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Tout le monde veut rentrer chez soi – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

« Il demeure impossible de parler avec Julie. Et après avoir vu le reste de sa famille à l’enterrement de Tarjei, je comprends d’où elle tient ça. Ce n’est pas un trait de personnalité, c’est un trait de famille. Ils ne se parlent pas, bon sang, ils ne se touchent pas – à l’enterrement de son frère, ai-je dit à Hendrik. (…) Comme si le fait qu’ils soient de la même famille ne créait pas un lien plus fort entre eux, mais formait au contraire une barrière. »

Ce très bon roman (traduit du néo-norvégien et du bokmål) est celui de la difficulté à communiquer au sein d’une famille et à devenir adulte. La mort sert ici de révélateur de situations installées depuis longtemps et qui deviennent intenables avec le deuil. Des relations à l’équilibre souvent précaire sont bouleversées, les non-dits et les malentendus ne font que grandir jusqu’à plonger ceux qui restent dans la solitude, la dépression et même la folie.

De la même autrice, j’avais déjà apprécié Une famille moderne dans lequel un divorce sur le tard chamboulait totalement une famille a priori assez idéale. Dans une veine beaucoup plus sombre, Tout le monde veut rentrer à la maison continue d’explorer les failles imperceptibles qui deviennent béantes sous le coup d’un événement traumatisant. Helga Flatland fait ici encore montre d’énormément de talent et d’une grande empathie pour chacun de ses personnages, et plus particulièrement pour les trois narrateurs : Âgés d’une vingtaine d’années, Julie, Mats et Sigurd cherchent leur voie, rejetant et recherchant leurs parents à la fois.

Pour plus de lectures nordiques, rendez-vous chez Céline !

Je découvre au moment d’écrire ce billet que Tout le monde veut rentrer chez soi fait suite à un autre roman de Helga Flatland intitulé Reste si tu peux, pars s’il le faut. C’est bon à savoir pour qui préfère découvrir les événements dans l’ordre chronologique. Cela dit, rien ne m’a manqué dans ma lecture et je suis ravie de savoir que je vais pouvoir revenir en arrière pour retrouver certains personnages et faire mieux connaissance avec quelques autres dans ce village norvégien un peu hors du monde.

Madame Lit a elle aussi aimé ce roman. Son avis est à lire ici.

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De la jalousie – Jo Nesbø

Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier- Éditions Gallimard

Recommandé par Je lis, je blogue lors de son rendez-vous des Bonnes nouvelles l’an dernier, De la jalousie m’a permis d’enfin lire le maître du polar norvégien, j’ai nommé Jo Nesbø. Plusieurs des nouvelles qui composent ce recueil sont de vrais coups de cœur pour moi !

Jo Nesbø s’avère un conteur extrêmement habile qui sait varier les registres et les contextes, sans oublier de manier un humour assez grinçant. Dans ce recueil, il nous plonge dans les méandres de la jalousie (le plus souvent amoureuse) et se régale visiblement à aborder des sujets très éclectiques allant de l’ego des écrivains à la pratique de l’escalade.

« Je suis toujours attiré par ce qui me rejette, m’exclut. Les récits auxquels on ne peut pas se fier. Les femmes. Les problèmes de logique. Le comportement humain. Les affaires de meurtre. Tout ce que je ne comprends pas. Je suis un homme à l’intellect limité mais à la curiosité infinie, combinaison souvent frustrante, hélas. »

Situées en Grèce, en Norvège ou dans un avion entre les États-Unis et Londres, ces 6 nouvelles sont toutes racontées à la première personne et nous mettent dans la peau d’une vendeuse dans le métro, d’un policier, d’un éboueur, d’un écrivain ou encore d’un chauffeur de taxi. Grâce au talent de l’auteur, chacune de ces voix et de leurs histoires est extrêmement crédible. Mes textes préférés sont sans aucun doute Londres, dans laquelle il est question de faux suicide assisté, et Déchets, où au fil d’une conversation avec son collègue lituanien qui était psy dans une autre vie, un éboueur impulsif s’interroge sur sa potentielle amnésie traumatique. Phtonos, la plus longue, m’a beaucoup plu également, mais une partie de l’intrigue avait un air de déjà-vu. Les 3 autres nouvelles sont d’excellente facture elles aussi et je peux donc sans réserve conseiller ce recueil aux lecteurs et lectrices qui apprécient les romans noirs, ou simplement les bonnes histoires.

Une nouvelle participation aux Bonnes nouvelles, un challenge qui court pendant tout le mois de janvier.
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D’autres étoiles, un conte de Noël – Ingvild H. Rishøi

Traduction du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud – Mercure de France

Quelle chance j’ai eue de tomber sur ce petit bijou de saison ! Ce court roman (encore un) est une merveille de sensibilité, de tendresse, mais aussi un condensé de ce que la vie a de plus âpre. Préparez vos mouchoirs !

Ronya (10 ans) et Melissa (16 ans) sont deux sœurs qui ne peuvent pas compter sur leur père, alcoolique parfois sevré (et il est alors un père en or) mais qui retombe toujours dans son addiction. Alors, quand il perd le travail de vendeur de sapins de Noël qu’il avait décroché, Melissa prend le relais. Puis Ronya met elle aussi la main à la pâte, au risque de leur attirer des ennuis.

Melissa est une grande sœur extraordinaire et Ronya, qui est la narratrice, une petite fille fabuleuse. On a franchement très envie de les adopter pour leur épargner la souffrance que leur cause leur père, la honte aussi et la culpabilité que celle-ci engendre à son tour.

Asphalte et soleil. Ce n’était que de l’asphalte et ce n’était que du soleil. Et il n’était que midi. Seulement voilà, papa ne marchait pas correctement, ce qui faisait que je cuisais de chaud et que je grelottais de froid. Puis il m’a remarquée. Il a souri, et il a levé la main pour me faire coucou. Donc moi aussi je devais lever la main. Seulement voilà, tout le monde peut voir à travers le porche, et là je me suis dit : coupez-moi la tête. Je me suis dit : venez, tempêtes, crues et incendies.

Le concierge de l’école, un vieux voisin, le père d’un camarade de classe, images de la bienveillance et de la générosité humaines, veillent sur elles autant que possible mais ils ne peuvent pas les soustraire à leur destin.

Semant ici et là des références explicites aux classiques de la littérature jeunesse, en particulier La petite marchande d’allumettes et mon chouchou Ronya, fille de brigand, l’autrice crée son propre conte de Noël avec une langue magnifique, très poétique et drôle aussi puisque c’est une enfant qui s’exprime avec une jolie gouaille.

D’autres étoiles est un conte de Noël triste et pourtant lumineux, à la fois intemporel et bien ancré dans notre époque. Malgré le drame social qu’il dépeint, il irradie l’amour et l’espoir.

D’autres avis chez Luocine, Blandine et Cécile.

Cette lecture m’offre l’occasion d’une nouvelle participation au challenge de Céline autour des auteurs des pays nordiques (son récapitulatif est une mine d’idées !).

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Une famille moderne – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture de ce roman norvégien et surtout aux commentaires de la presse qu’elle cite ! Elle annonce une lecture drôle (« hilarant dès la première page »), légère, et ce n’est pas du tout ce que nous propose en réalité « Une famille moderne ». Peu importe, parce qu’une fois qu’on l’a commencé, on a très envie de suivre cette famille d’Oslo au bord de l’implosion.

On retrouve bien ici le côté addictif de la littérature feel good avec les sentiments au premier plan et une construction chorale qui met en lumière les fragilités et les traits de caractère de chacun(e) des frère et sœurs. On s’identifie facilement à Liv, Ellen ou Håkon (et même aux trois à la fois), chamboulé(e)s par le divorce sur le tard (ils ont 70 ans) de leurs parents. Même si on n’a pas vécu cet événement précisément, il est révélateur comme peut l’être un deuil ou une autre « crise ». Les lecteurs et lectrices se reconnaîtront donc aisément dans certaines réactions ou dans les tempéraments de ces trois personnalités très différentes et pourtant complices.

Retrouvez d’autres lectures nordiques chez Céline !

J’avoue avoir été agréablement surprise par le côté chaleureux et communicant de cette famille norvégienne. À force de lire des polars « venus du froid », j’ai fini par imaginer les habitant(e)s des pays nordiques comme des gens taiseux, renfermés et peu expressifs. C’est un peu idiot et il était temps pour moi de voir les Norvégiens d’un autre œil ! La « famille moderne » que l’on côtoie ici n’est pas aussi parfaite qu’elle le semble au premier abord, est pleine de doutes et s’aime énormément. Elle va évoluer, pas forcément comme elle l’aurait souhaité ou imaginé, mais en ayant indéniablement mûri.

Image par Anemone123 de Pixabay

Si vous cherchez un roman pour rire aux éclats, ce n’est pas vraiment, voire vraiment pas, le bon choix. Sinon, sachez qu’on a du mal à le reposer, que Helga Flatland et sa traductrice ont une plume très fluide et qu’on est un peu triste de quitter cette famille attachante. C’est une lecture légèrement douce-amère, donc parfaite pour l’été (selon mes critères personnels bien entendu :-D) .