Traduction de l’allemand par Olivier Le Lay – Éditions Gallimard
En 2005, l’auteur autrichien Arno Geiger a remporté le prestigieux Prix du livre allemand (Deutscher Buchpreis) avec le roman que j’ai choisi pour cette lecture commune avec Eva et Anne-Yès pour les Feuilles allemandes. Le concept de Tout va bien est original et plutôt séduisant : Chaque chapitre est le récit d’une seule journée fait par un des membres de la famille Sterk, sur une période allant de 1938 à 2001.
En 2001, Philipp doit vider la maison de sa grand-mère Alma, récemment décédée. En 1938, son grand-père Richard, par une chaude journée d’été, observe ses enfants jouer dans le jardin tout en ressassant son sentiment de culpabilité dû à son infidélité (avec la bonne d’enfants), ses inquiétudes face aux menaces nazies … En 1982, Alma constate que Richard perd décidément la tête. En 1945, Peter, le père de Philipp, connaît la guerre, la vraie, au sein des jeunesses hitlériennes. En 1960, Ingrid, sa femme, finit sa garde à l’hôpital, subit une fois de plus la misogynie des chefs de service et la charge mentale des femmes actives qu’on n’appelait pas encore ainsi, etc.
Une palette de personnages intéressants, et des réflexions très pertinentes forment donc l’ossature de ce roman au style par ailleurs heurté, avec des passages du coq à l’âne (puisqu’on suit le fil des pensées des protagonistes, particulièrement décousues pour certains). Les journées évoquées ne le sont pas dans l’ordre chronologique, ce qui n’est pas gênant en soi, mais ce découpage et l’alternance des points de vue fait qu’on ne s’attache à aucun personnage, à l’exception peut-être d’Alma qui m’a davantage touchée. Cette famille m’a même franchement agacée et l’écriture de Geiger m’a paru chercher l’originalité à tout prix. C’est probablement ce qui lui a valu le Deutscher Buchpreis qui récompense souvent des plumes atypiques (mais pas toujours des plus agréables).
Ajoutons à cela une édition truffée de coquilles (qu’une lectrice avant moi avait déjà corrigées au crayon à papier, ça m’a fait sourire) et d’erreurs de traductions (« variole » au lieu de « varicelle », le terme inconnu de « craintivité »), sans oublier un usage abusif de l’expression « aussi bien » qui me hérisse le poil d’avance. Je suis curieuse de savoir ce qu’en a pensé Eva qui l’a lu en VO. La responsabilité de certaines étrangetés stylistiques est-elle due au style de Geiger dans sa langue ou à sa traduction ?
L’auteur a de toute évidence beaucoup de talent. Certains passages sont excellents et son regard très neutre sur ses personnages crée un portrait éclairant d’une famille autrichienne sur plusieurs générations. Malgré tout, si je suis allée au bout de ce roman, c’est avant tout pour ne pas laisser tomber Eva, je le reconnais bien volontiers. Je ne peux pas dire qu’Arno Geiger n’est pas un auteur à découvrir. Mais Tout va bien fait partie de ces romans qui enthousiasment ou irritent, et je suis clairement dans le 2e cas !
PS : Le Monde est dans la team enthousiaste, sa critique est à lire ici.
29 réponses sur « Tout va bien – Arno Geiger »
les maladresses de traductions me hérissent moi aussi , mais en général j’aime ce genre de récit : des plongées dans la vie familiale sur un temps long .
Je suis en train d’en lire un autre sur le même principe mais que j’adore cette fois-ci. J’espère avoir le temps de le finir et d’écrire mon billet avant la fin des Feuilles allemandes (aïe, pour vendredi donc!).
Je vais aller lire l’avis d’Eva, mais je crains de ne pas aimer le style, même si l’idée de départ était intéressante.
Il y a du pour et du contre, et l’avis d’Eva t’aidera sans doute à te faire une idée plus précise.
Je choisirai sans doute un autre titre pour découvrir cet auteur.
Ce serait mon conseil en effet 😉.
J’ai vu qu’Anne-yes l’avait lu aussi, je m’en vais voir si tes co-lectrices ont les mêmes bémols que toi…
Elles ont davantage aimé, avec quelques réserves malgré tout. Globalement, j’ai les mêmes mais elles m’ont plus gênées. Le personnage de Philipp en particulier, velléitaire et inadapté, ne m’a pas touchée (alors que ça aurait pu).
C’est dommage car sa manière de parler de cette famille était tout à fait intéressante a priori et là franchement ça ne me donne pas envie entre les erreurs de traduction et les coquilles franchement c’est pas sérieux de la part de Gallimard…
Eva et Anne-yès ont apprécié plus que moi… Et Geiger a des fulgurances que je ne regrette pas d’avoir lues quand même.
[…] conscience de leur vieillissement par certains personnages.C’est une lecture commune avec Eva et Sacha dans le cadre du mois des Feuilles […]
Merci beaucoup Sacha d’avoir persévéré dans ta lecture malgré tous les bémols et de m’avoir ainsi tenu compagnie 🙂 Comme tu as pu voir, ce voyage dans le passé autrichien était de mon côté réussi – je me suis attachée à tous les personnages (sauf un 🙂 et les chapitres sur le passé m’ont passionnée, la langue était aussi très belle. Par contre les chapitres avec Philipp étaient beaucoup trop longs – si l’auteur voulait montrer que le jeune homme ne savait pas quoi faire avec sa vie, on a tous compris – même si j’ai eu aussi un peu de compréhension pour lui.
Quel dommage pour les coquilles et des erreurs stylistiques, surtout chez une maison d’édition aussi importante…
Merci pour ta participation 🙂
PS: Je suis absolument d’accord avec ton résumé du Buchpreis 🙂
J’ai été très étonnée de voir autant de coquilles dans une maison comme Gallimard. Des verbes pas accordés, des confusions d’homonymes … Bref, par moments on aurait dit des épreuves non corrigées. Mais je suis consciente du talent de Geiger, et ça a contribué à mon agacement je crois : j’etais irritée de ne pas apprécier alors qu’il y a indéniablement un grand talent à l’œuvre. C’est la première fois qu’un roman provoque ces sentiments très contradictoires (et un peu difficiles à expliquer!) chez moi.
Je me situerais plutôt entre l’enthousiasme et l’agacement. je l’ai trouvé plaisant à lire mais depuis j’ai lu aussi Lilas rouge, histoire d’une famille sur trois générations également, en Autriche, avec le passé nazi en fond, que j’ai trouvé beaucoup plus approfondi.
Je vais ajouter ton lien, je ne savais pas que tu participais à la LC ! Idem, je suis dans une autre chronique familiale germanique construite sur le même mode et là, j’accroche complètement. La similitude de départ entre les deux romans et leur effet totalement opposé sur moi m’intrigue …
Dommage ces erreurs… vraiment, variole pour varicelle ? Pour une maison d’édition aussi prestigieuse, c’est honteux… et que dire des fautes? Et ben… (du bon québécois).
J’ai été très surprise et déçue du travail éditorial ici, c’est certain. C’est peut-être une exception, mais de plus en plus d’éditeurs se contentent de logiciels de correction pour faire des économies, mais comme souvent, ça ne remplace pas un humain qui réfléchit au sens en plus de la grammaire et de l’orthographe…
oups, je crois que je vais zapper ce roman. Eva l’a apprécié un peu plus mais ce n’est pas un coup de coeur.
Il a des défauts, et des qualités, mais les premiers ont eu le dessus pour moi! Et comme le roman fait quand même 450 pages, il faut être prêt(e) à se lancer… ou pas !
J’ai la craintivité d’être fortement agacée aussi 😆, autant par les coquilles et les traductions bancales que par cette famille à laquelle on peine visiblement à s’attacher du fait de la structure même du roman. J’aime bien l’atypique pourtant, mais soit on déteste carrément, soit on adore sans réserve, et quand c’est parfois entre deux et à plus de 60% plutôt dans le négatif, pour moi ce n’est pas bon signe.
C’est exactement ça : 60% dans le négatif. C’est trop pour moi aussi!
Le principe de départ est séduisant mais c’est dommage que l’auteur finisse par trop chercher l’originalité et que l’édition n’ait pas été plus révisée…
Au début, j’ai plutôt apprécié le style un peu particulier de l’auteur, mais au bout d’un moment, ça m’a tapé sur les nerfs 😆.
Je viens de lire le billet d’Eva, qui ne m’a déjà pas emballée, le tien est encore plus clair. Je suis convaincue que ce n’est pas un roman pour moi, je passe.
Anne-Yès a bien aimé aussi, mais moins qu’une autre histoire sur plusieurs générations, toujours en Autriche. Il y a donc des alternatives si on s’intéresse au sujet 😉.
Je garde un excellent souvenir de ma lecture de « Le vieux roi en son exil », sur le père de l’auteur. Le style y est très simple, à l’inverse du texte que tu présentes aujourd’hui, semble-t-il.
Je ne suis pas prête à relire cet auteur avant un certain temps, je pense. Je n’ai pas trouvé Le vieux roi en son exil dans ma bibliothèque, le sujet m’intéressait pourtant davantage que Tout va bien.
Le voici rhabillé pour l’hiver ce roman, que je vais m’empresser de passer !
Il a des qualités, mais je n’ai clairement pas été enthousiasmée.