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Allemagne Romans

Le Chat, le Général et la Corneille – Nino Haratischwili

Traduction de l’allemand par Rose Labourie – Editions Belfond

Nino Haratischwili est née en Géorgie où elle a vécu de nombreuses années. Elle vit désormais en Allemagne où elle avait déjà fui avec sa famille pendant la guerre civile qui a fait rage dans son pays au début des années 1990. C’est aussi en allemand qu’elle écrit et son roman Le Chat, le Général et la Corneille me permet donc une nouvelle participation aux Feuilles allemandes organisées cette année par Patrice & Eva et en prime une LC avec Sunalee.

Chat est une jeune comédienne géorgienne qui vit en Allemagne. Elle se cherche, professionnellement et personnellement. Sa ressemblance avec une jeune Tchétchène comme surgie du passé va servir de déclencheur pour le Général. Celui-ci charge la Corneille, l’ex-petit ami de sa fille, de recruter Chat pour une mystérieuse mission. Que cherche à déclencher le Général, cet homme à la richesse et au pouvoir phénoménaux ? Qui est-il et pourquoi fait-il appel à la Corneille, qu’il déteste ? Chat ne va-t-elle pas se brûler les ailes, elle qui semble peu à peu confondre fiction et réalité ?

La huitième vie (pour Brilka), autre roman de cette jeune autrice extrêmement talentueuse, était un de mes coups de cœur 2023, et j’ai retrouvé ici ce que j’y avais aimé : des personnages incroyablement incarnés et complexes (sauf un, mais j’y reviendrai), un souffle romanesque, de la tension et des émotions à gogo, sans oublier un éclairage passionnant sur l’histoire – ô combien tragique et violente – du Caucase. Pourtant, je n’aurais pas parié un kopeck si on m’avait dit que je lirai un jour un roman sur le conflit en Tchétchénie…

Nino Haratischwili tisse une toile dont ni ses personnages ni son lectorat ne peuvent facilement s’échapper. Il est question de crime, de culpabilité et de fatalité, de pouvoir et de châtiment. Ce retour sur la Première guerre de Tchétchénie et la libéralisation économique en Russie (événements que l’autrice réussit à rendre haletants et limpides) explique bien des choses observées aujourd’hui. L’évolution de Malich en particulier est passionnante.

J’ai cependant quelques reproches à faire à ce roman. Tout d’abord, la psychologie d’Ada m’a semblée tirée par les cheveux et j’ai eu l’impression que l’autrice avait eu du mal à trouver un prétexte pour expliquer la soudaine machination du Général. Par ailleurs, l’histoire et le suspense créé s’étirent un peu trop. La fin aurait selon moi pu arriver plus tôt et avec moins d’« effets cinématographiques » dans ses toutes dernières pages. Le récit y aurait gagné en force.

Sachant que Le Chat, le Général et la Corneille a précédé La huitième vie (qui était parfait de bout en bout), j’en déduis que l’autrice a su affiner son talent avec le temps et je laisse donc La lumière vacillante, qui vient tout juste de paraître, en très bonne place dans ma liste de livres à lire.

D’autres avis sur ce roman sont à retrouver chez Temps de lecture, Anniemots, Madame Lit et bien sûr Sunalee. Et pour écouter Nino Haratischwili parler d’amitié, d’écriture, de la Géorgie ou des femmes (en littérature notamment), c’est ici : https://youtu.be/FZMl9NbLveI

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Romans Tchéquie

La guerre des salamandres – Karel Čapek

Traduit du tchèque par Claudia Ancelot – Éditions Cambourakis

Avant toute chose, je remercie infiniment Patrice de m’avoir proposé cette fabuleuse lecture commune. La guerre des salamandres est un véritable coup de cœur pour moi !

L’adaptation audio de La maladie blanche m’avait convaincue de la modernité des sujets abordés par Karel Čapek. Pourtant, pour être honnête, je craignais un style éventuellement un peu poussiéreux avec La guerre des salamandres, roman paru en 1936. J’ai peut-être été induite en erreur par l’édition très rétro de 1986 trouvée dans la réserve de ma bibliothèque (Cambourakis l’a réédité récemment et c’est sans doute cette version que vous le trouverez désormais). Eh bien, je peux vous dire qu’en réalité, il se lit comme s’il avait été écrit hier et qu’il « décape » ! Magnifiquement traduit par Claudia Ancelot, Karel Čapek dénonce toutes les idéologies (nationaliste, communiste, nazie, capitaliste, humaniste…) et les bassesses humaines avec un humour, une lucidité et un talent inouïs.

« Ajoutons à ce propos que, surtout dans la presse américaine, on trouvait de temps en temps des informations sur des jeunes filles qui auraient été violées par des salamandres alors qu’elles se baignaient. C’est pourquoi, de plus en plus fréquemment, on lynchait et l’on poursuivait des salamandres aux États-Unis et surtout on les brûlait sur un bûcher. C’est en vain que les savants
s’élevaient contre ces pratiques populaires en affirmant qu’un tel crime était physiologiquement impossible pour des raisons anatomiques ; de nombreuses jeunes filles affirmèrent sous serment qu’elles avaient été importunées par des salamandres : l’affaire était donc claire aux yeux de tout bon Américain. »

L’histoire commence comme un roman d’aventures, à bord d’un bateau dont l’équipage cherche de nouveaux sites pour récolter des perles sous-marines. Dans une baie que la population locale fuit, le capitaine van Toch découvre une créature jusqu’alors inconnue : la fameuse salamandre. Sujet d’étude scientifique, main d’œuvre docile et bon marché, elle sera scrutée, goûtée, livrée en pâture aux négociants, parfois éduquée mais surtout exploitée et maltraitée. Jusqu’où le genre humain ira-t-il ? Et jusqu’à quand les placides salamandres vont-elles supporter tout ça ?

« Puis, lentement, presque religieusement, le professeur Van Dieten décrivit les troubles qui se manifestent chez la salamandre quand on lui enlève le lobe cervical frontal droit ou bien encore la circonvolution occipitale sur le côté gauche du cerveau. Ensuite, le professeur américain Devrient présenta… Excusez-moi, je ne sais vraiment pas ce qu’il a présenté ; c’est à ce moment-là que je me mis à me demander quels troubles se manifesteraient chez le professeur Devrient si on lui ôtait le lobe
cervical droit ; comment le souriant Dr Okagawa réagirait à une irritation électrique et comment se comporterait le professeur Rehmann si on lui écrasait le labyrinthe auriculaire ; je fus aussi saisi d’une certaine incertitude quant à ma propre aptitude à discerner les couleurs et quant au facteur de mes réflexes moteurs. »

Sans véritables protagonistes et avec seulement quelques personnages récurrents, ce roman est fait de carnets de bord de marins, procès-verbaux d’assemblée générale et de conférence internationale, articles de journaux, extraits d’essais philosophiques factices, notes de bas de page généralement aussi fines qu’hilarantes… Il multiplie les narrateurs et se conclut même sur une conversation de l’auteur avec lui-même. Il est donc difficile de résumer ce texte passionnant qui se dévore. J’ai d’ailleurs marqué un nombre incalculable de pages dans ce livre. À vrai dire, il faudrait tout citer pour lui rendre justice.

« Au bout de quelques semaines, une pénurie désespérée de produits alimentaires se fit sentir dans les Îles britanniques. (…) ; la nation britannique endura ces souffrances avec un courage sans exemple, même si elle tomba assez bas pour être amenée à manger tous ses chevaux de course. »

Les thèmes abordés sont on ne peut plus forts et révoltants (esclavage, racisme, colonisation, expérimentations au nom de la science, ravages de l’ultra-capitalisme…). Pourtant, j’ai énormément ri en lisant ce roman, d’un rire incrédule devant tant de clairvoyance (il a été écrit avant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui semble assez incroyable à sa lecture) et d’un rire se transformant régulièrement en hoquet d’horreur ou d’effroi, il faut bien le dire. Tout le monde en prend pour son
grade : Américains, Français, Anglais, Allemands et Tchèques, scientifiques, journalistes, industriels, politiques, simples citoyens… Le tout avec une intelligence et une ironie saisissantes. Bref, je suis officiellement fan de Karel Čapek !

Un roman incontournable, qui n’a pas pris une ride (hélas).

D’autres avis sur La guerre des salamandres et différents romans de cet auteur tchèque majeur qu’est Karel Čapek sont à retrouver chez Patrice et Eva, mais aussi Fanja, Keisha, Marie-Anne, Kathel et L’Ourse bibliophile.

PS : La préface de l’édition Marabout de 1986 signée par Philippe Ganier-Raymond nous révèle un fait tragique qui prouve une fois de plus que la réalité et la bêtise mais aussi la cruauté humaine
dépassent souvent la fiction, aussi visionnaire soit-elle : « Čapek mourut en 1938, le jour de Noël, depuis longtemps malade (…). Les nazis entraient dans Prague 3 mois plus tard. La gestapo de Reinhardt Heydrich avait un ordre, parmi les plus urgents : « Tuez Čapek ». Rien de pire que des assassins mal renseignés. Karel était mort, mais il leur fallait un Čapek. Ils allèrent chez son frère Josef, l’arrêtèrent, l’envoyèrent à Bergen-Belsen, où il mourut en 1945 du typhus. »

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Grèce Romans

Récit des temps perdus – Aris Fakinos

Traduction du grec par Roselyne Majesté-Larrouy – Éditions Points

Aris Fakinos est né en Grèce en 1935 et a fui la dictature des colonels en 1967. C’est à Paris qu’il a trouvé refuge et, à en croire son éditeur, « il a fortement contribué à la diffusion de la culture grecque en France où il est mort en 1998. » Ce Récit des temps perdus, écrit dans sa langue maternelle, est l’histoire de son grand-père, rapportée à la manière d’une épopée qui se déroulerait à pied et en charrette.


« En 1970, à l’âge de cent trois ans, mon grand-père Vanguélis jugea qu’il avait assez vécu. Un dimanche d’avril, il se leva, fit sa toilette, changea de linge de corps, revêtit ses beaux habits, soigna son rosier bien-aimé, puis il fit appeler ses neuf enfants.
Lorsqu’ils furent tous rassemblés, mon grand-père s’assit sur le lit :
– Aujourd’hui je vais mourir, annonça-t-il. Pardonnez-moi et que Dieu vous pardonne. »

Vanguélis est un simple journalier. Il croise le regard de la belle Sophia, la fille du seigneur qui l’emploie, et leur destin est aussitôt scellé. Ils s’enfuient, se marient et vivront ensemble une longue vie marquée par la misère, des guerres et l’évolution de leur pays où les terres serviront de plus en plus à la construction immobilière et de moins en moins à l’agriculture.

La première partie est celle que j’ai préférée : rebelles, Vanguélis et Sophia sont prêts à affronter le monde et le récit de leur fuite et de leur installation ne manque pas de panache et de romanesque. Sophia a un caractère bien trempé, ne reculant pas devant la rudesse de sa nouvelle vie, elle qui était pourtant destinée à l’oisiveté et à une certaine opulence.

On a l’impression de lire un conte, d’autant que les superstitions sont monnaie courante dans cette région rurale. Quelques épisodes ne sont pas non plus sans rappeler le périple de héros grecs mythiques, recueillis par de superbes créatures qui jouent ensuite de leurs charmes pour les empêcher de repartir (la magie a de tout temps été une bonne excuse pour justifier des infidélités !). Et il y a même un puisatier aveugle qui verra souvent plus clair que son entourage. Toute ressemblance avec le fameux Tirésias n’est sûrement pas fortuite 😉. Je suppose que ce roman contient tout un tas d’autres références aux classiques grecs, mais je suis loin d’être une spécialiste et je ne les ai donc pas repérées.

Peut-être que cette méconnaissance a joué dans la baisse de mon intérêt dans la seconde partie du roman, plus contemplative et un peu répétitive à mon goût. J’ai aussi trouvé le personnage de Vanguélis bien faible devant les autres femmes alors que Sophia – impériale, fidèle et d’un courage immense – reste au second plan. Cette héroïne aurait mérité selon moi d’être plus centrale dans le récit. Mais j’ai sans doute un regard un peu trop post-#MeToo parfois 😆. On parle ici de la fin du 19e et d’avant 1968, le roman est donc de son époque. J’en suis bien consciente, ce qui ne m’a pas empêchée de lever les yeux au ciel à plusieurs reprises.

Image par Thomas G. de Pixabay

Même si j’ai été moins intéressée par la fin du roman, j’ai apprécié ce retour sur un siècle dans une Grèce secouée par de nombreux événements majeurs (tremblements de terre, guerres, dictature). Aris Fakinos a un style que je qualifierai de classique, sans être désuet, et très agréable à lire. Sans être particulièrement palpitante, cette lecture s’est donc avérée plutôt plaisante.

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BD et romans graphiques Belgique

Le tambour de la Moskova – Simon Spruyt

Traduction du néerlandais (Belgique) par Laurent Bayer – Le Lombard

Vincent Bosse est un jeune homme dont la beauté lui vaut de nombreux privilèges et attentions. Dans son village déjà, il est protégé par le curé qui s’apprête à le faire entrer au séminaire pour lui éviter la conscription. Mais Vincent lui-même va trahir son mentor et être enrôlé pour la campagne de Russie de 1812. Grâce à son joli minois qui lui donne un air particulièrement innocent et juvénile, il va rejoindre les tambours – surnommés les « loin-des-balles ».

Tout au long de cette campagne sanglante, sa bonne mine permet à Vincent d’échapper aux pires atrocités. Son manque de courage et de solidarité n’y sont pas pour rien non plus, mais qui pourrait lui en vouloir ?

L’auteur ne manque pas d’humour, parfois macabre et souvent cynique. Ses dessins à l’aquarelle offrent par ailleurs de beaux paysages comme des trognes très expressives et des flous presque oniriques. L’ensemble m’a beaucoup plu. Visuellement, seule la police de caractères aurait pu être mieux choisie à mon avis, elle tranche un peu trop sur les illustrations. Elle a cependant le mérite d’être parfaitement lisible.

Celles et ceux qui connaissent la littérature russe ont sans doute déjà compris, ou comprendront très vite à la lecture de cet album, à quel grand roman cette BD fait référence. Comme je n’ai pas lu ce classique, la fin du Tambour de la Moskova m’a réservé une jolie surprise. Après cette brève incursion, j’espère remédier un jour à cette lacune littéraire. Simon Spruyt m’a d’ailleurs réconciliée avec la période napoléonienne que je boude d’habitude.

Pour découvrir quelques pages de cette BD :

https://www.westory.fr/player-display?do=html&token=lsj1avbUlUIqFQmkBDRpnotaq90kgPkH

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Lectures audio

La maladie blanche – Karel Čapek

Un podcast de France culture

Il y a un peu moins d’un an, j’ai lu le billet très enthousiaste de Patrice consacré à La maladie blanche du Tchèque Karel Čapek. Ce titre était resté dans un coin de ma tête comme à lire impérativement. C’est finalement sous forme d’adaptation audio que j’ai découvert et énormément apprécié cette pièce.

Baptiste Guiton, l’adaptateur et réalisateur, a travaillé à partir de la traduction d’Alain van Crugten parue aux éditions du Sonneur. Comme toujours sur Radiofrance serais-je tentée de dire, les comédiens et comédiennes sont formidables, Hervé Pierre et Alain Fromager en tête. Ce dernier, qui incarne le professeur et conseiller d’État Sigélius, est d’une obséquiosité aussi drôlatique qu’effarante. Même en version audio, on le visualise parfaitement sautillant et frémissant lorsqu’il déclame au Maréchal son inénarrable éloge filant la métaphore médicale.

Cette pièce est d’une modernité étonnante et sa traduction n’y est sans doute pas étrangère. Naturellement, le mérite principal en revient cependant à l’immense talent et à la clairvoyance de son auteur. Dans un pays qui n’est jamais cité, nous assistons à l’arrivée d’une pandémie mortelle venue de Chine dont les victimes sont exclusivement les personnes de plus de 45-50 ans. Le monde entier est lancé dans une course à la découverte d’un remède, souvent pour la gloire que cela apporterait au pays qui en aurait la primeur. Le nationalisme et les régimes autoritaires sont en effet largement dénoncés par Karel Čapek.

L’éthique médicale est mise en balance avec les intérêts politiques et personnels des puissants, souvent âgés donc particulièrement menacés mais convaincus d’être inatteignables. Dans la population, certains voient dans cette pandémie une bénédiction qui leur permet de grimper les échelons dans la hiérarchie de leur entreprise grâce au décès de leurs collègues. Les jeunes ne sont pas rares non plus à se réjouir de pouvoir enfin trouver du travail, un logement …

Quant à la guerre utilisée comme moteur de l’unité nationale, voilà qui nous rappelle naturellement une actualité tragique qui semble devoir se répéter sans fin. Visionnaire, grinçante, cette pièce est ici adaptée avec brio. En créant une atmosphère aussi réaliste que tendue, la musique originale de Sébastien Quencez et les bruitages de Sophie Bissantz excellent à souligner la force du texte.

Cette remarquable adaptation en 4 épisodes de 25 minutes m’a permis de découvrir un texte frappant, à l’écriture ciselée, que je ne peux que vous recommander.

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Japon Romans

La tombe des lucioles – Nosaka Akiyuki

Traduction du japonais par Patrick de Vos – Illustrations de Nicolas Delors – Éditions Philippe Picquier

Le titre de cette novella vous dit peut-être quelque chose. Et pour cause : elle a inspiré au réalisateur Isao Takahata un célèbre film d’animation sorti en France à la fin des années 1990 sous un titre légèrement différent : Le tombeau des lucioles. Je ne l’ai toujours pas vu, ma petite âme sensible craignant de ne pas s’en remettre ;-D J’ai naïvement pensé que passer par le texte original serait moins bouleversant… Eh bien, c’était raté. Mais au moins, je pense maintenant pouvoir regarder le film sans m’effondrer totalement (puisque c’est déjà fait) !

En 80 petites pages accompagnées ici de très belles illustrations de Nicolas Delort, l’écrivain Nosaka Akiyuki s’inspire sa propre expérience pour nous raconter les deux mois de la vie du jeune Seita qui suivent le bombardement de sa ville. Son dévouement et son amour pour sa petite sœur Setsuko illuminent ce roman qui décrit par ailleurs des réalités absolument terribles. Certaines personnes se montrent généreuses et révèlent le meilleur d’elles-mêmes dans ces moments difficiles, d’autres dévoilent au contraire leur mesquinerie et leur égoïsme.

Les deux premières pages m’ont, je l’avoue, fait craindre de ne pas accrocher à cette lecture car l’auteur emploie un phrasé particulier qui peut désarçonner. Rapidement, l’écriture est cependant devenue plus fluide et j’ai été emportée par l’histoire de Seita et Setsuko que j’ai lue d’une traite.

Ce livre est classé au rayon « jeunesse » de ma médiathèque, mais je le réserverai à un lectorat de 12 ou 13 ans au plus tôt parce que ce récit est particulièrement dur. Les événements sont relatés sans fard et les émotions n’en sont que plus fortes. Le destin des orphelins de guerre mérite d’être mieux connu et Nasako Akiyuki y contribue ici de magnifique manière.

PS : Pour découvrir des nouvelles et novellas du monde entier, rendez-vous chez Je lis, je blogue pendant tout le mois de janvier.

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Croatie Romans

Le collectionneur de serpents et autres nouvelles – Jurica Pavičić

Traduction du croate par Olivier Lannuzel – Agullo Éditions

De Jurica Pavičić, j’ai déjà lu il y a quelques mois l’excellent roman policier L’eau rouge (mon avis sur Babelio est à retrouver ici). J’ai très vite repéré son recueil de nouvelles au titre mystérieux : Le collectionneur de serpents. Dans ces 5 récits, l’auteur aborde des destins individuels dans lesquels la guerre n’est jamais loin et se trouve même parfois au centre de l’intrigue.

La nouvelle éponyme est pour moi l’une des plus poignantes. Elle montre toute la banalité et le tragique du quotidien des soldats en temps de guerre, et surtout l’absurdité de voir de jeunes hommes arrachés à leurs vies pour aller affronter leurs voisins et vivre des atrocités. Ceux qui en reviennent ne seront évidemment plus jamais les mêmes, à commencer par le collectionneur de serpents.

La seconde nouvelle, Le tabernacle, m’a presque autant bouleversée que la première. Niko apprend un matin la mort de l’occupant de l’appartement familial qu’il a lui-même dû quitter à l’adolescence. Le partage des appartements était monnaie courante sous Tito et le locataire imposé à sa famille n’a jamais pu être délogé. Son décès permet enfin à Niko de revenir dans les lieux. Il y fait alors une étrange découverte qui l’ébranlera.

La patrouille sur la route retrace les destinées opposées de deux frères amoureux de la même femme. Une fois démobilisés, ils vont se retrouver chacun d’un côté de la loi : l’un gendarme, l’autre voleur. Tout cela risque évidemment de mal finir…

Les relations familiales sont elles aussi au cœur de La soeur. Si la guerre est plus lointaine dans cette nouvelle, elle explique en partie les liens distendus entre Margita et sa sœur, qui vit à Belgrade depuis de nombreuses années. Je l’ai trouvée plaisante à lire et juste dans l’analyse des sentiments, mais elle m’a moins touchée et me laisse un souvenir plus vague que les autres nouvelles du recueil.

Les lendemains de la guerre reviennent en force dans Le héros, le récit qui clôt le livre. Jurica Pavičić y crée une atmosphère digne d’un western : un personnage taiseux et solitaire vient travailler dans un village littéralement enroulé sur lui-même et largement laissé à l’abandon. Cet homme est-il bien celui qu’il prétend être ? J’ai été tenue en haleine jusqu’au bout par cette nouvelle qui fait ressurgir des événements très médiatisés des années 2000.

En résumé, je ne peux que conseiller ces très, très bonnes nouvelles de ce formidable auteur qui mêle avec talent récits intimes et histoire de son pays. D’ailleurs, son 2e roman policier, La femme du 2e étage, figurera sans aucun doute dans ma PAL 2024.

Aifelle et Kathel vous conseillent aussi ce recueil, lu pour Les Bonnes nouvelles également.

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Classiques français Romans

L’homme qui plantait des arbres – Jean Giono

Sur une belle idée d’Ingannmic, la blogosphère littéraire est invitée aujourd’hui à une lecture commune (LC pour les initié(e)s) autour de Jean Giono. De lointains souvenirs plutôt mitigés me sont revenus et j’étais curieuse de vérifier si les années passées depuis ma lecture de Regain ou de Colline me permettraient de davantage apprécier cet auteur.

Je n’avais pas été insensible à la beauté de la plume de Giono, je m’étais juste ennuyée. J’avais même abandonné avant la fin Le hussard sur le toit qui promettait pourtant plus d’action… Bref, pour cette LC, j’ai joué la sécurité et choisi une œuvre très courte : L’homme qui plantait des arbres. Je l’ai trouvé au rayon jeunesse de ma bibliothèque, dans une édition « collège » (destinée plus précisément à la classe de 5e) comprenant l’intégralité du texte et un dossier d’étude.

Le texte se prête en effet très bien à une étude scolaire ou à une lecture dès la fin de primaire : il est très court (15 pages !), aborde des sujets qui peuvent intéresser la jeunesse tout en la plongeant dans une époque et un mode de vie très lointains pour eux (et même pour nous), dans un style à la fois accessible et très poétique. Car, incontestablement, Jean Giono est un excellent conteur et un poète aussi bien par sa manière d’observer le monde qui l’entoure que par sa très belle écriture.

J’ai donc pris plaisir à découvrir ici l’histoire d’un certain Elzéard Bouffier, un berger provençal auteur d’un petit miracle écologique. Dans cette nouvelle, Giono évoque sa rencontre (en fait purement fictive) avec cet homme qu’il nous rend très réel à force de détails concrets. Le message est très beau : par la seule force de sa persévérance, un homme seul aurait planté des milliers d’arbres et fait revivre une région asséchée et désolée. Et la forme est charmante elle aussi : Giono livre une sorte de conte moderne dans lequel « plus de dix mille personnes doivent leur bonheur (…) à un vieux paysan sans culture ». On ressent l’amour de l’auteur pour la nature et pour sa région en particulier, tout comme son aversion pour la guerre qu’il évoque à plusieurs reprises et dont on sent qu’il aurait aimé pouvoir s’abstraire, comme le fait son personnage.

Alors (re)lirai-je d’autres œuvres de Giono à l’avenir ? Pour être honnête, je l’ignore ! Avec un texte si court, l’ennui n’a pas eu le temps de pointer son nez, mais qu’en serait-il d’un roman plus conséquent ? Le côté poétique qui peut avoir tant de charme peut malheureusement aussi avoir un effet soporifique assez puissant sur moi… Les contributions des lectrices et lecteurs qui participent à cette LC spéciale Giono m’aideront peut-être à décider si je tente à nouveau l’expérience (ou pas !).

PS : Toujours au rayon jeunesse, ma médiathèque propose une lecture audio de cette courte nouvelle par l’excellent Jacques Bonnaffé. Une autre manière de découvrir ce texte (environ 30 minutes d’écoute, parfait pour initier des enfants à l’audiolivre).