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Films et séries

Sans jamais nous connaître & Pride

En juin, on célèbre le Mois des fiertés, y compris sur la blogosphère grâce à une proposition d’Anne-Yès. Ayant abandonné la lecture de La peau est une membrane élastique (un roman assez intéressant sur la forme, trop dérangeant sur le fond pour moi), je vais plutôt vous parler de 2 films britanniques sortis il y a déjà un certain temps, mais que je n’ai vus que fin 2024.

Tout d’abord, je vous conseille Pride (2014), qui réunit la fine fleur du cinéma britannique. On y retrouve notamment Dominic West (avec une scène de danse mémorable, bien loin de son rôle dans The Wire ou The Crown), Imelda Staunton, Bill Nighy, Andrew Scott, ou encore George MacKay, alors à ses débuts.

Inspiré d’une histoire vraie, ce film raconte l’improbable rapprochement de militant(e)s homosexuel(le)s londonien(ne)s et de mineurs gallois en grève. Leur point commun : être réprimé(e)s par la police dans la Grande-Bretagne corsetée et ultralibérale de 1984. Avec un contexte et une atmosphère rappelant furieusement The Full monty ou encore Les Virtuoses, il est cette fois question des préjugés (euphémisme) vis-à-vis des homosexuel(le)s, du début de l’épidémie de sida, des ravages de l’ultracapitalisme, sans oublier l’importance de se fédérer pour défendre ses droits et faire avancer la société.

Pride est drôle et touchant, instructif et divertissant. C’est à voir en famille, dès l’âge de 10 ans à mon avis. Bon à savoir : Ce film risque de vous donner envie de vous déhancher au son des Bronski Beat 🪩 !

Dans un tout autre registre, je recommande chaudement Sans jamais nous connaître (All of us strangers en VO, 2023). Là encore, le casting est de haute volée et livre une prestation impressionnante, à commencer par Andrew Scott (encore lui) et l’intense Paul Mescal (une découverte pour moi 🤩, il a été révélé par la série Normal people adaptée du roman de Sally Rooney), mais aussi Claire Foy et Jamie Bell (qui a bien grandi depuis son rôle de Billy Elliot). Ce mélo mâtiné de fantastique m’a totalement embarquée alors que le fantastique, c’est « très peu pour moi » habituellement.

On est ici dans une histoire de fantômes puisqu’Adam, scénariste quadragénaire en panne d’inspiration, revoit soudain ses parents décédés lorsqu’il avait 12 ans. La solitude, la culpabilité et la honte qu’a pu entraîner son homosexualité pour Adam sont centrales. Sa (toute nouvelle) relation avec Harry et les discussions qu’il peut enfin avoir avec ses parents lui permettent de réparer certaines blessures et de renouer avec ce qui ressemble bien au bonheur. Mais vivre dans le présent et côtoyer les fantômes du passé (littéralement), est-ce bien compatible ?

Ce qui ne ressort pas de ce bref résumé, c’est toute l’esthétique visuelle et sonore à l’œuvre. Voilà bien longtemps que je n’avais pas vu un film aussi léché qui dégage une telle émotion. C’est incroyablement beau, légèrement étrange et surtout poignant (préparez vos mouchoirs). Un coup de cœur.

Pour retrouver des idées de romans, essais, documentaires à lire ou voir sur la communauté LGBTQIA+, c’est sur le Biblioblog d’Anne-Yès.

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Pays-Bas Romans

Le détour – Gerbrand Bakker

Traduction du néerlandais par Bertrand Abraham – Éditions Folio

C’est le retour de mon auteur-chouchou, j’ai nommé Gerbrand Bakker ! On ne peut pas dire que j’aie choisi l’écrivain le plus guilleret qui soit. Je continue cependant à le trouver intrigant et captivant (et un chouïa dépressif, ça se confirme 😅).

Dans Le détour, une Néerlandaise en pleine thèse sur Emily Dickinson s’est installée dans une maison isolée au Pays de Galles. On comprendra progressivement ce qu’elle a fui et pourquoi elle s’est jetée ainsi dans une solitude qui malgré tout lui pèse. Le roman est fait de ses promenades dans la nature environnante et jusqu’au mont Snowdon, de ses rencontres assez déconcertantes avec un médecin, un voisin et surtout le jeune Bradwen qui débarque un jour dans son jardin, mais aussi des tentatives (moyennement motivées) de son mari pour la comprendre.

Gerbrand Bakker excelle une nouvelle fois à plonger dans l’âme humaine par petites touches extrêmement délicates et même mystérieuses. Son personnage n’est pas très attachant, il n’y a pas d’action à proprement parler (sauf si on considère qu’aller à la jardinerie acheter quelques rosiers, c’est de l’action) et les non-dits sont nombreux. Mais voilà, cet écrivain semble avoir des pouvoirs hypnotiques ! Et il n’a pas son pareil pour décrire la nature, un personnage à part entière.

S’il n’égale pas l’éblouissement de Parce que les fleurs sont blanches, ce roman un peu particulier est donc très réussi.

L’avis de Kathel : https://lettresexpres.wordpress.com/2013/03/11/gerbrand-bakker-le-detour/

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Allemagne Romans

L’amour par temps de crise – Daniela Krien

Traduction de l’allemand par Dominique Autrand – Éditions Points

Enfin novembre ! Contrairement à beaucoup, j’aime ce mois de l’année avec ses odeurs de sous-bois humide, ses longues soirées qui promettent de belles séances de lectures, ses après-midi chocolat chaud à gogo, et cerise sur le gâteau : c’est aussi le rendez-vous des Feuilles allemandes ! Merci à Et si on bouquinait et à Livr’escapades de nous inviter à explorer la littérature germanophone, qu’elle vienne d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse ou d’ailleurs. Je sens que je vais me régaler !

Pour ouvrir ce mois germanophile, j’ai lu L’amour en temps de crise, attirée que j’étais par ce beau titre et le joli succès que s’est taillé ce roman allemand à sa sortie en 2019. Daniela Krien nous plonge dans quelques années de la vie de 5 femmes âgées d’une trentaine à une quarantaine d’années. Certaines ont des enfants, d’autres non. Certaines ont un amant, d’autres plusieurs, d’autres pas. Ce qui les relie ? Elles vivent toutes à Leipzig, en ex-RDA, et se connaissent directement ou par personne interposée, parfois juste de vue. En femmes de leur temps, Paula, Judith, Brida, Malika et Jorinde essaient de tenir debout face aux multiples injonctions bien lourdes à porter qu’elles subissent.

L’autrice décrit avec précision et justesse les premiers temps de la passion amoureuse, le bouleversement que représente la maternité, le choix ou la souffrance de ne pas avoir d’enfant, les relations d’emprise qui peuvent se tisser au sein du couple ou au détour d’une amitié, les séquelles laissées par un modèle parental ou éducatif bancal, le déchirement d’une rupture… Les souvenirs d’une enfance au temps de la RDA ainsi que les préjugés et incompréhensions qui persistent entre Allemand(e)s de l’Est et l’Ouest transparaissent également dans ces portraits sans fard de femmes contemporaines.

L’œuvre de Johann Sebastian Bach, indissociable de Leipzig, traverse ce roman. Image par scholacantorum de Pixabay

On s’identifie facilement à certaines facettes de ces 5 femmes. Tout chez elles n’est pas d’ailleurs pas sympathique, ce que j’ai apprécié car elles nous apparaissent ainsi sous un jour nuancé, réaliste et d’autant plus humain. Elles savent aussi réinventer les modèles de vie qu’on cherche à leur imposer. Les hommes sont en revanche présentés soit comme faibles, égoïstes, donneurs de leçons voire destructeurs, soit parfaitement à l’écoute, sensibles et attentionnés. J’aurais aimé un peu plus d’objectivité et de finesse sur cet aspect. Ce sera ma seule réserve pour ce roman qui saisit très bien l’air du temps et la psyché féminine.

PS : De Daniela Krien, Eva a également lu Un jour nous nous raconterons tout et L’incendie. Ils rejoindront sûrement ma PAL très bientôt.