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BD et romans graphiques

Les horizons amers – L.F. Bollée & Laura Guglielmo

Éditions Robinson

Retour en mer aujourd’hui avec une expédition de cartographie qui tourna au fiasco pour son capitaine. Sur fond de guerre et de rivalités entre la France et la Grande-Bretagne, en particulier en mer, Matthew Flinders n’a qu’une idée en tête : prouver que la Terra Australis n’est qu’une seule et même île, grande comme un continent.

Ce jeune officier de la Royal Navy réussit à convaincre un puissant mécène de le soutenir auprès de la Royal Society of Geography pour pouvoir se lancer dans une nouvelle campagne de cartographie (il a déjà réalisé une circumnavigation de la Tasmanie avec Bass en 1798). Le défi est de taille, d’autant qu’une expédition française comprenant 2 navires est déjà en route vers l’hémisphère sud dans le même but.

C’est donc une course contre la montre qui s’engage, mais au rythme de la navigation de l’époque, c’est-à-dire avec ses aléas météorologiques et humains. Maladies à bord, retards qui contraignent à mouiller l’ancre dans des ports plus abrités pendant des semaines, avaries diverses : l’expédition se prolonge bien au-delà des 3 ans envisagés.

Je participe au book trip en mer chez Fanja !

Flinders a l’occasion de rencontrer son « concurrent » Nicolas Baudin lorsque leurs navires se croisent dans une même baie. Entre échanges de politesse et solidarité propre aux marins, envie de coopérer au nom de la science et nécessité de ne pas trop en révéler pour être le premier à attirer la gloire sur sa nation, la conversation est cordiale mais pas aisée. Le Français, plus expérimenté, s’interroge notamment sur les soi-disant bienfaits de l’arrivée des Européens pour les populations autochtones tandis que le Britannique, obnubilé par sa volonté de prouver que son instinct ne le trompe pas, n’y prête guère attention.

Naïf (et borné ?), notre « héros » sera victime de malchance, d’imprévoyance et surtout de conflits politiques et diplomatiques qui auraient de quoi rendre fou. À l’instar de nombreux explorateurs qui ont laissé leur vie, leur santé, leur raison (sans parler des familles qu’ils quittaient pendant des années) pour assouvir leur passion et leurs ambitions, Matthew Flinders n’a pas connu la renommée qu’il s’était imaginée. On lui doit cependant d’avoir eu l’intuition que l’Australie était une île-continent et d’avoir forgé son nom, Australia.

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Pays-Bas Romans

En mer – Toine Heijmans

Traduction du néerlandais par Danielle Losman – Éditions Christian Bourgois

Décidément, les voyages en mer ne sont pas de tout repos. Un moment d’inattention, un gros grain, ou un navigateur fragile et une simple traversée familiale entre le Danemark et les Pays-Bas peut rapidement tourner au cauchemar. En mer est ainsi une sorte de thriller psychologique dans lequel l’auteur m’a complètement menée en bateau.

Donald est marié à Hagar et père d’une petite fille de 7 ans, Maria. C’est à la première personne que Donald nous parle de son voyage : les conditions de son départ en voilier dans le cadre d’un congé sabbatique, le retour imminent après un périple de 3 mois avec, pour sa dernière traversée, la compagnie de sa fille. Hagar a en effet accepté que Maria rejoigne Donald au Danemark et fasse avec son père la traversée finale jusqu’à Harlingen où elle les attendra.

D’emblée, on sent une certaine fébrilité chez Donald, de l’agacement face aux inquiétudes comme aux certitudes éducatives de sa femme. En mer, il se sent libre, efficace et compétent. Son besoin de prouver ses qualités de père et de navigateur irrigue cependant ses monologues, créant une certaine tension car on pressent qu’il pourrait se montrer déraisonnable par fierté, alors qu’en mer, la maîtrise de soi est vitale.


« À bord, il faut être routinier et ordonné, ça rassure. (…)
On survit par routine. Lorsque tout va mal, mieux vaut savoir où tout se trouve. Sans routine, les pensées se bousculent. On pense à tout à la fois. Aux nuages, au four, au café, aux bottes, au pavillon. Au journal de bord, aux amarres. À ta fille qui dort dans la cale avant, la petite cale. Si tu cesses de penser de façon claire, la mer t’emporte.
»

La quatrième de couverture le divulgâche : Maria disparaît soudainement du bateau et c’est évidemment la panique à bord. Cette disparition intervient très tôt dans le roman et l’auteur opère ensuite des retours en arrière dans lesquels Donald revient sur sa vie au travail, ses relations familiales, son trajet pour retrouver Maria à l’aéroport, leur départ sur le voilier baptisé Ismaël (la référence à Moby Dick n’est évidemment pas fortuite) et les beaux moments de leur traversée père-fille, jusqu’à l’instant du drame.

J’ai fortement accéléré dans les vingt dernières pages du roman car le suspense devenait insoutenable pour moi. Et là, bim, le twist que je n’avais absolument pas vu venir ! Pourtant, j’avais imaginé tout un tas de scénarios pouvant expliquer le drame et donnant des issues plus ou moins tragiques à ce récit (dont la fin reste d’ailleurs ouverte). Mais l’auteur m’a bien eue, chapeau bas!

Ingannmic et Kathel l’ont lu il y a déjà quelques années. Leur avis est à retrouver ici et là.

PS : Un autre roman de Toine Heijmans, Dette d’oxygène, fera l’objet d’une lecture commune chez Je lis, je blogue et Livr’escapades le 8 juin prochain. Avec un titre pareil et le talent de l’auteur pour me mettre en apnée lors de cette traversée maritime, je m’attends à un autre récit haletant et je suis impatiente de lire l’avis d’Alexandra et Fabienne.

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À propos Challenges et LC

Programme printanier

Encore un petit billet non livresque pour cause de vacances. Aujourd’hui, je fais un point sur les rendez-vous auxquels je participe en ce printemps 2024.

En avril, c’est le formidable Mois au Japon chez Lou et Hilde. Ma modeste contribution cette année a déjà paru il y a quelques jours avec ma chronique sur Le goûter au lion, un roman doux-amer d’Ogawa Ito.

En avril et en mai, La bouche à oreilles orchestre Le printemps des artistes. J’ai publié une première chronique picturale la semaine dernière et ma prochaine contribution devrait être musicale. J’aime beaucoup ce rendez-vous qui me fait sortir de mes habitudes de lecture !

Fabienne propose de lire sur le Rwanda d’avril à juillet avec ses Cent jours au pays des mille collines et j’ai bien l’intention de prendre part à cet événement, peut-être avec un essai si celui que j’envisage n’est pas trop ardu.

Pour la deuxième année consécutive, Madame Lit s’acoquine avec Eva&Patrice pour nous inviter à une lecture épistolaire, cette fois du 7 au 10 juin. Mon roman est déjà choisi, il devrait en plus me permettre de m’associer (enfin !) au défi Littératures de l’Asie du Sud-Est organisé par Sunalee jusqu’au 30 septembre.

Tourné vers d’autres contrées le reste de l’année, mon blog se mettra exceptionnellement à l’heure anglaise en juin. J’ai quelques classiques dans ma PAL qui va donc s’affiner avant la plage grâce au Mois anglais. Merci d’avance à Lou et Titine pour cette « opération dégraissage ».

J’ai pris goût aux voyages en mer grâce au Book trip maritime piloté par Fanja. Après Oiseaux de tempête, je chroniquerai dès lundi une nouvelle lecture pleine d’embruns … et d’angoisse.

J’ai par ailleurs trouvé mon auteur-chouchou pour le défi proposé par Géraldine. Ce sera le Néerlandais Gerbrand Bakker dont j’ai adoré Parce que les fleurs sont blanches, découvert grâce à Eva lors d’une récente lecture commune. J’ai jusqu’au 31 août 2025 pour explorer sa bibliographie, mais ce printemps me verra déjà lire au moins un de ses romans.

D’ici le solstice d’été, je participerai à plusieurs lectures communes :

Vous pouvez bien sûr vous joindre à nous !
D’autres challenges au long cours et lectures communes ponctuelles sont répertoriés ici, avec notamment des lectures marsiennes chez Ta d loi du cine/Dasola, un défi Lire tout Marguerite Duras chez Éléonore et un autre consacré à Proust chez Myriam et Claudialucia. Bref, il y en a pour tous les goûts !

Bonnes lectures et à bientôt,

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Islande Romans

Oiseaux de tempête – Einar Kárason

Traduction de l’islandais par Éric Boury – Grasset

J’ai un faible pour la littérature islandaise… L’hostilité de la nature y est omniprésente et me fascine. En revanche, le bateau et moi, ça fait deux. Si je ne souffre généralement pas du mal de mer, le grand large m’angoisse 😱 et ce n’est pas ce court roman qui va me rassurer ! Je ne regrette cependant pas une seconde d’avoir embarqué pour cette première escale de mon book trip en mer chez Fanja.

L’auteur s’est inspiré d’une histoire vraie : En février 1959, lors d’une campagne de pêche au large du Labrador, plusieurs chalutiers islandais ont été pris dans une terrible tempête. Einar Kárason a choisi d’imaginer la lutte quasi surhumaine que l’équipage d’un chalutier a livrée dans ces conditions apocalyptiques. Un récit qui m’a passionnée et tenue en haleine de la première à la dernière ligne ! La magie islandaise a donc opéré une fois encore…

En plus de vagues scélérates, de déferlantes incessantes et d’une obscurité quasi complète, les hommes du Máfur doivent affronter la glace qui envahit le bateau et l’alourdit, menaçant de le faire sombrer à tout moment. Tous ont bien présent à l’esprit le naufrage du Titanic qui a lieu moins de 50 ans plus tôt dans les mêmes eaux. Ils ne peuvent espérer aucun secours, les autres navires ne se trouvant pas en meilleure posture.

Je ne sais pas comment Einar Kárason a réussi ce tour de force mais en 157 pages exactement, il est parvenu à m’attacher aux destins individuels et collectif de cet équipage, à me faire comprendre le fonctionnement d’un chalutier et la hiérarchie qui y règne (le jargon de la marine me perd et m’ennuie d’habitude très vite) et à me donner l’impression d’être au milieu des flots déchaînés. On retrouve bien cette « patte islandaise » avec une nature extrême, des conditions de vie et de travail rudes, mais aussi un immense amour de la lecture et de la littérature, y compris chez de simples matelots. Tout bateau a d’ailleurs à son bord une petite bibliothèque ❤️ et plus d’un marin est aussi poète ou écrivain à ses heures.

« Courbés, ils pelletaient le poisson et pilaient la glace sans relâche, certains étaient en chemise ou en maillot de corps malgré le froid. Sur les chalutiers comme le nôtre, les hommes passent d’ordinaire six heures sur le pont puis six autres dans les cabines et ainsi de suite. Une équipe était de nuit puis d’après-midi, l’autre du matin puis du soir. Mais lorsque la pêche est miraculeuse, cette routine est bousculée : les membres d’équipage disposent tout au plus de six heures par jour pour s’alimenter, se laver et se reposer, et personne ne s’en plaint. »

En plus du travail des marins-pêcheurs, on découvre le rôle de l’opérateur radio, des mécaniciens et des cuisiniers du bord, tous des titans à leur façon (en tous cas en mer, à terre ce sont plutôt des colosses aux pieds d’argile que l’alcool fait chuter). De quoi m’associer une nouvelle fois aux lectures sur le monde ouvrier et les mondes du travail chez Ingannmic.