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France Romans

Des nouvelles de Maupassant – podcast France culture

Adolescente, j’ai détesté Le Horla et énormément aimé Bel-Ami. Autrement dit, Maupassant, ça passe ou ça casse chez moi… Or, l’an dernier, deux billets de Patrice du blog Et si on bouquinait un peu ? m’ont donné envie de redonner une chance à cette « petite crapule de Maupassant ». Et quelle meilleure occasion que les Bonnes nouvelles organisées par Je lis, je blogue ?

J’ai légèrement rusé en optant pour une adaptation en « lecture spectacle » diffusée en 2019 sur France culture et astucieusement intitulée « Des nouvelles de Maupassant ». Une autre adaptation et deux lectures plus classiques complètent cette série de podcasts à retrouver ici.

Verdict après ce premier épisode (qui est en fait le 4e de la série) : J’ai adoré ! Pour une fois, je commencerai par la fin, enfin plus exactement par la dernière nouvelle, qui m’a totalement emballée : Dans Au bord du lit, un mari jaloux et volage (l’un n’empêche visiblement pas l’autre) est pris à son propre piège de manière très inventive par nulle autre que sa fidèle épouse. C’est jubilatoire au plus haut point (Marie-Sophie Ferdane dans le rôle de l’épouse est fabuleuse). Les autres nouvelles (Garçon, un bock ; Le signe ; Fou ? ; Confessions d’une femme ; En mer), sont plus sombres, et souvent très sensuelles. La violence peut y être souterraine ou y éclater, et il est question de jalousie, d’infidélité, et de multiples pulsions humaines pouvant aller jusqu’à la folie (Le Horla n’est jamais bien loin 😅).

C’est toujours un immense plaisir de retrouver la belle langue des classiques. La mise en scène et le jeu des comédiennes et comédiens ne sont pas pour rien dans mon enthousiasme à propos de ce podcast. On entend chaque respiration, soupir, et on est complètement sous tension jusqu’au dénouement de chacune de ces histoires. Bref, j’ai eu l’impression d’être au théâtre même s’il manquait l’image. Sur ce point, nul regret d’ailleurs, car cela m’a permis de me concentrer sur le texte, aux dialogues brillants, et sur l’ambiance si particulière des feuilletons radiophoniques dont je raffole : des pas sur le parquet, une chaise qu’on tire, une pipe qu’on allume… L’écoute au casque est fortement recommandée !

Vous l’avez compris, j’ai en ligne de mire les 3 autres épisodes de ce cycle consacré à un nouvelliste hors pair qu’il fait bon (re)découvrir. D’ailleurs, Géraldine ne disait pas autre chose il y a quelques jours en parlant des Chroniques cauchoises.

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Romans Tchéquie

Vivre avec une étoile – Jiří Weil

Traduction du tchèque par Xavier Galmiche – Éditions Denoël

Suite à une recommandation d’Anne-Yès, j’ai lu Vivre avec une étoile, roman du Tchèque Jiří Weil, à l’occasion de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Un roman à mettre entre toutes les mains, qui vient en plus d’être réédité (cf. le récent article de Passage à l’Est).

Vous vous en doutez, cette lecture n’a pas été légère et m’a laissée, pour dire franchement les choses, véritablement accablée. Aucun regret cependant, lire de tels romans est une importante et précieuse piqûre de rappel. Comme le dit son titre, il s’agit ici de la vie d’un Juif dans une ville (que l’on devine être Prague) occupée par les Nazis et sous le coup de lois antisémites de plus en plus virulentes, jusqu’aux départs des convois. Si le roman ne parle pas de la vie dans les camps, il n’en est pas moins bouleversant et révoltant.

Son personnage, Josef Roubíček, vit seul et misérablement dans une maison qui fuit, impossible à chauffer (et avec quoi la chauffer quand on n’a plus le droit d’acheter de charbon ?). Il n’a gardé que quelques livres, se réjouissant de ce qu’« Ils » ne pourront rien lui prendre lorsqu’« Ils » viendront le chercher. Seule source de réconfort dans son maigre abri : un chat errant qui s’installe au mépris des lois nazies interdisant aux Juifs de posséder un animal domestique.

Pendant le premier tiers du roman, j’ai eu très envie de secouer Josef pour qu’il tente de s’enfuir, même s’il est déjà tard pour ça : son apathie est irritante car on sait ce qui va se passer et qu’on veut lui éviter ce terrible sort. Il se réfugie dans ses souvenirs, mettant à distance la réalité de sa situation de plus en plus sombre. Et peu à peu, on se retrouve englué avec lui dans la bêtise crasse et la cruauté des mesures qui s’accumulent, dans les drames qui se multiplient autour de lui et qu’il raconte d’un ton léger, comme détaché, ajoutant encore au tragique de la situation. On comprend de l’intérieur la déshumanisation, l’annihilation de la volonté humaine, et c’est évidemment très éprouvant. En ne nommant jamais directement ni les Nazis, ni les Juifs, Jiří Weil rend d’ailleurs son propos encore plus universel pour dénoncer le racisme, l’intolérance et l’oppression quelles qu’en soient les cibles.

Les moments d’une relative légèreté, lorsque la vie d’avant ressurgit le temps d’une rêverie ou d’une vraie cigarette, sont rares, tout comme les personnes qui tendront la main à Josef (main qu’il est souvent incapable de saisir). La ville vit sous une chape de plomb permanente, l’eau et l’air y sont sales, tout est gris. Et je ne parle même pas des nombreuses scènes qui déchirent le cœur : les anecdotes racontées par les fossoyeurs juifs, les derniers mots avant leur départ des – pourtant détestables – oncle et tante de Josef, le moment où Josef s’offre un miroir de poche…

Vous l’avez compris, il faut bien choisir son moment pour lire ce roman sobrement mais très élégamment écrit et d’une grande intelligence. Un indispensable.

Jusqu’au 3 février, retrouvez des chroniques littéraires autour de la Shoah recensées chez Nathalie, sur le blog Chez Mark et Marcel. À noter : Sandrine et Patrice ont lu ce roman eux aussi pour ce rendez-vous. N’hésitez pas à lire leurs avis !

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États-unis Romans

39 bonnes raisons de transformer des obsèques hawaiiennes en beuverie – Kristiana Kahakauwila

Traduction de l’anglais (Hawai’i) par Mireille Vignol – Au vent des îles

À 2 reprises déjà, je vous ai parlé de publications de la précieuse maison d’édition Au vent des îles spécialisée dans la littérature du grand Pacifique et dans les ouvrages relatifs à l’Océanie. Après les romans néo-zélandais Bones bay et La baleine tatouée, ce sont d’excellentes nouvelles venues de Hawai’i que j’ai pu lire sur les conseils avisés de Kathel et Sunalee.

Il y a quelques éditeurs dont les livres offrent un grand plaisir de lecture mais aussi de bibliophile : couverture souple mais suffisamment épaisse, belle charte graphique et choix de la couverture extrêmement soigné, papier de qualité et police de caractère aussi sobre qu’élégante… Je pense en particulier aux Argonautes et au Vent des îles qui réalisent un travail d’amoureux de l’objet-livre. Ces nouvelles hawaiiennes ne font pas exception et les coqs qui figurent sur la couverture ont bien entendu un lien avec l’une d’elles (ma préférée, je crois) : Wanle est une jeune coqueleuse qui a été formée à cet art de dresser les coqs au combat par son père, victime d’un meurtre et qu’elle entend venger.

Dans cette nouvelle comme dans les 5 autres, Kristiana Kahakauwila explore avec brio la complexité de la société hawaiienne. La route de Hana, qui met en scène un jeune couple en vacances, est très révélatrice des tensions qui peuvent surgir même lorsque l’on pense que l’origine n’a pas d’importance. Le contraste, mais aussi les points communs entre les touristes et la population locale sont au cœur de la première et tragique nouvelle intitulée C’est le paradis. La difficulté à vivre ouvertement son homosexualité, la vie de paniolo (cow-boy), la famille hawaiienne avec ses bons et mauvais côtés, la délinquance voire le crime organisé, tous ces aspects viennent contrebalancer l’image idyllique de ces îles du Pacifique qui est pourtant réelle aussi.

En bref, je ne peux que vous recommander ce recueil pour découvrir :

  • l’envers du décor de Hawaii
  • une très belle traduction de Mireille Vignol (qui a dû ruser pour rendre le pidgin local en français, et c’est une réussite)
  • le travail d’une maison d’édition fondée à Tahiti il y a 30 ans
  • une jeune autrice très talentueuse.

C’était une nouvelle participation aux Bonnes nouvelles, un rendez-vous organisé par Je lis, je blogue pour mettre en lumière ce genre littéraire que j’adore. Merci à elle !

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Norvège Romans

De la jalousie – Jo Nesbø

Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier- Éditions Gallimard

Recommandé par Je lis, je blogue lors de son rendez-vous des Bonnes nouvelles l’an dernier, De la jalousie m’a permis d’enfin lire le maître du polar norvégien, j’ai nommé Jo Nesbø. Plusieurs des nouvelles qui composent ce recueil sont de vrais coups de cœur pour moi !

Jo Nesbø s’avère un conteur extrêmement habile qui sait varier les registres et les contextes, sans oublier de manier un humour assez grinçant. Dans ce recueil, il nous plonge dans les méandres de la jalousie (le plus souvent amoureuse) et se régale visiblement à aborder des sujets très éclectiques allant de l’ego des écrivains à la pratique de l’escalade.

« Je suis toujours attiré par ce qui me rejette, m’exclut. Les récits auxquels on ne peut pas se fier. Les femmes. Les problèmes de logique. Le comportement humain. Les affaires de meurtre. Tout ce que je ne comprends pas. Je suis un homme à l’intellect limité mais à la curiosité infinie, combinaison souvent frustrante, hélas. »

Situées en Grèce, en Norvège ou dans un avion entre les États-Unis et Londres, ces 6 nouvelles sont toutes racontées à la première personne et nous mettent dans la peau d’une vendeuse dans le métro, d’un policier, d’un éboueur, d’un écrivain ou encore d’un chauffeur de taxi. Grâce au talent de l’auteur, chacune de ces voix et de leurs histoires est extrêmement crédible. Mes textes préférés sont sans aucun doute Londres, dans laquelle il est question de faux suicide assisté, et Déchets, où au fil d’une conversation avec son collègue lituanien qui était psy dans une autre vie, un éboueur impulsif s’interroge sur sa potentielle amnésie traumatique. Phtonos, la plus longue, m’a beaucoup plu également, mais une partie de l’intrigue avait un air de déjà-vu. Les 3 autres nouvelles sont d’excellente facture elles aussi et je peux donc sans réserve conseiller ce recueil aux lecteurs et lectrices qui apprécient les romans noirs, ou simplement les bonnes histoires.

Une nouvelle participation aux Bonnes nouvelles, un challenge qui court pendant tout le mois de janvier.
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Romans Tibet

Neige – Pema Tseden

Traduction du tibétain par Françoise Robin et du chinois par Brigitte Duzan – Éditions Philippe Picquier

Cinéaste et écrivain, le Tibétain Pema Tseden est notamment connu dans son pays pour ses nombreuses nouvelles inspirées de légendes traditionnelles ou de situations très contemporaines. Le recueil Neige présente 7 de ses récits : les 3 premiers ont été traduits du tibétain et les 4 derniers du chinois. L’éditeur a choisi de les présenter dans cet ordre qui correspond à l’évolution linguistique et stylistique de l’auteur.

Avec de la littérature tibétaine, le dépaysement était garanti ! Et je n’ai pas été déçue. Paysages imposants, froid himalayen, lamas réincarnés et moult bergers, tout y est. Mais Pema Tseden détourne vite ces clichés pour montrer un Tibet bien plus complexe que ces images de carte postale. Le style est sobre et non dénué d’humour, et ces textes de longueurs diverses se lisent très facilement. En revanche, j’ai parfois été décontenancée par leur chute. Qui n’aime pas les nouvelles me dira que c’est justement ce qui pèche souvent dans ce genre littéraire, mais adorant les nouvelles, ce n’est pas ce qui m’a posé problème. Je pense plutôt que certaines références m’échappent et que la culture tibétaine m’est trop étrangère pour tout saisir.

Pour autant, j’ai été ravie de ce voyage. Certaines nouvelles, Neige (qui a donné son titre au recueil), L’interview d’Akhu Thöpa et Tharlo, m’ont vraiment beaucoup plu et les autres sont intéressantes même si je n’y ai pas toujours tout compris 😆.

Je serais maintenant curieuse de voir les films de Pema Tseden, dont certains sont des adaptations de ses nouvelles. Un petit article sur son travail de scénariste, réalisateur et producteur vous en dira plus ici. Si le cœur vous en dit, les éditions Picquier ont par ailleurs publié un autre recueil de nouvelles signé Pema Tseden : J’ai écrasé un mouton.

Ce billet constitue ma première participation au challenge des Bonnes nouvelles 2025 chez Je lis je blogue.

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À propos Challenges et LC

Rentrée à l’Est – Bulgarie

Bonne année à toutes et à tous ! Qu’elle soit riche en lectures📖 , en coups de cœur ❤️, en découvertes et en agréables surprises littéraires🤩.

Comme je vous l’ai annoncé en octobre dernier, la Rentrée à l’Est aura pour destination la Bulgarie 🇧🇬 en cette année 2025. Sachant qu’il pourrait s’avérer compliqué de trouver (surtout en bibliothèque) des ouvrages traduits du bulgare ou se déroulant en Bulgarie, c’est avec plusieurs mois d’avance que je mets à disposition cette liste de suggestions 📋. N’hésitez pas à me signaler des liens que j’aurais omis.

  • Odyssée des filles de l’Est, Les cosmonautes ne font que passer (Keisha, Sunalee) d’Elitza Gueorguieva
  • Nucléus (Allylit), Vertige de l’eau, Eremia, de Zinaïda Polimenova
  • Physique de la mélancolie, Le pays du passé (Fanja, Allylit), Tous nos corps (Passage à l’Est), Un roman naturel, L’alphabet des femmes, Là où nous ne sommes pas, de Gueorgui Gospodinov
  • Wunderkind de Nicolai Grozni
  • Le Prix Nobel (polar) d’Elena Alexieva
  • La barbe de bouc, Les récits de Tcherkaski (Keisha), Janvier, L’herbe folle, Les cours obscures de Yordan Raditchkov
  • Sept kilos de camomille de Rumjana Zacharieva
  • Ballade pour Georg Henig (Patrice, Passage à l’Est, chez moi) ; Allemagne, conte obscène (Livr’escapades) de Viktor Paskov
  • Les cent frères de Manol, L’épopée du livre sacré d’Anton Dontchev
  • Carnets de la Strandja (Miriam) d’Alexandre Lévy
  • L’homme surveillé de Vesko Branev
  • Quelque part dans les Balkans de Sevda Sedan
  • Les doux d’Anguel Igov
  • Les Ours dansants. De la mer Noire à la Havane, les déboires de la liberté (Passage à l’Est) de Witold Szabłowski
  • Mission Londres d’Alek Popov
  • Moi, Anne Comnène (Passage à l’Est) ; Le prince errant (Passage à l’Est) de Vera Moutaftchieva
  • Sous le monastère de Klissoura d’Elin Pelin
  • Le roi d’argile de Dobromir Baitchev
  • Vierge jurée de René Kabarash
  • Baï Ganiou. Récits incroyables sur un Bulgare contemporain d’Aleko Konstantinov
  • Oublier Bucarest de Victor Ieronim Stoichita
  • Vous trouverez également quelques pistes sur ce blog créé par Marie Vrinat-Nikolov, grande traductrice et passeuse de littérature bulgare : Écrivains de Bulgarie.

Et enfin, un petit article pour vous convaincre de découvrir cette littérature qui reste encore bien trop dans l’ombre : https://www.courrierdesbalkans.fr/Blog-o-la-litterature-bulgare-grande-meconnue-dans-l-UE

Je vous donne rendez-vous du 15 au 30 septembre prochain !

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famine Romans Suède

Au pays (La saga des émigrants I) – Vilhelm Moberg

Traduction du suédois par Philippe Bouquet – Gaïa Éditions (Livre de poche)

L’éditeur parle d’une « épopée de gens ordinaires », et c’est exactement ça. Au milieu du 19e siècle, des paysans vont prendre le chemin de l’Amérique du Nord dans l’espoir d’une vie meilleure. À partir d’un matériau sociologique et historique très solide, Vilhelm Moberg tisse une authentique saga, avec des personnages forts, du drame, du suspense, de l’humour et de l’aventure, mais aussi une grande sobriété.

Parmi le million de personnes qui ont quitté la Suède entre 1850 et 1914, nous nous attachons aux pas de :

  • Karl Oskar et Kristina qui veulent pouvoir nourrir leurs enfants et même, soyons fous, leur donner la possibilité d’une vie moins dure
  • Robert qui veut échapper à la servitude et assouvir sa curiosité du monde
  • Arvid qui veut échapper à la réputation qui le poursuit et le condamne à une vie d’humiliations et de solitude
  • Danjel, qui prône un Réveil religieux, et ses adeptes qui veulent échapper aux foudres de la toute puissante Église de Suède
  • et Jonas Petter le bavard, qui veut échapper à celles de sa femme !

Les motivations sont donc très diverses et on mesure le courage et la détermination, parfois aussi l’inconscience, que leur émigration a pu demander à ces pionniers. Car les informations sur l’Amérique étaient pour le moins rares, tenant de la légende dorée (l’or y pousserait comme le blé) ou dépeignant le Nouveau continent comme l’antichambre de l’enfer (il serait peuplé uniquement de sauvages, de criminels et de dépravés). Sans oublier que la traversée était périlleuse et le retour impossible.

Image par RoadMom4Ts de Pixabay

J’ai été frappée par la modernité des personnages, à commencer par le couple formé par Karl Oskar et Kristina. Bien sûr, compte tenu de l’époque, la répartition des rôles est claire, mais la sensibilité de Karl Oskar, la relation au sein du couple et avec ses enfants, ou encore les questionnements de Kristina (sur ce qu’on appellerait aujourd’hui le droit à disposer de son corps) sont présentés de manière très contemporaine (sachant que ces romans ont été écrits dans les années 1950, c’est encore plus remarquable). Le poids de la religion (luthérienne) et son rôle dans l’ordre social sont par ailleurs très marqués : le 4e commandement (tu obéiras à ton père et ta mère) est considéré comme la loi suprême déterminant aussi que le valet obéit au maître, l’individu à l’Église, le sujet au roi. Le pasteur ne se contente donc pas de délivrer ses sermons à la messe, il va de ferme en ferme vérifier que chacun et chacune sait son catéchisme (et donc « qui est le patron »). Et quand un valet de ferme fuit son maître, ce sont à la fois le gendarme et le pasteur qui le recherchent pour le remettre dans le droit chemin.

Pour le pasteur, « il était de plus en plus évident que les progrès de l’instruction étaient, dans l’ensemble, néfastes pour le commun des mortels, qui n’était pas capable d’en faire bon usage. Plus nombreux étaient les gens sachant lire, plus nombreux étaient aussi les hérésies, les désobéissances et les comportements récalcitrants. (…) Le peuple avait besoin de se sentir guidé par une main paternelle et le premier devoir de tout maître spirituel était d’implanter dans l’esprit de chacun l’idée que l’ordre établi l’avait été selon la volonté de Dieu et ne pouvait être modifié sans Son consentement. Le fondement ultime de la permanence de la société et de l’ordre public était la concorde religieuse. »

Plus d’idées de lectures scandinaves sont à retrouver chez Céline.

J’avais noté cette idée de lecture suite à une recommandation enthousiaste de Patrice et j’ai eu la chance d’en trouver le premier tome dans une boîte à livres. Anne-Yès m’avait dit l’avoir beaucoup aimé elle aussi et je partage totalement leur enthousiasme après l’avoir refermé (à regret, mais avec l’heureuse perspective des 4 tomes restants). Ne passez pas à côté de cette grande et belle saga !

PS : Cette série de romans été adaptée au cinéma avec, excusez du peu, Max von Sydow dans le rôle de Karl Oskar et Liv Ullmann dans celui de Kristina. Son premier volet (Les émigrants) a reçu l’Oscar du meilleur film étranger en 1972.

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Pologne Romans

Les cœurs endurcis – Martyna Bunda

Traduction du polonais par Caroline Raszka-Dewez – Éditions Noir sur blanc

Rozela, Gerta, Truda, Ilda sont les héroïnes de Cœurs endurcis. Un titre trompeur : Elles ont toutes le cœur tendre, et le garderont envers et contre tout, même si elles affronteront plus que leur lot de problèmes et de malheurs. Impossible de ne pas s’attacher à cette petite famille clairement dominée par les femmes.

Dans l’entre-deux-guerres, Rozela perd son mari et élève seule ses filles dans sa maison de la Colline-aux-vierges. Pendant la guerre, elle abrite une famille juive puis des évadés français dans sa cave, travaille dur pour nourrir ses filles. Elle gardera une haine farouche des Allemands et une terreur absolue des Russes. Le temps passe, les filles grandissent, Gerta et Truda se marient, Ilda rencontre un artiste aussi fascinant que manipulateur, des enfants naissent – ou pas -, et l’Histoire de la Pologne se dessine en toile de fond : surveillance par la milice, arrestations et détentions « épuratives », pénurie de logements, système D, émeutes, passage à l’Ouest…

Encore une saga familiale sur fond historique, me direz-vous. Certes, mais ce serait oublier la plume virevoltante et pleine d’humour de l’autrice (l’anecdote des cochons à frange noire est formidable), ce qui n’empêche pas l’émotion d’être au rendez-vous. En nous racontant cette belle histoire de sororité et d’amour filial, Martyna Bunda rend un hommage appuyé à toutes les femmes qui luttent chaque jour contre l’adversité, les injonctions sociales, leurs propres démons et contre la bêtise et la cruauté de certains hommes.

Ève-Yeshé et La barmaid aux lettres ont aimé elles aussi.

PS : Vous pouvez découvrir un extrait de ce roman sur le site de la maison d’édition.