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39 bonnes raisons de transformer des obsèques hawaiiennes en beuverie – Kristiana Kahakauwila

Traduction de l’anglais (Hawai’i) par Mireille Vignol – Au vent des îles

À 2 reprises déjà, je vous ai parlé de publications de la précieuse maison d’édition Au vent des îles spécialisée dans la littérature du grand Pacifique et dans les ouvrages relatifs à l’Océanie. Après les romans néo-zélandais Bones bay et La baleine tatouée, ce sont d’excellentes nouvelles venues de Hawai’i que j’ai pu lire sur les conseils avisés de Kathel et Sunalee.

Il y a quelques éditeurs dont les livres offrent un grand plaisir de lecture mais aussi de bibliophile : couverture souple mais suffisamment épaisse, belle charte graphique et choix de la couverture extrêmement soigné, papier de qualité et police de caractère aussi sobre qu’élégante… Je pense en particulier aux Argonautes et au Vent des îles qui réalisent un travail d’amoureux de l’objet-livre. Ces nouvelles hawaiiennes ne font pas exception et les coqs qui figurent sur la couverture ont bien entendu un lien avec l’une d’elles (ma préférée, je crois) : Wanle est une jeune coqueleuse qui a été formée à cet art de dresser les coqs au combat par son père, victime d’un meurtre et qu’elle entend venger.

Dans cette nouvelle comme dans les 5 autres, Kristiana Kahakauwila explore avec brio la complexité de la société hawaiienne. La route de Hana, qui met en scène un jeune couple en vacances, est très révélatrice des tensions qui peuvent surgir même lorsque l’on pense que l’origine n’a pas d’importance. Le contraste, mais aussi les points communs entre les touristes et la population locale sont au cœur de la première et tragique nouvelle intitulée C’est le paradis. La difficulté à vivre ouvertement son homosexualité, la vie de paniolo (cow-boy), la famille hawaiienne avec ses bons et mauvais côtés, la délinquance voire le crime organisé, tous ces aspects viennent contrebalancer l’image idyllique de ces îles du Pacifique qui est pourtant réelle aussi.

En bref, je ne peux que vous recommander ce recueil pour découvrir :

  • l’envers du décor de Hawaii
  • une très belle traduction de Mireille Vignol (qui a dû ruser pour rendre le pidgin local en français, et c’est une réussite)
  • le travail d’une maison d’édition fondée à Tahiti il y a 30 ans
  • une jeune autrice très talentueuse.

C’était une nouvelle participation aux Bonnes nouvelles, un rendez-vous organisé par Je lis, je blogue pour mettre en lumière ce genre littéraire que j’adore. Merci à elle !

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Bones Bay – Becky Manawatu

Traduction de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par David Fauquemberg – Au vent des îles

Dans une boîte à livres (dès que j’en vois une, je l’explore alors forcément, il y a quelques bonnes pioches dans le lot), j’ai déniché un roman qui m’a attirée parce que néo-zélandais. Pour moi, tous les prétextes sont bons pour choisir un livre 😜. Bones Bay présentait l’avantage d’avoir en plus une belle couverture, et le contenu a plus que tenu ses promesses. J’ai eu un vrai coup de cœur !

Nous sommes donc en Nouvelle-Zélande, à la campagne et en bord de mer, et l’on passe de l’Île du Nord à celle du Sud. Subtilement imprégnée de la langue et des traditions maories, l’histoire commence lorsque Taukiri (17 ans) dépose son petit frère Ārama (8 ans) chez leur tante, dans une ferme isolée, avant de prendre le ferry pour quitter l’île. Leurs parents viennent de mourir et Taukiri veut rompre avec le passé. Rongé par la culpabilité, il va vivoter entre travail dans une conserverie de poissons et musique jouée dans la rue. De son côté, Ārama apprend à connaître sa tante, gentille mais éteinte, et son oncle dont la présence menaçante vient encore accentuer la douleur de son deuil.



« Taukiri était vraiment un con de m’avoir abandonné. Il aurait dû savoir que j’allais pas être heureux avec Tante Kat et Oncle Stu. Si ç’avait été un bon endroit, il serait resté aussi, mais il était parti, il était parti avec sa guitare et quelque part dans une foutue ville, il jouait des chansons que je pouvais pas entendre. Personne jouait de chansons ici. Personne écoutait de la musique, personne racontait d’histoires. Ils ne se rendaient même pas compte que pas faire ces choses, ça faisait d’eux des mauvaises personnes. Le pire, c’est que je pensais pas que Tante Kat était une mauvaise personne, elle était juste le fantôme d’une personne et je savais pourquoi. Oncle Stu faisait douter les gens de leur propre existence, et à force de douter de son existence, on finissait par disparaître. »

Heureusement, il y a Beth, petite voisine dégourdie, et son père Tom Aiken, à la bienveillance salvatrice. Le point de vue des deux frères alterne et sera complété par l’histoire de Sav et Jade, puis de Toko. La temporalité est volontairement brouillée, ce qui ne pose pas de problème car chaque chapitre est addictif et l’autrice maîtrise parfaitement la construction chorale de son roman. Tous les fils qui en forment la trame se rejoindront en un final haletant et bouleversant.

Pour savoir ce que vient faire Django Unchained dans ce billet, lisez Bones Bay !

La violence et la mort sont omniprésentes, détruisant tout comme une malédiction qui se serait abattue sur cette famille. Par contraste, les moments de joie pure, tels que peut les ressentir un enfant, n’en sont que plus lumineux et poignants. Ārama et Beth forment un duo que l’on n’oublie pas, tout comme Jade et Kat, des femmes profondément meurtries qui gardent une impressionnante capacité d’aimer. Bones Bay est un magnifique roman sur l’amour familial et la résilience, éclairé par une plume poétique et magnétique.

Le charme a agi aussi sur Kathel et Mes échappées livresques. Un premier mais très grand roman à découvrir absolument.