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Islande Romans

Entre ciel et terre – Jón Kalman Stefánsson

Traduction de l’islandais par Éric Boury – Folio poche

Il était temps que je sorte ce roman de ma PAL ! Son adaptation en feuilleton radiophonique m’avait éblouie, mais il y avait tant d’autres histoires à découvrir… Bref, je l’ai quand même enfin lu (donc PAL -1 🏋️‍♀️) et, cerise sur le gâteau, Entre ciel et terre est parfait pour le book trip en mer relancé par Fanja de mai à novembre cette année.

Ce roman « islandissime » (j’ose le néologisme) se découpe en 2 parties : la première est parfaitement maritime et la seconde beaucoup plus terrienne, même si des capitaines de navire et des récits de voyage y sont encore présents. Au départ, nous avons donc Bárður et « le gamin » qui rejoignent le reste de l’équipage avec lequel ils embarqueront pour des campagnes de pêche à la morue. Les conditions de vie (en dortoir, parfois à 2 personnes dans le même lit, avec le tas de morues salées dans la pièce) et de travail sont décrites avec réalisme et rudesse, mais aussi avec humour. La première sortie en mer de l’année finira mal, on le sait très vite, la faute à un livre de poésie. Car Bárður et le gamin ont une véritable passion pour la littérature, au risque de perdre de vue le B.A.-BA de la survie.

Ce sera ensuite le retour au village, où il faudra choisir entre la vie et la mort, au milieu de personnages hauts en couleurs qui permettent à l’auteur de brosser des portraits cocasses, complexes et tragiques.

J’ai retrouvé dans la 1re partie tout ce qui m’avait plu dans l’adaptation radio : On a l’impression d’être à bord de cette embarcation bien frêle, livrée aux éléments les plus rudes (j’ai immanquablement repensé aux Oiseaux de tempête), et de côtoyer ce petit monde très masculin.

« Ils rament depuis longtemps et le jour se lève. Quittant la nuit, ils sont entrés dans le matin fragile. Se sont débarrassés de leurs suroîts. Ont peu à peu perdu de vue les autres barques, maintenant éparpillées sur les étendues du Djúp, la mer est houleuse et ils souquent plus ferme que les autres, en route vers des eaux connues de Pétur, mais sur lesquelles il n’a pas pêché depuis plusieurs années, ils ont confiance en lui, il en sait plus qu’eux tous réunis en ce qui concerne la morue, il pense comme une morue, a un jour déclaré Bárður, on s’est d’ailleurs demandé s’il s’agissait d’un éloge ou d’une insulte, Bárður est parfois difficile à cerner, mais bon, Pétur a choisi de prendre ça comme un compliment. »

Ce billet participe aussi au challenge autour des auteurs nordiques proposé par Céline.

La 2e partie m’a paru en revanche un peu trop déconnectée de la première. On y passe rapidement d’un personnage à un autre, avec le sentiment d’une succession légèrement artificielle de portraits pourtant très intéressants (l’accumulation de prénoms islandais qui semblent presque identiques n’a pas facilité les choses 🙃, je le reconnais).

Rien que pour sa 1re partie véritablement sublime, il faut néanmoins (à mon humble avis) lire ce roman. Quant aux personnages qui nous sont présentés dans la 2e partie, ils sont suffisamment prometteurs pour que j’ai d’ores et déjà prévu de les retrouver dans La tristesse des anges, le 2e volet de cette trilogie.

Un autre avis est à lire chez Miriam.

PS : Une passionnante interview d’Éric Boury est à lire sur son blog. Il y parle notamment de son travail de traduction de l’œuvre si poétique de Jón Kalman Stefánsson.

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Pays-Bas Romans

Le détour – Gerbrand Bakker

Traduction du néerlandais par Bertrand Abraham – Éditions Folio

C’est le retour de mon auteur-chouchou, j’ai nommé Gerbrand Bakker ! On ne peut pas dire que j’aie choisi l’écrivain le plus guilleret qui soit. Je continue cependant à le trouver intrigant et captivant (et un chouïa dépressif, ça se confirme 😅).

Dans Le détour, une Néerlandaise en pleine thèse sur Emily Dickinson s’est installée dans une maison isolée au Pays de Galles. On comprendra progressivement ce qu’elle a fui et pourquoi elle s’est jetée ainsi dans une solitude qui malgré tout lui pèse. Le roman est fait de ses promenades dans la nature environnante et jusqu’au mont Snowdon, de ses rencontres assez déconcertantes avec un médecin, un voisin et surtout le jeune Bradwen qui débarque un jour dans son jardin, mais aussi des tentatives (moyennement motivées) de son mari pour la comprendre.

Gerbrand Bakker excelle une nouvelle fois à plonger dans l’âme humaine par petites touches extrêmement délicates et même mystérieuses. Son personnage n’est pas très attachant, il n’y a pas d’action à proprement parler (sauf si on considère qu’aller à la jardinerie acheter quelques rosiers, c’est de l’action) et les non-dits sont nombreux. Mais voilà, cet écrivain semble avoir des pouvoirs hypnotiques ! Et il n’a pas son pareil pour décrire la nature, un personnage à part entière.

S’il n’égale pas l’éblouissement de Parce que les fleurs sont blanches, ce roman un peu particulier est donc très réussi.

L’avis de Kathel : https://lettresexpres.wordpress.com/2013/03/11/gerbrand-bakker-le-detour/

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Italie Romans

Soie – Alessandro Baricco

Traduction de l’italien par Françoise Brun – Folio poche

Alessandro Baricco avait su me faire rire et m’émouvoir avec sa pièce de théâtre Smith&Wesson dont l’intrigue se déroulait au Canada dans les années 1900. Cette fois, c’est dans le sud de la France et au Japon, à la fin du 19e siècle, qu’il m’a emmenée avec son très bref roman sobrement intitulé Soie.

Poussé par un certain Baldabiou, personnage terre-à-terre et habile en affaires, l’indolent Hervé Joncour parcourt à plusieurs reprises des milliers de kilomètres entre la France et le Moyen-Orient, puis entre la France et le Japon. Son travail consiste en effet à acheter des œufs de vers à soie pour l’industrie qui fait vivre son village. Au Japon, il croise le regard d’une femme « au visage de jeune fille » et dont les yeux « n’avaient pas une forme orientale ».

Après une courte et plaisante mise en place historique, l’auteur tisse une atmosphère hypnotique autour d’Hervé Joncour. Cet homme plutôt insaisissable (et insipide ?) est totalement envoûté par la belle inconnue, inaccessible pour lui. Il poursuit cependant sa vie de riche marchand, oisif la majeure partie du temps, et de mari attentionné auprès de sa femme Hélène.

Voilà un roman bien écrit, agréable à lire et qui diffuse un charme indéniable. Pourtant, c’est le genre de livre que j’oublie aussitôt refermé. Je suis visiblement restée insensible à ce qui a fait son succès et séduit de très nombreux lecteurs dont Patrice récemment encore.