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Littérature jeunesse

Ronya, fille de brigand – Astrid Lindgren

Traduction du suédois par Agneta Segol & Brigitte Duval – Livre de poche jeunesse

Astrid Lindgren est bien entendu connue avant tout pour ses séries Fifi Brin d’acier et Zozo la tornade. Pourtant, cette prolifique autrice jeunesse suédoise a signé d’autres œuvres lues par des générations d’enfants dans toute l’Europe. Ronya, fille de brigand a bercé mon enfance et j’ai relu ce roman jeunesse avec gourmandise pour les Classiques fantastiques. Comme il se doit en ce mois de rentrée scolaire, la littérature jeunesse est en effet à l’honneur de ce rendez-vous orchestré par Moka et Fanny.

Après vérification, Ronya, fille de brigand a paru en Suède en 1981 et en France en 1984, il y a donc près de quarante ans et il me semble bien que l’on parler de classique à son sujet. On est ici dans un roman de fantasy médiévale : les brigands vivent dans un vieux château, détroussent des marchands qui voyagent à cheval, et la forêt qui les entoure est peuplée d’elfes griffus, de nains gris, de trolls, de souterriens ou encore de pataudgrins.

Ronya est la fille de Mattis, bouillonnant chef d’une douzaine de voleurs de grand chemin qui n’en est pas moins un papa complètement gâteau. Le jour où la bande rivale menée par Roka s’installe à ses portes, il veut en découdre mais doit faire face à la rébellion de sa fille qui s’est liée d’amitié avec le fils de son meilleur ennemi.

Couverture de 1984

J’ai retrouvé tout le plaisir de ma lecture d’enfant : la nature est somptueuse mais dangereuse, les brigands sont plus comiques qu’inquiétants, les enfants bien plus réfléchis que les adultes (en particulier que les hommes) et extrêmement débrouillards. Cela vaut mieux quand on voit les conseils que donne Mattis à sa fille avant qu’elle ne parte à l’aventure dans la forêt (on est loin des « parents hélicoptères » !) :

– Méfie-toi des elfes griffus, des nains gris et des brigands de Roka, dit-il. – Comment pourrais-je reconnaître les elfes griffus, les nains gris et les brigands de Roka ? demanda Ronya. – Tu le découvriras, dit Mattis. – Ah ! bon, dit Ronya. – Prends garde de ne pas te perdre dans la forêt, ajouta Matthis. – Qu’est-ce que je fais si je me perds dans la forêt ? demanda Ronya. – Tu cherches ton chemin, répondit Mattis. – Ah ! bon, dit Ronya. – Prends garde de ne pas tomber dans la rivière. – Qu’est-ce que je fais si je tombe dans la rivière ? – Tu nages. – Ah ! bon, dit Ronya.
Couverture de 2002

En relisant ce roman toujours aussi enchanteur, j’ai pu mieux comprendre ce qui m’avait tant plu « à l’époque » : la nature y est célébrée à chaque instant et de manière très poétique. L’humour est également très présent, tout comme l’émotion. La peur de la nuit et des créatures qui peuplent la forêt, le chagrin né de l’incompréhension entre des parents et des enfants qui s’adorent pourtant, la perte d’un être cher ou le poids de la solitude sont abordés avec intelligence et une grande douceur.

Le printemps éclata comme un cri de joie au-dessus des forêts qui entouraient le château de Mattis. La neige fondue ruisselait sur les flancs de la montagne, avant de se mêler aux flots de la rivière. Et la rivière, gagnée par toute cette ivresse printanière, rugissait, écumait et chantait un hymne endiablé au printemps, dans le tumulte des torrents. Sa chanson ne s’arrêtait jamais.

Ronya, fille de brigand est un formidable récit d’aventure, d’apprentissage et d’amitié intemporel, et ce n’est pas Nathalie qui dira le contraire. À lire et relire à tout âge, dès 8 ans.

PS : Astrid Lindgren étant suédoise, elle me permet une fois de plus de participer au challenge organisé par Céline pour faire découvrir toute la diversité de la littérature nordique.

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Canada Romans

Fleuve – Sylvie Drapeau

Collection Nomades – Léméac Éditeur

Le 12 août, Madame Lit a lancé son invitation annuelle à acheter un livre québécois, cette année sur le thème de l’eau. Parmi les belles propositions qu’elle a soumises, j’ai choisi Fleuve de Sylvie Drapeau et je ne l’ai pas regretté !

Je ne cours pourtant pas après l’autofiction, même si La place d’Annie Ernaux a été un choc et un éblouissement. D’ailleurs, je n’avais pas compris que c’était ce que j’allais lire en choisissant Fleuve (et si je l’avais su, j’aurais sans doute choisi un autre roman). Pourtant, comme avec Annie Ernaux, je me suis très vite identifiée d’abord à cette petite fille née dans une famille nombreuse, puis à cette jeune femme et enfin à cette mère et femme mûre. Je n’ai pas vécu tous les drames qui ont jalonné sa vie (et heureusement, ai-je envie de dire car sa « meute » n’a pas été épargnée !), mais bien des choses ont fait écho chez moi et me semblent pouvoir toucher une foule de gens.

J’ai aimé l’écriture sensible et solaire de Sylvie Drapeau. Elle sait merveilleusement exprimer l’innocence, l’enthousiasme mais aussi les terreurs de l’enfance.

Les rayons du soleil se faufilent jusqu’à nous. C’est vraiment magique ! Encore plus beau que tu nous l’avais dit. Nous sommes bouche bée, nous ne parlons plus, la bouche pleine de cerises, de merises géantes, je ne sais pas, je ne sais rien, je sais seulement que c’est bon, que je passerai le reste de ma vie à faire ça avec toi.

Avec le même talent, elle dévoile sans fard ses regrets, ses fragilités, ses limites aussi face aux tragédies qui l’ont frappée (la mort, la schizophrénie, sa propre dépression).

J’avais trop peur de toi. J’ai honte de te le dire : j’avais trop peur de toi. Peur que tu me fasses du mal, que tu m’aspires, que tu me détruises. Je n’étais pas assez forte, pas assez étanche, pour soutenir ta nouvelle présence près de moi. Je me savais planète fragile. Je n’étais pas fière de ça, tu penses bien.

Étonnamment, malgré ces sujets pour le moins lourds et poignants, Fleuve me laisse une impression lumineuse et apaisée. Merci encore à Nathalie pour cette jolie découverte.

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Allemagne Romans

La huitième vie (pour Brilka) – Nino Haratischwili

Traduction de l’allemand par Monique Rival et Barbara Fontaine – Éditions Folio poche

Quel roman, quelle autrice (oui, Nino est une femme) et quelle traduction ! Ce livre est absolument ébouriffant. Porté par un souffle littéraire incroyable, il balaie plus d’un siècle d’histoire de la Géorgie et suit sur 5 générations les femmes de la famille Iachi (ainsi que quelques hommes). Si leurs destins sont bouleversés par les événements politiques comme par la violence ou la lâcheté des hommes ou leurs propres choix parfois hâtifs, elles se battent et résistent toutes à leur manière, pour le meilleur et pour le pire.

Dans cette saga familiale et historique, pas le moindre temps mort ni la moindre mièvrerie. Les relations entre les hommes et les femmes comme entre les parents et les enfants sont marquées par l’incompréhension, la révolte, le poids du silence, en miroir de la tension qui traverse la région du Caucase au fil des décennies.

Comme la Géorgie, l’écriture de Nino Haratischwili (d’origine géorgienne mais qui écrit en allemand) est au carrefour de ce que l’on pourrait appeler « l’âme russe » – je veux parler d’un souffle épique et tourmenté à la fois – et d’une douceur et d’une mélancolie qu’on pourrait attribuer à l’Orient. Elle a en tous cas emportée l’Européenne que je suis !

Tbilissi – Image par Kakha Mchedlidze de Pixabay

J’ai retrouvé dans ce roman des accents de La maison aux esprits d’Isabel Allende avec les fantômes que Stasia, l’arrière-grand-mère, voit régulièrement dans son jardin ou encore avec le Chocolat chaud qui serait à l’origine de la malédiction familiale. Il a aussi fait écho chez moi au film, bouleversant et très puissant sorti cet été, Les filles d’Olfa. Il y est en effet question du cycle infernal de la violence qui se répète de génération en génération : violence des hommes, mais aussi des mères envers leurs filles, violences sociales et politiques, violences physiques et psychologiques. Comme dans le documentaire de Kaouther Ben Hania, La huitième vie s’achève sur l’espoir que la jeune génération brisera ce cercle vicieux. En connaissant son histoire familiale, elle saura peut-être enfin s’en libérer grâce à la parole et à l’écriture.

Sois tout ce que nous avons été et n’avons pas été. Sois lieutenant, funambule, pianiste, amante, mère, infirmière, écrivain, sois rouge et blanche, et bleue, sois le chaos et sois le ciel, sois eux et sois moi, et ne sois rien de tout cela, danse surtout d’innombrables pas de deux.
Passe à travers cette histoire, laisse-la derrière toi.

S’il entre incontestablement dans les catégories des Pavés de l’été (chez Sibylline) et des Épais de l’été (challenge organisé par tad loi du cine) avec ses 1189 pages, La huitième vie fait surtout partie des romans qu’on dévore et dont les personnages vous suivent longtemps. C’est à coup sûr un de mes coups de cœur de l’année. D’autres avis chez Sunalee et Livr’escapades.

PS : Je vous recommande le documentaire La Géorgie ne m’a jamais quittée consacré à Nino Haratischwili disponible sur Arte.tv. Attention : Il donne très envie de lire le prochain roman de Nino Haratischwili (pas encore traduit en français) et de voyager en Géorgie !

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Autriche Essais et autres livres

Légende d’une vie – Stefan Zweig

Traduction de l’allemand (Autriche) par Barbara Fontaine – Éditions Grasset

Pour continuer à découvrir les plaisirs de la lecture de pièces de théâtre (une nouveauté pour moi), j’ai fouiné dans ma médiathèque à la recherche de textes étrangers. Bien m’en a pris car je suis tombée sur Légende d’une vie, une pièce de Stefan Zweig, l’un de mes écrivains préférés, toutes époques et tous pays confondus. Comme toujours avec Zweig, c’est tout simplement brillant.

En trois actes, Stefan Zweig évoque le poids que représente pour ses proches un poète qui fut une légende de son vivant et le reste bien des années après sa mort. Comment son fils peut-il être reconnu pour son propre talent ? Sa veuve s’épanouit-elle dans son rôle de gardienne du culte qui est porté à son défunt mari ? Comment vivre dans une maison devenue un musée, voire un mausolée ?

Alors qu’une soirée doit être donnée pour la première lecture publique des poèmes de Friedrich, le fils du Commandeur, la tension monte entre le jeune homme et sa mère. L’ami, secrétaire et biographe du défunt tente d’apaiser l’un et l’autre, mais l’incompréhension semble insoluble et la rupture inévitable. L’arrivée impromptue d’une mystérieuse femme fera voler en éclats l’image de perfection du poète vénéré, bouleversant encore davantage cet équilibre précaire.

Une fois de plus avec Stefan Zweig, les émotions sont portées ici à leur paroxysme avec un talent diabolique. Je m’attendais d’ailleurs (attention, léger divulgâchage après cette parenthèse) à une fin tragique, mais l’auteur m’a surprise avec une conclusion libératrice et optimiste pour ses protagonistes.

Mes petites recherches m’ont permis de constater que la pièce a été jouée en 2018-2019 à Paris. Il semblerait cependant que Légende d’une vie n’ait pas souvent été portée à la scène par ailleurs. C’est bien dommage, mais il reste heureusement le texte pour se consoler. Composé de longs dialogues, il se lit comme une nouvelle et celles et ceux qui connaissent Zweig savent combien il excellence dans cet art.

Encore une bonne pioche théâtrale pour moi et une preuve de plus du génie de Stefan Zweig !

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Norvège Romans

Une famille moderne – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture de ce roman norvégien et surtout aux commentaires de la presse qu’elle cite ! Elle annonce une lecture drôle (« hilarant dès la première page »), légère, et ce n’est pas du tout ce que nous propose en réalité « Une famille moderne ». Peu importe, parce qu’une fois qu’on l’a commencé, on a très envie de suivre cette famille d’Oslo au bord de l’implosion.

On retrouve bien ici le côté addictif de la littérature feel good avec les sentiments au premier plan et une construction chorale qui met en lumière les fragilités et les traits de caractère de chacun(e) des frère et sœurs. On s’identifie facilement à Liv, Ellen ou Håkon (et même aux trois à la fois), chamboulé(e)s par le divorce sur le tard (ils ont 70 ans) de leurs parents. Même si on n’a pas vécu cet événement précisément, il est révélateur comme peut l’être un deuil ou une autre « crise ». Les lecteurs et lectrices se reconnaîtront donc aisément dans certaines réactions ou dans les tempéraments de ces trois personnalités très différentes et pourtant complices.

Retrouvez d’autres lectures nordiques chez Céline !

J’avoue avoir été agréablement surprise par le côté chaleureux et communicant de cette famille norvégienne. À force de lire des polars « venus du froid », j’ai fini par imaginer les habitant(e)s des pays nordiques comme des gens taiseux, renfermés et peu expressifs. C’est un peu idiot et il était temps pour moi de voir les Norvégiens d’un autre œil ! La « famille moderne » que l’on côtoie ici n’est pas aussi parfaite qu’elle le semble au premier abord, est pleine de doutes et s’aime énormément. Elle va évoluer, pas forcément comme elle l’aurait souhaité ou imaginé, mais en ayant indéniablement mûri.

Image par Anemone123 de Pixabay

Si vous cherchez un roman pour rire aux éclats, ce n’est pas vraiment, voire vraiment pas, le bon choix. Sinon, sachez qu’on a du mal à le reposer, que Helga Flatland et sa traductrice ont une plume très fluide et qu’on est un peu triste de quitter cette famille attachante. C’est une lecture légèrement douce-amère, donc parfaite pour l’été (selon mes critères personnels bien entendu :-D) .

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Croatie Romans

Miracle à la combe aux Aspics – Ante Tomić

Traduction du croate par Marko Despot – Les Éditions Noir sur blanc

Humour et aventures délirantes sont au programme de ce petit roman croate extrêmement savoureux. Car quand le fils aîné de la famille Aspic descend de sa montagne pour trouver une femme, on doit s’attendre à tout ! Il faudra ainsi l’intervention d’un nonce apostolique pas très catholique, de caisses de tomates par centaines, d’un bataillon de vétérans et d’une Twingo jaune pour tenter de conquérir sa belle.

La très convoitée Lovorka a-t-elle attendu son prince charmant (qui ne sait plus à quand remonte son dernier brossage de dents) ? Les employés de l’Intercommunale d’électricité réussiront-ils à échapper aux griffes des Aspics ? Combien de recettes de polenta peut-on inventer ? Et que viennent faire un faux-monnayeur et un dénommé Ciboulette dans toute cette affaire ? Vous le saurez en lisant ce concentré de bonne humeur qui n’a pas d’autre prétention que d’amuser la galerie. Et c’est déjà pas mal !

Vous pourrez découvrir un autre avis chez Kathel.

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Italie Romans

Après la pluie – Chiara Mezzalama

Traduction de l’italien par Léa Drouet – Éditions Mercure de France

Les livres italiens ont été largement mis à l’honneur ces derniers temps avec le Salon du livre de Paris et cela a fini par me contaminer ! Plusieurs romans ont ainsi rejoint ma pile à lire et j’ai eu plaisir à me plonger dans le premier d’entre eux, même s’il n’a pas tenu toutes ses promesses. Après la pluie est cependant un roman plutôt agréable, avec une bonne analyse des relations et évolutions au sein d’une famille citadine d’aujourd’hui.

L’histoire d’Après la pluie commence à Rome et se poursuit en Ombrie : bouleversée par le fait que son mari Ettore la trompe depuis quelques mois, Elena quitte le domicile familial sans prévenir pour se réfugier dans sa maison d’enfance à la campagne. À peine 24 heures après son départ, des pluies torrentielles s’abattent sur la région (toute ressemblance avec ce qui s’est passé en Émilie-Romagne il y a moins de deux semaines n’est pas le fruit du hasard, mais bien du changement climatique…). Face à ce qui s’annonce comme une catastrophe naturelle, Ettore prend la route pour rejoindre Elena avec leurs enfants. Leurs trajets respectifs les amèneront à rencontrer des inconnu(e)s avec qui ils feront un bout de chemin, au sens propre et au sens figuré.

J’ai aimé la première partie du roman, où le récit se fait tour à tour de la perspective d’Ettore et d’Elena. L’autrice évite ainsi de tomber dans la caricature de l’histoire d’adultère où le mari a tous les torts. Pétri d’angoisses et de doutes, Ettore a peur de vieillir et du mal à trouver sa place dans sa famille. Elena s’est enfermée dans un rôle de mère et reconnaît peu à peu que la dérive de son couple n’est pas de la seule responsabilité d’Ettore.

En quittant Rome dans une atmosphère de déluge, Ettore va redécouvrir ses enfants tout en se remémorant ses propres craintes et rêves d’enfant. Elena va elle aussi évoluer, s’affranchir des contraintes qu’elle s’était imposées et trouver sa place. Chiara Mezzalama dépeint très bien la psychologie de chacun(e) et j’ai apprécié la façon dont cette famille va se réinventer.

Image par Hans de Pixabay

Le contexte de la catastrophe naturelle, qui fait écho au délitement de la famille, est aussi l’occasion pour l’autrice d’exprimer ses craintes et ses espoirs face au changement climatique. Ce discours-là, d’abord amené par petites touches, est ensuite abordé plus frontalement et cela manque malheureusement de subtilité. La succession de rencontres d’abord plaisantes, puis improbables, avec des adeptes du « retour à la terre » m’a paru artificielle. Peut-être que des lectrices et lecteurs moins informé(e)s sur ces enjeux y seront plus sensibles. Pour ma part, j’ai trouvé que le sujet était traité trop lourdement et que cela pouvait avoir un effet « donneur de leçon » contraire à l’objectif de Chiara Mezzalama.

La toute fin du roman est cependant assez réussie : j’étais curieuse de savoir quelle voie les différents protagonistes allaient finalement choisir, mais je craignais une solution de facilité. Or, j’ai été agréablement surprise. En résumé, j’ai apprécié ces portraits d’une famille en proie à des remises en cause des rôles traditionnels, du genre, du rapport à la société de consommation et à la nature. Mais il manque pour moi une véritable âme qui ferait de ce roman plus qu’un agréable moment de lecture.

PS : À livre ouvert a concocté ici une formidable liste entièrement dédiée à l’Italie et composée de lectures, films, quizz et musiques. Un vrai rayon de soleil dont il serait dommage de ne pas profiter !

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BD et romans graphiques

Les dames de Kimoto – Cyril Bonin

Éditions Sarbacane, d’après le roman de Sawako Ariyoshi

Avril, c’est notamment Un mois au Japon grâce au rendez-vous lancé par Lou et Hilde. L’occasion rêvée pour parler aujourd’hui d’une très belle bande dessinée française adaptée du roman éponyme signé Sawako Ariyoshi : Les dames de Kimoto.

J’ai profité d’un après-midi pluvieux de ce début de printemps pour me plonger, avec délice et un bon thé vert, dans cette histoire qui retrace la vie de trois générations de femmes d’une même famille au Japon. En réalité, l’héroïne centrale est Hana, dont le mariage ouvre le récit.

Élevée dans le respect des traditions, cette très belle jeune femme connaîtra une vie de devoir auprès de son mari qui se veut moderne et progressiste, mais qui réserve son ouverture d’esprit aux nouvelles techniques ou à la politique. Ce que fait Hana de ses journées ou ses éventuelles aspirations n’intéressent pas son époux et ce n’est pas réelle méchanceté de sa part, simplement le reflet de leur époque et de leur culture, toutes deux très misogynes.

La fille de Hana, elle, a un tempérament rebelle et supporte mal la résignation de sa mère face à la condition des femmes de sa génération. La guerre et les drames personnels passeront cependant par là et sa vision des choses s’adoucira avec le temps. Enfin, Hanako, la petite-fille, alliera ces deux mondes, l’ancien et le nouveau, prouvant qu’ils peuvent cohabiter au lieu de s’opposer.

J’ai aimé cette histoire de femmes aux modes de vie et aux personnalités très différentes, car elle ne tombe pas dans la caricature, le manichéisme. Si Hana ressent parfois du regret, elle trouve aussi de la sérénité et de la satisfaction dans cette vie traditionnelle. Les certitudes, parfois à l’emporte-pièce, de sa fille Fumio seront ébranlées et, peu à peu, elle comprendra mieux les superstitions de sa mère et son besoin de se conformer à certains rites.

J’ai énormément apprécié la douceur qui émane du dessin comme du récit. Le choix des couleurs en particulier, dans une vaste palette de roses et de verts, m’a beaucoup plu. Cyril Bonin a opté pour des tons très doux et une esthétique délicatement, mais pas exagérément japonisante. Les dames de Kimoto dégage ainsi une mélancolie et un charme intemporels. Un beau dépaysement pour une histoire finalement universelle.

PS : Si vous hésitez encore, je vous recommande de lire également la chronique de Doudou matous : https://jelisjeblogue.blogspot.com/2023/04/les-dames-de-kimoto-cyril-bonin.html?m=1