Catégories
BD et romans graphiques

Malgré tout – Jordi Lafebre

Traduction de l’espagnol par Geneviève Maubille- Éditions Dargaud

Cette bande dessinée m’attendait depuis plusieurs semaines, mais elle avait fini submergée par d’autres ouvrages. C’est en la revoyant chez Petite plume que j’ai réalisé qu’elle était signée par un auteur espagnol et pouvait donc me permettre de m’associer une nouvelle fois au challenge du Mois espagnol et sud-américain orchestré par Sharon tout en réduisant ma PAL. Cerise sur le gâteau, Malgré tout est un régal !

Pétillante, drôle et émouvante, cette BD repose notamment sur une construction originale puisqu’elle commence par la fin ! Le récit est découpé en 20 chapitres qui retracent la vie de ses deux protagonistes, Ana, pimpante maire de sa ville pendant de nombreuses années, et Zeno, baroudeur aux mille casquettes (au sens figuré !). Plusieurs années séparent chacun des épisodes et on découvre petit à petit les ressorts de cette histoire d’amour à rebours qui court sur plusieurs décennies.

Ce choix d’un récit qui commence par la fin n’est pas un simple effet de style : cela ajoute bien sûr du suspense, même si cela peut sembler paradoxal puisqu’on sait dès le début comment va finir l’histoire. Mais l’auteur prouve surtout que la fin n’est pas toujours l’essentiel et que le chemin qui y mène est tout aussi passionnant. Car en remontant le temps, on comprend mieux les choix et les parcours d’Ana et de Zeno, et ce qui pourrait être tragique ou douloureux est adouci par le temps écoulé. Et la fin n’en est d’ailleurs pas vraiment une, elle a tout d’un nouveau départ…

Le dessin communique une belle énergie : les personnages y sont très expressifs, virevoltants, et croquent la vie à pleine dent. Les couleurs m’ont beaucoup plu également. Les teintes dominantes varient suivant les chapitres ou les personnages, sans nous perdre ou nous faire saturer visuellement. Quant à la couverture, je la trouve totalement à l’image du récit : tendre, romantique et hors du temps.

Pour découvrir un extrait de cette pépite, c’est ici : https://www.dargaud.com/bd-en-ligne/malgre-tout/9781/1e69080fc3183fcd4ec0a2b4405667cd

Catégories
Espagne Romans

Du givre sur les épaules – Lorenzo Mediano

Traduction de l’espagnol par Hélène Michoux – Éditions Zulma poche

Il y a du Roméo et Juliette là-dedans, mais aussi une atmosphère de Far West : une histoire d’amour empêchée, un héros mi-Zorro, mi-Spartacus, une nature hostile qui peut aussi être un refuge, des propriétaires terriens cupides et défendant farouchement leur pouvoir… Du givre sur les épaules se dévore comme un récit d’aventures et résonne comme un conte universel.

Dans une bourgade perdue des Pyrénées espagnoles où l’on vit – péniblement – de l’élevage de moutons et de l’agriculture, le jeune Ramón et la gracile Alba tombent amoureux. Sous la plume de Lorenzo Mediano, ce récit ancestral a des airs de western spaghetti. Le surnom donné à Ramón (Desperado), l’atmosphère du roman et de nombreuses scènes évoquent en effet immanquablement les films de Sergio Leone, humour compris.

« D’un geste presque imperceptible, Ramón fit s’arrêter ceux qui le suivaient et avança avec sa mule vers Don Mariano qui serrait convulsivement son fusil anglais. Ils se retrouvèrent face à face, leurs yeux se fixant dans une colère glaciale. Ramón saisit alors sa houlette de berger, qui pendait du bât de la mule, la rompit d’un coup sec sur sa jambe et la jeta par terre. Il s’écria : « Je ne suis plus berger ! » Avec cela, il voulait dire bien des choses. »

L’auteur confie la narration à l’instituteur du village, l’un de seuls lettrés des lieux, exilé pour des raisons politiques (l’histoire se déroule quelques années avant la guerre civile espagnole). À la manière d’un conteur, celui-ci multiplie les digressions pour retarder le moment du dénouement. Grâce à des retours en arrière, des épisodes comiques et des apartés sur les différents personnages, le suspense est adroitement entretenu et tient le lecteur en haleine.

Qu’il s’agisse de décrire les réalités les plus crues, de faire rire avec des personnages hauts en couleur ou de créer un climat de tension, Lorenzo Mediano est parfaitement à son affaire. Ce court roman est un petit bijou !

Si vous hésitez encore, lisez l’extrait (presque 20 pages) que l’éditeur met librement à disposition ici : https://www.zulma.fr/wp-content/uploads/givre-epaules-Extrait.pdf Et n’oubliez pas de me dire ce que vous en aurez pensé !

Cette petite chronique est ma contribution au Mois espagnol et sud-américain organisé par Sharon. Pendant tout le mois de mai, des lecteurs et lectrices averti(e)s partageront leurs impressions sur une foule de romans en espagnol et en portugais. Buen viaje/boa viagem à toutes et tous !