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Mon beau cheval noir – Zhang Chengzhi

Traduction du chinois par Qiang Dong – Éditions Philippe Picquier

Vous savez ce que c’est : de nos jours, on ne peut plus échapper aux boutiques à la sortie des musées ou des expositions. Celle consacrée à Gengis Khan et à la Mongolie, toujours visible à Nantes, n’a pas fait exception même si sa boutique se résumait à deux tables, essentiellement recouvertes de livres. Évidemment, c’était trop tentant et je suis repartie avec deux petits romans, dont Mon beau cheval noir.

Son auteur, Zhang Chengzi, est ethnologue et historien de formation. Considéré comme l’écrivain chinois musulman le plus influent de son pays, il a passé plusieurs années en Mongolie pour ses recherches. Cette expérience lui a inspiré quelques romans, Mon beau cheval noir semblant être le seul à avoir été traduit en français. Hormis quelques tournures qui m’ont un peu désarçonnée, la traduction est très belle et fluide, avec juste ce qu’il faut de notes pour expliquer certains termes ou traditions clés de la culture mongole.


« Dans une steppe sans limites, immense océan d’herbes, un homme sur un cheval s’avance lentement, solitaire. Le soleil brûlant tape directement sur lui. Le cavalier a tangué depuis des jours entiers dans le silence. Partout, des profondeurs de la nature, s’évapore le goût acre et suffocant des herbes. Indifférent à cette odeur qui lui est habituelle, la peau hâlée et sèche, il pense, fronçant les sourcils, au passé, aux siens, et à toute sa vie dure, remplie de peines. Il est rongé par les remords, les espoirs inassouvis et les blessures intérieures. En face de lui, la steppe ondule dans un souffle paisible. Muet, sans bruit, il s’avance dans ce silence. Une émotion insaisissable et indécise s’échappe de son corps. Telle une fumée, avec légèreté, tout bas, elle tourbillonne autour des sabots de son cheval. »

Mon beau cheval noir est non seulement le titre du roman, mais aussi celui d’une ballade mongole dont la trame rejoint l’histoire de Baiyinbaolige. Après des années passées en ville, ce jeune homme revient dans sa région natale et part à la recherche de son amour d’enfance, Somia. Au fil de son voyage sur le dos de Ganga-Hala, le fameux cheval noir, il se remémore leur enfance aux côtés de la vieille femme qui les a élevés, le moment de bascule où les sentiments fraternels ont pris une autre tournure, et la séparation.

Pour être franche, je craignais un roman hermétique pour moi, petite Occidentale, ou alors un récit folklorique. Que nenni, je suis tout de suite entrée dans l’histoire, évidemment très dépaysante mais parfaitement accessible et authentique.

Image par Kanenori de Pixabay

Mon beau cheval noir est un texte sublime dans lequel la nature et sa beauté sont magnifiées. Zhang Chengzi décrit sans fard la rudesse comme la dignité de la vie des petites gens dans ces régions isolées. Il fait preuve d’une grande tendresse envers ses personnages, à la fois simples et plus subtils qu’ils ne peuvent le paraître au premier abord. L’histoire d’amour entre Baiyinbaolige et Somia est pleine de nostalgie, mais aussi d’espoir car la steppe semble pouvoir consoler de tout. C’est à regret que j’ai refermé ce court roman si poétique.

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Spectacles et expos

Gengis Khan – Comment les Mongols ont changé le monde

Exposition au Château des ducs de Bretagne à Nantes – jusqu’au 5 mai 2024

De passage à Nantes pendant les fêtes, avec quelques heures à tuer entre deux événements familiaux, j’ai visité une passionnante exposition consacrée à Gengis Khan et à l’empire mongol. C’est à ne pas manquer si vous habitez dans la région ou y passez d’ici début mai. Aussi riche qu’accessible, cette exposition inédite nous offre un magnifique voyage de la Corée à l’Europe centrale et à l’Iran, et bien sûr en Mongolie.

La cour intérieure du Château des ducs de Bretagne – photo personnelle

Avant d’accéder à l’exposition elle-même, un petit accrochage de photographies contemporaines nous emporte déjà dans la Mongolie d’aujourd’hui, au carrefour de la modernité (intérieurs urbains, manifestations pendant la pandémie) et des traditions (nomadisme et rituels chamaniques).

Dans le parcours de l’exposition proprement dite, j’ai notamment découvert la Mongolie avant Gengis Khan avec les anciens peuples qui y vivaient, leurs modes de vie et leurs croyances. Parmi les objets exposés, on trouve plusieurs sculptures et stèles représentant des animaux à la symbolique importante (comme le cerf ou le loup) ou au rôle concret (cheval et chameau). Nous avons aussi pu admirer des bijoux, dont un étonnant pendentif-« couteau suisse » en jade, des armes et armures, d’impressionnants laissez-passer en métal et différents tableaux.

Photo personnelle

L’exposition présente les connaissances actuelles et les hypothèses concernant l’accession au pouvoir, le règne, la vie et la mort (naturelle ou criminelle ?) de Gengis Khan, brossant un portrait bien plus nuancé que celui du cruel conquérant qu’on nous livre généralement. Le rapport aux religions, la vie à la cour, les relations commerciales et diplomatiques ou encore la postérité du grand conquérant mongol sont abordés. J’ai pu constater l’influence mutuelle qui s’est exercée entre peuples conquis et conquérants avec des conversions au bouddhisme, à l’islam ou la production d’objets d’artisanat mêlant des techniques et dimensions typiques de l’Iran à des motifs appréciés en Asie. Autre aspect qui m’a beaucoup intéressée : la place des khatun, les épouses des khan, des femmes puissantes qui possédaient leurs propres richesses et faisaient elles aussi de la politique.

Photo personnelle

Au-delà de son sujet très riche et bien expliqué, si cette exposition m’a autant plu, c’est sans doute parce que la quantité d’objets exposés était parfaitement dosée. J’ai pu tout voir, (presque) tout lire, sans saturer et en savourant chaque pièce exposée (elles sont nombreuses à venir de Mongolie pour cette 1re exposition consacrée à Gengis Khan en France). Les quelques courtes projections proposées, pédagogiques et visuellement très réussies, étaient un vrai plus. Une réussite à tous points de vue donc !

Une appli gratuite très pratique sert d’audioguide (on peut aussi se contenter de lire si on n’a pas prévu d’écouteurs) et propose deux parcours : un pour les adultes et l’autre pour les enfants. Ce dernier est très bien fait (avec une « chasse aux objets » et de petits quiz) et nous a permis, à ma fille et moi, de profiter de la visite chacune à notre rythme, sans frustration.

Attention : Il est fortement conseillé de réserver, en particulier le week-end et pendant les vacances scolaires car l’exposition est victime de son succès et affiche complet certains après-midis.

PS : Pour les amateurs et amatrices de podcasts, je conseille également un épisode des Odyssées de Laure Grandbesançon (théoriquement pour les enfants, mais personnellement, je suis fan !) et un programme spécial en 3 épisodes autour de l’exposition. Le Monde a aussi fait paraître un hors-série en partenariat avec le Musée d’Histoire de Nantes à l’occasion de cet événement culturel. Voilà, vous savez tout !