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Romans Vietnam

La vengeance du loup – Nguyên Huy Thiêp

Traduction du vietnamien par Kim Lefèvre – Éditions de l’Aube

Me voici de retour au Vietnam pour la lecture commune autour de la littérature d’Asie du Sud-Est proposée par Sunalee. Cette fois, avec un recueil de nouvelles intitulé La vengeance du loup. Son auteur, Nguyên Huy Thiêp, fait partie des écrivains qui ont participé à la renaissance littéraire de son pays dans les années 1980, après l’interruption causée par la guerre. Spécialiste de la nouvelle, il livre ici plusieurs récits inspirés de légendes ainsi que quelques textes plus terre-à-terre.

«  Le voyageur qui se rend à Hua Tat sera tout d’abord invité à s’asseoir près du foyer. On lui offrira une corne d’alcool accompagnée d’un peu de gibier séché et, s’il s’avère droit et honnête, le maître de maison lui contera l’une de ces nombreuses légendes qui font la richesse de la vallée. Il se pourrait que ces légendes parlent un peu trop de la souffrance humaine. Mais celui qui sait en saisir le sens caché sentira naître en lui de plus nobles sentiments, une plus grande lucidité et un plus grand désir de faire le bien. »

Les 6 premiers récits, regroupés dans la partie intitulée Vents de Hua Tat m’ont beaucoup plu. Les personnages sont pittoresques et la morale, tragique ou drôle, est aussi plaisante que facile à saisir. On y retrouve des chasseurs, des pêcheurs rugueux, des villageois rusés, des femmes loutres et des paysans durs à la tâche, tous croyant fermement aux fantômes. J’ai aimé également Mirage des villes, l’une des rares nouvelles urbaines de ce recueil. L’auteur y mêle vie moderne et superstitions archaïques autour d’un Rastignac local qui en sera pour ses frais.

Comme cela m’arrive assez souvent avec la littérature asiatique et parfois avec les textes courts, je n’ai pas bien saisi le message des autres récits. Pas de regret cependant, car j’ai apprécié plus de la moitié de ces nouvelles et appris une foule de choses sur les croyances vietnamiennes. J’y ai aussi découvert une grande jovialité, fréquemment alimentée par l’alcool 🤪, et les réalités de vies laborieuses dans une grande pauvreté, que ce soit au bord d’un fleuve ou au milieu de la jungle.

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Norvège Romans

Tout le monde veut rentrer chez soi – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

« Il demeure impossible de parler avec Julie. Et après avoir vu le reste de sa famille à l’enterrement de Tarjei, je comprends d’où elle tient ça. Ce n’est pas un trait de personnalité, c’est un trait de famille. Ils ne se parlent pas, bon sang, ils ne se touchent pas – à l’enterrement de son frère, ai-je dit à Hendrik. (…) Comme si le fait qu’ils soient de la même famille ne créait pas un lien plus fort entre eux, mais formait au contraire une barrière. »

Ce très bon roman (traduit du néo-norvégien et du bokmål) est celui de la difficulté à communiquer au sein d’une famille et à devenir adulte. La mort sert ici de révélateur de situations installées depuis longtemps et qui deviennent intenables avec le deuil. Des relations à l’équilibre souvent précaire sont bouleversées, les non-dits et les malentendus ne font que grandir jusqu’à plonger ceux qui restent dans la solitude, la dépression et même la folie.

De la même autrice, j’avais déjà apprécié Une famille moderne dans lequel un divorce sur le tard chamboulait totalement une famille a priori assez idéale. Dans une veine beaucoup plus sombre, Tout le monde veut rentrer à la maison continue d’explorer les failles imperceptibles qui deviennent béantes sous le coup d’un événement traumatisant. Helga Flatland fait ici encore montre d’énormément de talent et d’une grande empathie pour chacun de ses personnages, et plus particulièrement pour les trois narrateurs : Âgés d’une vingtaine d’années, Julie, Mats et Sigurd cherchent leur voie, rejetant et recherchant leurs parents à la fois.

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Je découvre au moment d’écrire ce billet que Tout le monde veut rentrer chez soi fait suite à un autre roman de Helga Flatland intitulé Reste si tu peux, pars s’il le faut. C’est bon à savoir pour qui préfère découvrir les événements dans l’ordre chronologique. Cela dit, rien ne m’a manqué dans ma lecture et je suis ravie de savoir que je vais pouvoir revenir en arrière pour retrouver certains personnages et faire mieux connaissance avec quelques autres dans ce village norvégien un peu hors du monde.

Madame Lit a elle aussi aimé ce roman. Son avis est à lire ici.

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Norvège Romans

Une famille moderne – Helga Flatland

Traduction du norvégien par Dominique Kristensen – Éditions de l’Aube

Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture de ce roman norvégien et surtout aux commentaires de la presse qu’elle cite ! Elle annonce une lecture drôle (« hilarant dès la première page »), légère, et ce n’est pas du tout ce que nous propose en réalité « Une famille moderne ». Peu importe, parce qu’une fois qu’on l’a commencé, on a très envie de suivre cette famille d’Oslo au bord de l’implosion.

On retrouve bien ici le côté addictif de la littérature feel good avec les sentiments au premier plan et une construction chorale qui met en lumière les fragilités et les traits de caractère de chacun(e) des frère et sœurs. On s’identifie facilement à Liv, Ellen ou Håkon (et même aux trois à la fois), chamboulé(e)s par le divorce sur le tard (ils ont 70 ans) de leurs parents. Même si on n’a pas vécu cet événement précisément, il est révélateur comme peut l’être un deuil ou une autre « crise ». Les lecteurs et lectrices se reconnaîtront donc aisément dans certaines réactions ou dans les tempéraments de ces trois personnalités très différentes et pourtant complices.

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J’avoue avoir été agréablement surprise par le côté chaleureux et communicant de cette famille norvégienne. À force de lire des polars « venus du froid », j’ai fini par imaginer les habitant(e)s des pays nordiques comme des gens taiseux, renfermés et peu expressifs. C’est un peu idiot et il était temps pour moi de voir les Norvégiens d’un autre œil ! La « famille moderne » que l’on côtoie ici n’est pas aussi parfaite qu’elle le semble au premier abord, est pleine de doutes et s’aime énormément. Elle va évoluer, pas forcément comme elle l’aurait souhaité ou imaginé, mais en ayant indéniablement mûri.

Image par Anemone123 de Pixabay

Si vous cherchez un roman pour rire aux éclats, ce n’est pas vraiment, voire vraiment pas, le bon choix. Sinon, sachez qu’on a du mal à le reposer, que Helga Flatland et sa traductrice ont une plume très fluide et qu’on est un peu triste de quitter cette famille attachante. C’est une lecture légèrement douce-amère, donc parfaite pour l’été (selon mes critères personnels bien entendu :-D) .