-père Richard, par une chaude journée d’été, observe ses enfants jouer dans le jardin tout en ressassant son sentiment de culpabilité dû à son infidélité (avec la bonne d’enfants), ses inquiétudes face aux menaces nazies … En 1982, Alma constate que Richard perd décidément la tête. En 1945, Peter, le père de Philipp, connaît la guerre, la vraie, au sein des jeunesses hitlériennes. En 1960, Ingrid, sa femme, finit sa garde à l’hôpital, subit une fois de plus la misogynie des chefs de service et la charge mentale des femmes actives qu’on n’appelait pas encore ainsi, etc.
Une palette de personnages intéressants, et des réflexions très pertinentes forment donc l’ossature de ce roman au style par ailleurs heurté, avec des passages du coq à l’âne (puisqu’on suit le fil des pensées des protagonistes, particulièrement décousues pour certains). Les journées évoquées ne le sont pas dans l’ordre chronologique, ce qui n’est pas gênant en soi, mais ce découpage et l’alternance des points de vue fait qu’on ne s’attache à aucun personnage, à l’exception peut-être d’Alma qui m’a davantage touchée. Cette famille m’a même franchement agacée et l’écriture de Geiger m’a paru chercher l’originalité à tout prix. C’est probablement ce qui lui a valu le Deutscher Buchpreis qui récompense souvent des plumes atypiques (mais pas toujours des plus agréables).
Ajoutons à cela une édition truffée de coquilles (qu’une lectrice avant moi avait déjà corrigées au crayon à papier, ça m’a fait sourire) et d’erreurs de traductions (« variole » au lieu de « varicelle », le terme inconnu de « craintivité »), sans oublier un usage abusif de l’expression « aussi bien » qui me hérisse le poil d’avance. Je suis curieuse de savoir ce qu’en a pensé Eva qui l’a lu en VO. La responsabilité de certaines étrangetés stylistiques est-elle due au style de Geiger dans sa langue ou à sa traduction ?
L’auteur a de toute évidence beaucoup de talent. Certains passages sont excellents et son regard très neutre sur ses personnages crée un portrait éclairant d’une famille autrichienne sur plusieurs générations. Malgré tout, si je suis allée au bout de ce roman, c’est avant tout pour ne pas laisser tomber Eva, je le reconnais bien volontiers. Je ne peux pas dire qu’Arno Geiger n’est pas un auteur à découvrir. Mais Tout va bien fait partie de ces romans qui enthousiasment ou irritent, et je suis clairement dans le 2e cas !
PS : Le Monde est dans la team enthousiaste, sa critique est à lire ici.
Traduction de l’allemand (Suisse) par Laurent Muhleisen – Éditions L’Arche
Encore une claque venue de Suisse ! Merci (sans ironie) aux Feuilles allemandes de m’avoir donné l’occasion de lire cette pièce toujours jouée depuis sa création en 1955, et pour cause : elle n’a pas pris une ride !
Je préfère l’illustration de cette édition même si ce n’est pas celle que j’ai lue ;-D.
Friedrich Dürrenmatt a prévu des didascalies extrêmement précises qui permettent à son lectorat, même peu habitué à lire des pièces de théâtre, de parfaitement se représenter le décor et la mise en scène. Tout commence ainsi à la gare de Güllen, petite ville autrefois prospère et devenue totalement moribonde. Ses industries ont fermé, les trains ne s’y arrêtent pour ainsi dire plus et ses habitants survivent à peine. Ils attendent, dernier espoir pour eux, une visite de la plus haute importance : celle d’une vieille dame devenue multi-milliardaire depuis qu’elle a quitté Güllen il y a fort longtemps.
Ils ne seront pas déçus puisqu’elle va en effet proposer de les faire bénéficier de ses largesses mais à une condition terrible : ils doivent tuer pour elle l’homme qui l’a trahie et condamnée à la misère il y a un demi-siècle de cela. Elle demande « la justice » en réclamant pour cela à d’autres de lui offrir réparation. Je vous laisse imaginer la tension qui monte très vite dans ce récit ! Mais nous ne sommes pas ici dans le drame pur, la farce est aussi au rendez-vous, ce qui souligne à merveille la morale à géométrie variable de bien des personnages. Les pires ne sont d’ailleurs pas toujours ceux que l’on pense…
Je n’avais pas encore lu Dürrenmatt (La promesse, roman conseillé par Kathel, figure pourtant en bonne place dans ma PAL) et je ne savais donc pas du tout à quoi m’attendre avec cette pièce au titre à première vue inoffensif. Quel pessimisme (réalisme ?) sur la nature humaine et quel cynisme ! Ça décoiffe !
Ne vous arrêtez pas au fait que c’est une pièce de théâtre : au bout de quelques pages à peine, vous l’aurez oublié et je vous défie alors de ne pas la lire jusqu’au bout ! Quant à moi, je vais surveiller les programmes de théâtre pour aller la voir sur scène à la première occasion.
PS : Il me semble que c’est la pièce préférée de Violette, grande lectrice et spectatrice de théâtre, mais je n’ai pas trouvé son billet à son sujet.
Traduction de l’allemand (Autriche) par Jacques Le Rider – Éditions Bartillat
Mais qui est ce Lieutenant Burda tiré à 4 épingles et au regard mystérieux ? Eh bien, ce n’est pas le narrateur de cette nouvelle (ni d’ailleurs l’homme sur la photo de couverture 😋). Ferdinand von Saar a en effet opté pour un regard extérieur de proximité (toujours très pratique en littérature), autrement dit celui d’un ami du héros. Enfin, un ami, c’est un grand mot en l’occurrence car le lieutenant Burda n’est en réalité proche de personne.
Peu à peu, cet « ami » constate que Burda a des attitudes et des convictions de plus en plus étranges. Tout semble aller dans le sens de ses affirmations pourtant farfelues et le narrateur comme le lecteur en vient à s’interroger : Burda est-il plus lucide que son entourage ou bien en train de perdre la raison ?
« La façon dont Burda arrangeait tout à sa convenance, dans les moindres détails, était étonnante. Et de fait, si vraiment il n’était pas victime d’une complète illusion en ce qui concernait les sentiments qu’il avait l’audace de prêter à la princesse, alors ses espoirs, même s’ils semblaient extravagants, n’étaient pas dénués de tout fondement. Mais je me gardai bien de l’encourager dans cette voie et me contentai de dire : « Voilà qui, décidément, fait apparaître la chose sous un jour nouveau, et qu’elle qu’en soit l’issue, sois assuré de mes vœux de succès et de ma sincère sympathie » ».
Ah, ah, quelle habile réponse de celui qui n’ose pas dire à Burda « Mon vieux, tu débloques : tu n’es qu’un sous-officier qui a tout juste de quoi vivre et tu penses qu’une femme de haute naissance à laquelle tu n’as jamais parlé t’aime et va t’épouser ?! ». Il faut dire que Burda est très susceptible et qu’il vaut mieux ne pas l’échauffer, comme on le verra plus tard dans cette histoire…
Nous avons donc là une nouvelle très réaliste sur la folie (pour son éditeur français, von Saar est d’ailleurs « le Maupassant viennois »), mais aussi sur une volonté d’ascension sociale bridée par les conventions de l’époque. Nous sommes par ailleurs dans un empire austro-hongrois qui se remet tout juste de soulèvements populaires et dans lequel « les particularismes nationaux ne s’étaient pas encore transformés en conflits déclarés. Ils fermentaient et frémissaient souterrainement, encore imperceptibles pour un œil non averti. » Beaucoup de choses donc, parfaitement maîtrisées, dans un court texte haletant, à l’écriture fluide et ciselée, dont le contexte et l’approche m’ont très vite évoqué Stefan Zweig et Arthur Schnitzler. Ce dernier a d’ailleurs écrit un roman intitulé Lieutenant Gustl qui semble avoir plusieurs points communs avec Le lieutenant Burda, au-delà de la similitude des titres.
Je vous recommande ce classique signé par un auteur moins connu que ses deux illustres comparses viennois, mais qu’il serait dommage de ne pas découvrir dans cette belle traduction de Jacques Le Rider. Une participation autrichienne aux Feuilles allemandes organisées cette année par Eva et Patrice.
Traduction de l’allemand par Dominique Autrand – Éditions Albin-Michel
Un bien joli roman pour cette LC avec Eva,Madame Lit, Doudoumatous et Luocine ! Il a d’ailleurs connu un beau succès en librairie, y compris en France. Je l’ai lu le temps d’un (long) trajet en train, en partie à travers une campagne allemande aux couleurs déjà très automnales 🍂🍄. Cela a encore ajouté au charme de cette lecture 🍐.
Le résumé sonne comme un cliché : Une adolescente et une femme d’âge moyen, toutes les deux « écorchées par la vie », vont s’apprivoiser et, peut-être, réussir à apaiser leurs blessures. Le tout sur fond de travail à la ferme avec fabrication de pain, de miel, vendange, coupe du bois et bien sûr cueillette des fameuses poires anciennes.
Ce roman est cependant plus délicat et plus touchant qu’on ne pourrait l’imaginer. L’écriture ne néglige pas les ellipses et s’avère très sensorielle. Les réactions de Sally m’ont paru très justes et j’ai été impressionnée par la capacité de l’auteur à exprimer le mal-être de cette jeune fille. Il donne un véritable accès à ce qui peut se jouer chez les jeunes qui s’auto-infligent toutes sortes de mauvais traitements. Le parcours de Liss est bouleversant aussi, et les scènes de son enfance témoignent de ce que peuvent être les maltraitances psychologiques et leurs conséquences.
Le parfum des poires anciennes est un roman qui fait du bien, certes, mais sans tomber dans la facilité. Pas de romance à l’horizon en particulier, c’est une histoire d’amitié « sororale » avant tout, et c’est très bien comme ça ! Fabienne l’avait aimé elle aussi, ouvrant la voie à cette LC 2024.
Traduction de l’allemand (Suisse) par Raphaëlle Lacord – ZOE Éditions
Quel roman déroutant et extrêmement fort ! Je ne saurais trop recommander cette expérience de lecture originale et assez bouleversante. Pour ma part, le billet d’Eva paru l’an dernier m’avait bien préparée à ce que j’ai ressenti : comme elle, j’ai d’abord été dubitative, puis je me suis très vite laissée happer et j’ai adoré.
Ce roman est particulièrement difficile à résumer. Je me contenterai donc de vous dire que ces Trois âmes sœurs vivent dans des lieux et à des époques différentes. Pour découvrir ce qu’elles ont en commun, il vous faudra lire le livre 😁. Pour moi, Martina Clavadetscher nous parle de domination et d’exploitation, d’émancipation et de liberté, de solitude et d’amour, d’intelligence artificielle et d’humanité. Mais aussi de ce que cela a pu signifier d’être une femme, de ce que cela peut vouloir dire aujourd’hui et de ce que cela pourrait devenir demain. Et il y a sans doute tout un tas d’autres interprétations possibles.
Le récit est court, captivant et même sa mise en page est atypique. Cette particularité n’est d’ailleurs pas un simple effet de style et elle prend tout son sens au fil de la lecture. J’ai été bluffée par l’ambition de ce texte, né sous la plume d’une jeune autrice suisse magnifiquement traduite. Sa version française est d’ailleurs en lice pour le prix Pierre-François Caillé de la traduction 2024. Et j’ai repéré un petit clin d’œil au merveilleux Karel Čapek grâce auquel l’autrice a achevé de me mettre dans sa poche ☺️.
Pour résumer, il s’agit là d’un roman original et profond qui n’a pas fini de me faire réfléchir. Une fois qu’on accepte de se laisser porter, difficile de le lâcher. Cette première incursion suisse pour Les feuilles allemandes ne m’a pas déçue !
Traduction de l’allemand par Isabelle Liber – Éditions Le Quartanier
Fred Andermann fait partie du corps diplomatique allemand depuis une vingtaine d’années. Entre expatriations à répétition, vie de fonctionnaire (« de luxe » car elle occupe des postes élevés) et imbroglios politiques, la vie de diplomate n’est pas toujours une sinécure. Deux affectations successives vont ainsi bouleverser Fred, nous entraînant au passage dans un thriller politique et un portrait psychologique passionnants.
Dans la première partie du roman, Fred est ambassadrice à Montevideo, l’une des destinations les plus tranquilles que l’on puisse imaginer dans son métier. Fred se sent simple VRP de son pays et s’interroge vaguement sur son utilité jusqu’à un événement qui va profondément l’ébranler.
Dans la deuxième partie, on la retrouve consule à Istanbul où la situation est beaucoup plus tendue qu’en Uruguay : la police politique est omniprésente, les arrestations et assignations à résidence de ressortissants allemands et germano-turcs sont monnaie courante et les diplomates ne disposent que d’une très faible marge de manœuvre pour tenter d’obtenir leur libération. Et Fred semble sur le point de craquer …
Une participation aux lectures sur le monde du travail chez Ingannmic
Comment concilier l’art feutré de la conversation diplomatique pleine de sous-entendus ? À quoi sert cette vie passée le plus souvent loin de son pays pour le représenter ? Que devient un ambassadeur ou une ambassadrice à la retraite qui perd subitement tous ses avantages (résidence de rêve, chauffeur personnel, cuisinier et autre personnel de maison payés par l’État) ? Lucy Fricke parle très bien des nombreux aspects de la vie des diplomates (ou plutôt des chef(fe)s de missions diplomatiques). On sent qu’elle en a interrogés un certain nombre et ses personnages sont parfaitement crédibles.
Son roman souligne aussi (surtout) les relations ambiguës de nos États européens avec un régime autocratique que l’on ne peut pas se mettre à dos, en particulier parce qu’il endigue la majorité des flux de migrants à destination de l’Europe. Elle brosse un portrait sans concession de la Turquie d’aujourd’hui et rend hommage au travail souvent ingrat mené dans l’ombre par des hommes et de plus en plus de femmes pour tenter de préserver la paix, parfois (souvent) au prix de leurs convictions personnelles.
J’ai lu ce roman comme on regarde ces excellents films que sont Les trois jours du condor ou Serpico. Ici, pas de flics ni de journalistes, mais ça fonctionne tout aussi bien avec des diplomates. En bref, je l’ai dévoré et me suis régalée de sa tension constante comme de l’humour à froid de l’autrice. C’est intelligent, divertissant et bouleversant, jusqu’aux toutes dernières pages.
Eva l’a lu également, ainsi qu’Alex (mais la page correspondante semble avoir disparu de son blog…)
PS : Une interview croisée de Lucy Fricke et de son personnage (de fiction) Fred Andermann est à lire ici. Et vous pouvez lire les premières pages du roman là.