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Estonie Romans

L’énigme de Saint-Olav – Indrek Hargla

Traduction de l’estonien par Jean-Pascal Ollivry – Éditions Babel noir

Pour clore cette première édition de la Rentrée à l’Est, c’est – exceptionnellement – un invité qui vous livre sa chronique. En la lisant, j’ai découvert que le roman en question était compatible avec les lectures urbaines proposées chez Ingannmic et Athalie. Double merci 🙏🙏 donc à mon chroniqueur du jour à qui je laisse à présent la parole :

Je ne suis pas un grand lecteur de romans (en tout cas, je suis beaucoup, mais alors beaucoup moins insatiable dans ce domaine que Sacha), et encore moins de polars. Mon truc, ce sont plutôt les littératures de l’imaginaire, sans doute car j’ai un petit faible pour tout ce qui est complètement déconnecté de nos références habituelles (j’ai aussi un faible pour ce qui est historique, pour les mêmes raisons).

Voyant que je calais sur la lecture de Métal de Janis Jonevs malgré mon goût pour le genre musical du même nom, Sacha a eu pitié de moi et m’a proposé d’écrire plutôt un billet sur L’énigme de Saint-Olav, d’Indrek Hargla. La perspective de lire un polar historique m’a remémoré mes très bons (et anciens) souvenirs du Cercle de la croix, de Iain Pears. C’est donc avec un a priori positif que j’ai accepté de me plonger dans cette première enquête de Melchior l’apothicaire.

Dans une Tallinn encore dominée en 1409 par l’ordre des Chevaliers teutoniques, un haut dignitaire de cet ordre est sauvagement assassiné. L’enquête menée dans ce roman par l’apothicaire de la ville nous invite à découvrir les grands acteurs de la vie sociale dans l’Estonie médiévale.

L’avant-propos de l’auteur a pour moi été pour beaucoup dans l’intérêt initial de l’histoire. En effet, l’enquête aurait été inspirée par les traces dans le registre du Conseil de Tallinn d’un fait divers similaire (l’assassinat d’un dignitaire teutonique) remontant justement à 1409. Cette utilisation de sources historiques pour créer une petite histoire dans la grande était clairement de nature à piquer mon intérêt. J’avais d’ailleurs adoré le roman Même pas mort de Jean-Philippe Jaworski, qui avait utilisé le même procédé.

Ne connaissant pas grand-chose à la société médiévale estonienne, je serais bien en peine de critiquer la rigueur historique du roman d’Indrek Hargla. Pour autant, il nous peint avec force détails la ville, son organisation, ses us et coutumes. Les relations qu’entretiennent l’ordre teutonique, le clergé et les différentes guildes sont également autant d’éléments mis en avant pour donner une épaisseur certaine au roman. Malheureusement, Hargla ne parvient pas à utiliser les 419 pages du livre pour donner assez de corps à ses personnages à mon goût. Melchior, l’apothicaire-enquêteur, semble pendant une bonne moitié du roman très lisse et trop plein de bons sentiments pour moi. Son relief et ses failles nous sont ainsi présentés bien tard, et les autres personnages, trop nombreux, ne parviennent pas à capter suffisamment la lumière pour qu’Indrek Hargla leur donne une véritable consistance.

En ce qui concerne l’enquête en elle-même, j’avoue humblement n’en avoir pas saisi les toutes dernières révélations. Le mode narratif de conclusion de l’enquête, qui rappelle quelque peu Agatha Christie mettant en scène la présentation par Hercule Poirot de ses trouvailles à la galerie de personnages au grand complet, ne m’a en effet pas permis de démêler tous les fils de l’écheveau. Je reste donc de ce point de vue clairement sur ma faim.

En résumé, il s’agit d’un roman qui, s’il est clairement un peu long, se laisse toutefois lire pour sa description vivante et détaillée de l’organisation d’une cité médiévale. L’Énigme de Saint-Olav n’est cependant pas un livre dont je garderai un souvenir impérissable.

Il s’agit du premier volume d’une série de 6 enquêtes, dont 3 ont été adaptées au cinéma… Peut-être ce format (le premier film dure 1h38) est-il plus adapté à la découverte des aventures de Melchior…

PS de Sacha : D’autres avis sont à lire chez Manou qui l’a lu pour cette Rentrée, mais aussi chez Fabienne et Patrice (dont je vous assure que mon chroniqueur n’avait pas lu le billet avant de rédiger le sien. Que voulez-vous, les grands esprits se rencontrent 😁).

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Littérature jeunesse

Voisins zinzins et autres histoires de mon immeuble – Piret Raud

Traduit de l’estonien par Jean-Pascal Ollivry – Éditions du Rouergue

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir un livre jeunesse né sous la plume de Piret Raud, autrice et illustratrice estonienne dont plusieurs titres sont publiés en France, en particulier par les Éditions du Rouergue. Assorti d’illustrations à la fois discrètes et très reconnaissables, Voisins zinzins et autres histoires de mon immeuble réunit une vingtaine d’historiettes évoquant les voisins de Taavi, petit garçon élevé par sa mère « qui n’est pas seule puisqu’elle est avec (lui) ».

Les habitants de cet immeuble forment une galerie de personnages plutôt originaux et permettent à Piret Raud de croquer des portraits tendres, lucides et souvent décalés tout en faisant passer de jolis messages. Il y a là des jumeaux tous deux prénommés Artur, un réfrigérateur colérique qui bout littéralement (et son contenu avec), un voisin perché dans un arbre, un autre qui cherche d’abord son peigne puis ses cheveux, un crocodile engagé dans une relation de couple toxique, une maman parfois abattue par une tristesse d’un gris qui envahit tout, etc.

Le format est parfait pour de jeunes lecteurs dès le CP puisqu’une histoire tient en quelques pages très aérées. Le fait que tous ces courts récits soient liés par un même narrateur donne le sentiment de lire plusieurs chapitres d’un même roman. C’est une excellente source de motivation pour les enfants qui seront sûrement amusés et épatés par certaines situations très inventives et poétiques, et c’est une belle initiation à l’art de la nouvelle et de sa chute.

En plus de la Rentrée à l’Est, ce billet participe aux lectures urbaines « Sous les pavés, les pages » organisé par Athalie et Ingannmic puisqu’il s’agit de la vie d’un immeuble et d’un quartier.

L’avis de Jostein est à lire ici : https://surlaroutedejostein.fr/2015/10/30/voisins-zinzins-de-piret-raud/

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BD et romans graphiques Finlande

Moi, Mikko et Annikki – Tiitu Takalo

Traduction du finnois par Kirsi Kinnunen – Éditions Rue de l’échiquier

Petite infidélité aux Feuilles allemandes aujourd’hui avec une BD dont la couverture m’a intriguée (j’ai flashé sur la police de caractère du titre, le choix d’un livre tient parfois à peu de choses ;-D). C’est seulement à la lecture que j’ai constaté qu’il était question de l’histoire d’un quartier et de ses habitant(e)s. Autrement dit, une lecture parfaite pour l’autre grand rendez-vous du mois de novembre : Sous les pavés, les pages proposé par Ingannmic et Athalie. L’autrice étant finlandaise, je peux en plus ajouter cet album au challenge autour des auteurs et autrices des pays nordiques qu’organise Céline.

L’artiste Tiitu Takalo retrace l’histoire du quartier d’Anniki à Tampere, en Finlande, de l’ère glaciaire (!) à aujourd’hui. Fait surprenant, en tous cas pour nous autres qui vivons au pays de la conservation du patrimoine : En 2014, 70 % du bâti en Finlande avaient moins de 30 ans ! Les maisons et édifices historiques sont donc une denrée rare et le quartier d’Annikki fait partie de ces exceptions. Et il a fallu une mobilisation citoyenne de longue haleine pour en préserver ne serait-ce qu’une toute petite partie.

L’idée de l’album est née de l’envie de chroniquer la lutte récente d’une communauté locale contre des projets d’urbanisme qui aimeraient faire table rase du passé. Mais l’autrice opère aussi de nombreux retours en arrière qui nous permettent de comprendre le développement de la ville. Elle donne beaucoup d’informations et la lecture demande parfois un peu de concentration mais c’est passionnant ! Il y a juste un ou deux passages qui m’ont paru sans rapport avec le reste et dont je n’ai pas bien compris ce qu’ils venaient faire là. Ça reste heureusement marginal et cette BD mérite vraiment d’être découverte, précisément pour l’aspect humain dans le développement urbain que Sous les pavés, les pages souhaite mettre en lumière.

Avec ce récit à la fois intime et collectif, Tiitu Takalo livre en creux le portrait d’un petit pays qui a longtemps été assujetti par ses grands voisins (Suède, Russie), qui n’est officiellement indépendant que depuis le 6 décembre 1917 et dont on connaît peu l’histoire. Alors si vous avez envie de mieux connaître « le pays aux mille lacs », cette BD peut être un très bon début.