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Kukum – Michel Jean

Éditions Points

« L’histoire d’un monde disparu », tel pourrait être le sous-titre de ce roman raconté à la première personne par Almanda, fille d’immigrants élevée par son oncle et sa tante au Québec à la fin du 19e siècle. Ils triment en tant que paysans, et la jeune fille de 15 ans n’a ni envie de se marier, ni de rester à la ferme toute sa vie. Et voilà que son chemin croise Thomas, un jeune Innu, autrement dit un autochtone. Amoureuse et en quête d’aventures, elle l’épouse et les suit, lui et sa famille.

C’est une vie de labeur mais heureuse, en pleine nature et dans la chaleur d’une famille innue aimante que connaît ensuite Almanda. Éprise de liberté, elle adhère pleinement à ce nomadisme au cœur des grands espaces. Au fil de sa longue existence, elle voit cependant le déclin de ce mode de vie peu à peu détruit par la foresterie à grande échelle, la sédentarisation forcée, l’arrivée du chemin de fer, le placement des enfants dans les tristement célèbres pensionnats canadiens… Des bouleversements et des traumatismes qui expliquent en grande partie le mal-être et les addictions dans lesquels tombent ensuite de nombreux autochtones.

L’hôtel Roberval sur les bords du Pekuakami, le lac Saint-Jean ; source : commons.wikimedia.org

J’ai eu de sérieuses craintes au début de ce roman, l’auteur utilisant à trois reprises en quelques pages l’expression « visage usé » pour parler de personnes d’âge vénérable. La répétition m’a sauté aux yeux et mon « radar à lourdeurs et maladresses » s’est mis aussitôt sur « alerte rouge ». Heureusement, le reste du livre n’a pas ce genre de défaut majeur. Il me semble quand même avoir décelé un problème dans la chronologie de certains événements vers la fin, mais j’avais peut-être simplement été inattentive un peu plus tôt dans le récit.

Bien que je ne sois pas particulièrement adepte du nature writing (quelqu’un a-t-il un terme français à suggérer pour cette expression ?), j’ai pris plaisir aux descriptions des paysages et à la découverte de cette vie simple et rude au plus près de la nature. Si je l’avais lu plus tôt, j’aurais recommandé ce roman chez Eva et Patrice pour les lectures à prévoir quand on part en camping ! Il me semble idéal pour ça. Cependant, même si Kukum dénonce des politiques qui ont profondément nui aux populations autochtones canadiennes, il reste très léger et les personnages m’ont semblé inutilement idéalisés.


Pour qui s’intéresse aux minorités ethniques plus sérieusement, ce roman sera donc frustrant, (et sur le plan littéraire, il est plaisant mais pas transcendant). Heureusement, vous trouverez plein de bonnes idées pour creuser le sujet chez Ingannmic. Je vous recommande par ailleurs l’article de Pamolico sur Little bird, une mini-série actuellement diffusée par Arte et consacrée à la politique de placement d’enfants autochtones qui a été pratiquée à grande échelle au Canada dans les années 1960 à 1980. Stupéfiant et bouleversant !

Avec ce roman, je participe au rendez-vous « Le 12 août, j’achète un livre québécois » relayé par Madame Lit, ce que j’ai le plaisir de faire en lecture commune avec Doudoumatous et Eva dont je vous invite à lire les avis.

Retrouvez également Kukum sur les blogs de Nathalie, Kathel et Audrey.

PS : Le blog, déjà au ralenti, se met en pause jusqu’à la fin du mois. Bonnes lectures aoûtiennes à tout le monde !

32 réponses sur « Kukum – Michel Jean »

Le roman n’est pas long et est agréable quand même. Il m’a déçue par rapport à l’unanimité que j’avais constatée moi aussi. Je comprends cependant qu’il ait touché un large public.

Je vois que tu as moins accroché que moi. J’ai peut-être été moins attentive que toi au style d’écriture car je n’ai pas remarqué les répétitions dont tu parles. J’ai donné ce livre à un ami, je ne peux donc pas regarder. Je lui poserai la question quand il l’aura lu. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié la manière dont l’auteur décrit la disparition d’un monde. Je me suis aussi beaucoup attachée aux personnages

Le problème pour moi vient peut-être justement du fait que je ne me suis pas beaucoup attachée aux personnages, un peu trop « parfaits » à mon goût, mais je suis contente d’avoir lu ce livre malgré tout. Cette vie d’immigrante devenue une Innue à part entière avant de voir son monde disparaître est assez exceptionnelle !

J’ai trouvé que c’était un livre très délicat, qui n’en fait pas trop justement, qui raconte seulement ce qu’était la vie dans la forêt et ce qu’a été sa destruction. Dommage que tu n’aies pas aimé.

Je ne dirai pas que je n’ai pas aimé, je l’ai surtout trouvé un peu léger par rapport à ce que j’attendais. La vie dans la forêt et les trajets épiques au moment des changements de saison m’ont beaucoup plu en tous cas.

Merci pour le lien 🙂 Je n’ai pas repéré les maladresses que tu évoques mais je l’ai découvert en livre audio et c’est le genre de chose quoi, sous ce format, passe plus vite inaperçu… Et merci pour la mention de Little bird que je pense regarder.

Heureusement ces maladresses ne sont pas totalement rédhibitoires et j’imagine qu’en audio, on les remarque encore moins.

J’aurais aimé me joindre à vous mais impossible de mettre la main sur ce livre. « Le vent en parle encore », du même auteur, me semble moins simpliste. Bonnes vacances !

Je ne sais pas si je poursuivrai avec cet auteur, je suis tentée par Louise Erdrich et Tommy Orange notamment, et bien sûr La note américaine de David Grann pour aller plus loin sur le sujet.

J’ai été étonnée moi aussi que l’auteur ne soit pas plus présent en bibliothèque car Kukum a été un succès de librairie à ma connaissance… Et oui, c’est un roman sympathique mais sans plus pour moi. Eva et Doudoumatous sont toutes les deux enthousiastes en revanche. Je suis ma ronchonne de service sur cette LC 🤣.

J’espère que tu le trouveras. Malgré son succès, ce roman n’est pas dans ma bibliothèque et d’autres ont rencontré le même problème.

Perso je l’ai beaucoup aimé, peut-être tout simplement parce que lors de mon voyage au Canada durant mes études j’ai eu l’occasion de vivre tout près des eskimos plus à l’Ouest mais autochtones tout de même. C’est aussi un bel hommage de l’auteur à son arrière-grand-mère, grâce à laquelle il a compris d’où il vient. Pour moi les propos de l’auteur sonnent juste, parce que justement ils sont simples et sans analyse ou fioritures, et j’ai trouvé les personnages attachants. D’ailleurs je n’ai pas du tout écrit ma chronique en comparant ce court roman avec un livre de sociologie ce qu’en effet il n’est pas…tu as tout à fait raison ! Dans le passé j’ai lu quasiment toute la collection « Terres humaines » et ce n’est pas l’objectif de l’auteur dans ce livre de détailler leur mode de vie. Je ne suis peut-être pas totalement objective sur ce coup là car la fin de leur vie nomade pour cause de destruction de leur habitat me révolte profondément, et donc me touche beaucoup pour eux comme pour tous les peuples encore aujourd’hui qui ont à vivre cela. Par contre je n’ai pas du tout vu les lourdeurs dont tu parles et comme je ne suis pas chez moi je ne l’ai pas sous les yeux…A voir donc. Bonne pause en tous les cas…profite bien de tes vacances et bonnes lectures

Les maladresses étaient essentiellement au début du roman, et je mettrai plutôt en cause l’éditeur qui aurait dû les relever 😉. Mes co-lectrices sont beaucoup plus positives que moi, j’en déduis que j’avais trop d’attentes ou des attentes mal placées. Sans vouloir une étude sociologique, j’aurais apprécié des personnages plus nuancés sans doute, ce qui ne m’a pas empêché d’apprendre tout un tas de choses.

Je te rejoins sur pas mal de points : l’idéalisation du monde des Amérindiens, l’ absence de profondeur romanesque …. Il vaut mieux lire un Erdrich, c’est certain !

J’aurais aimé qu’il explore davantage le décalage entre la famille restée au village et ceux qui ont rejoint la ville par exemple. Mais ce n’était pas son propos ici.

Mon avis se rapproche plutôt celui de Doudoumatou 🙂 J’ai apprécié les descriptions de la nature et je suis d’accord avec toi que ce serait une bonne lecture pour une nuit sous les étoiles ! Je trouve aussi que le personnage d’Almanda et sa nouvelle famille ont un petit quelque chose de Vinettou :), leur image est toute positive. Je l’ai pris en partie comme un livre de souvenirs liés à son arrière-grand-mère où il a voulu surtout souligner sa simplicité au bon sens du terme.
En tout cas, c’est toujours très intéressant de lire des avis variés 🙂

Hihi,oui, c’est ça, c’est très (trop?) positif, pour moi en tout cas. J’ai appris récemment que c’était un acteur français qui jouait le rôle de Winnetou, incroyable !

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