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Espagne Romans

La bonne chance – Rosa Montero

Traduction de l’espagnol par Myriam Chirousse – Éditions Métailié

Très connue dans son pays, Rosa Montero est une journaliste et autrice espagnole éclectique. Elle a notamment signé une biographie de Marie Curie mêlée d’autofiction (L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir), des romans de science-fiction (dont Des larmes sous la pluie) ou encore un essai autobiographique (Le danger de ne pas être folle). Avec La bonne chance, qui est un roman plus classique, j’ai clairement trouvé une plume à laquelle je reviendrai ! Hélas pour ma PAL car pas moins de 15 de ses livres ont été traduits en français…

« Les années ne vous immunisent pas contre l’amour, enfin pour lui c’est sûr que non : il a toujours été passionné et romantique. Mais il n’est pas non plus une exception : ils ne sont pas non plus désactivés, tous ces autres vieux et vieilles que Felipe voit à l’hôpital de jour et qui s’éprennent comme des enfants. Bien qu’il ne puisse plus culminer, l’amour ne se périme pas ; et Felipe ne trouve pas cela pathétique, mais beau. »

Dans La bonne chance, la construction est imparable et nous tient en haleine de bout en bout. Il y a du mystère et de la tension, des policiers et des criminels (des petites frappes et de vrais grands méchants). Pour citer la 4e de couverture, « Rosa Montero nous parle du Bien et du Mal ». Pourtant, nous ne sommes pas dans un polar, plutôt dans un roman social aux accents philosophiques.

À partir de l’histoire d’hommes et de femmes qui vivotent dans une petite ville sinistrée où vient s’installer sur un coup de tête un riche et brillant citadin, l’autrice évoque les marges de la société, ses vieux, ses orphelins, ses familles dysfonctionnelles (et bien pire). Le tout avec une humanité qu’on sent parfaitement sincère et qui n’empêche pas une grande lucidité ni un humour salvateur.

La véritable héroïne du roman est sans conteste Raluca, une femme solaire dotée d’un cœur énorme ; une belle âme qui ne cesse jamais de croire dans « la bonne chance » alors que la vie ne l’a pas vraiment gâtée. Mais il y a aussi son voisin Felipe, le mystérieux Pablo rongé par la culpabilité, leurs collègues et quelques habitants de Pozonegro.

Rendez-vous chez Sharon pour d’autres lectures espagnoles et sud-américaines.

Je me suis régalée avec la prose de cette autrice qui brosse de savoureux portraits, sait profondément émouvoir en quelques phrases et fait rayonner l’espoir. Je me suis lancée dans ce roman sans trop savoir à quoi m’attendre, et j’ai énormément aimé.

Si vous avez déjà lu Rosa Montero, je suis preneuse de vos recommandations, histoire de me fixer quelques priorités face à sa large bibliographie !

PS : J’avoue que la nouvelle charte graphique de Métailié me laisse un peu perplexe avec ses motifs années 1970. Je préférais l’ancienne (dans laquelle j’ai d’ailleurs lu ce roman).

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Danemark Romans

Le pays des phrases courtes – Stine Pilgaard

Traduction du danois par Catherine Renaud – Éditions Le bruit du monde

Les vacances estivales du blog sont terminées. Heureusement, la littérature nous fait voyager toute l’année ! Après De l’argent à flamber, je reprends la direction du Danemark avec un court roman très drôle qui change des polars nordiques.

Le pays des phrases courtes, c’est le Jutland, région de l’ouest du Danemark, où une jeune mère suit son conjoint qui vient d’accepter un nouveau poste. On retrouve ici l’image d’Épinal du Danemark avec ses écoles alternatives où profs et élèves vivent en communauté, ses crèches familiales où les enfants sont « certifiés nature », où tout le monde semble doté d’un self-control et d’un sens de la pédagogie hors du commun. Tout le monde, sauf la narratrice (on ne connaît pas son nom) qui se sent totalement déconnectée et incompétente.

Image par Dorothe de Pixabay

Trop bavarde et abordant tous les sujets sans filtre, épuisée par les nuits sans sommeil et les injonctions faites aux jeunes parents, elle s’accroche désespérément à son amie joyeusement terrifiante Krisser, à ses profs d’auto-école et à un reporter télé qu’elle idolâtre. Cette anti-héroïne dont on ferait bien sa meilleure copine fait voler en éclats l’image lisse et parfaite que l’on se fait parfois des Danois(es).

Avec beaucoup d’humour, l’autrice met à nu de nombreux travers de nos sociétés modernes. Elle s’en donne à cœur joie en faisant tenir à son personnage principal la rubrique Boîte aux lettres d’un journal. Au moyen d’exemples tirés de sa propre expérience et de conseils pas toujours académiques, notre héroïne mi-survoltée mi-déprimée répond aux questions existentielles de la population locale, sans prendre de gants et avec une dose prononcée d’auto-dérision.

Politiquement incorrecte, d’une franchise déconcertante et d’une vulnérabilité qui tempère son côté péremptoire, elle se révèle très attachante. Surtout, son discours est totalement décomplexant, que ce soit pour les jeunes parents, les « pièces rapportées » ou celles et ceux qui se sentent décalé(e)s en société. On compatit, on rit et (pour ma part) on se sent enfin compris !

Un roman repéré chez Kathel grâce au challenge Auteurs scandinaves de Céline auquel je m’associe une nouvelle fois aujourd’hui. Et pour un avis supplémentaire, rendez-vous chez Mademoiselle Maeve.

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Norvège Romans

Une famille moderne – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture de ce roman norvégien et surtout aux commentaires de la presse qu’elle cite ! Elle annonce une lecture drôle (« hilarant dès la première page »), légère, et ce n’est pas du tout ce que nous propose en réalité « Une famille moderne ». Peu importe, parce qu’une fois qu’on l’a commencé, on a très envie de suivre cette famille d’Oslo au bord de l’implosion.

On retrouve bien ici le côté addictif de la littérature feel good avec les sentiments au premier plan et une construction chorale qui met en lumière les fragilités et les traits de caractère de chacun(e) des frère et sœurs. On s’identifie facilement à Liv, Ellen ou Håkon (et même aux trois à la fois), chamboulé(e)s par le divorce sur le tard (ils ont 70 ans) de leurs parents. Même si on n’a pas vécu cet événement précisément, il est révélateur comme peut l’être un deuil ou une autre « crise ». Les lecteurs et lectrices se reconnaîtront donc aisément dans certaines réactions ou dans les tempéraments de ces trois personnalités très différentes et pourtant complices.

Retrouvez d’autres lectures nordiques chez Céline !

J’avoue avoir été agréablement surprise par le côté chaleureux et communicant de cette famille norvégienne. À force de lire des polars « venus du froid », j’ai fini par imaginer les habitant(e)s des pays nordiques comme des gens taiseux, renfermés et peu expressifs. C’est un peu idiot et il était temps pour moi de voir les Norvégiens d’un autre œil ! La « famille moderne » que l’on côtoie ici n’est pas aussi parfaite qu’elle le semble au premier abord, est pleine de doutes et s’aime énormément. Elle va évoluer, pas forcément comme elle l’aurait souhaité ou imaginé, mais en ayant indéniablement mûri.

Image par Anemone123 de Pixabay

Si vous cherchez un roman pour rire aux éclats, ce n’est pas vraiment, voire vraiment pas, le bon choix. Sinon, sachez qu’on a du mal à le reposer, que Helga Flatland et sa traductrice ont une plume très fluide et qu’on est un peu triste de quitter cette famille attachante. C’est une lecture légèrement douce-amère, donc parfaite pour l’été (selon mes critères personnels bien entendu :-D) .