Traduction de l’islandais par Gérard Lemarquis & María S. Gunnarsdόttir – Éditions Zulma
Hors romances et cosy mysteries qui ne manquent pas à cette saison, le choix de lectures de Noël peut paraître limité pour les adultes. Pourtant, il est tout à fait possible de dénicher de magnifiques histoires parfaitement de saison pour les moins jeunes. Après D’autres étoiles, un conte de Noël dont je vous ai parlé la semaine dernière, voici un autre court récit plein de neige et surtout de poésie !
Écrit en 1936, Le berger de l’Avent a reparu en poche chez Zulma en 2019 avec en bonus une postface du génialissime Jόn Kalmann Stefánsson, traduite par Éric Boury. La très belle traduction du roman lui-même est signée par un duo dont, si je ne m’abuse, fait partie la fille de l’auteur (selon l’usage islandais, son patronyme Gunnarsdόttir signifie « fille de Gunnar »). Mais trêve d’informations éditoriales, il est temps de passer à l’essentiel car ce roman est un petit chef d’œuvre universel et intemporel.
« Il regardait autour de lui, faisant sien tout ce que son regard embrassait. L’obscurité envahissait la campagne et la lune se devinait derrière les nuages, et les nuages étaient pareils à des montagnes de glace flottante, aussi réelles que celles qui pâlissaient à l’horizon. Un soir comme celui-ci, avec le lac gelé recouvert de neige, la terre paraissait plus plate que d’habitude. Et, au milieu de cet univers livide, presque fondu dans l’obscurité, un homme se tenait avec ses amis les plus proches, Roc le bélier et le chien Leό. Cet univers était le sien. Le sien et le leur. Il était un élément de cet univers. »
Benedikt s’est fixé une mission et il l’accomplit avec une ténacité qui force l’admiration. Comme certains jeûnent, randonnent, font une cure de déconnexion ou des stages de méditation, ce berger se retire du monde chaque année pour aller à la recherche des moutons égarés dans la montagne. Cela ne lui rapporte rien, si ce n’est la satisfaction personnelle d’avoir sauvé ces créatures et un temps pour méditer sur la vie et la mort, les deux se côtoyant très étroitement dans cette région inhospitalière.
Dans ce roman de moins de 70 pages, il est question de solidarité humaine – car comment survivre dans de telles contrées si l’on ne veille pas les uns sur les autres ? – et d’entente symbiotique entre l’homme et l’animal. Gunnar Gunnarsson y déploie une langue somptueuse pour évoquer le climat, les tempêtes et les paysages aussi hostiles que sublimes d’Islande (les fans d’Arnaldur Indridasson y trouveront sans aucun doute une filiation avec son aîné). Avec une extrême pudeur, il y est également question d’amour et d’amitié.
C’est un texte simple et profond à la fois qui fait écho chez moi au beau roman italien Histoire de Tönle dans lequel Mario Rigoni Stern relate la vie mouvementée d’un homme pourtant profondément enraciné dans son village. Encore un berger empli de sagesse et d’une opiniâtreté hors du commun, vivant au rythme des saisons, avec la stupidité des guerres en prime.
Aifelle, Sibylline, LoudeBergh et Hélène devraient achever de vous convaincre de glisser Le berger de l’Avent dans votre sac pendant les fêtes (vous trouverez difficilement livre plus léger à transporter !). N’hésitez pas à lire leurs billets enthousiastes.
PS : Le blog prend maintenant un peu de vacances. Rendez-vous en 2024 avec un mois de janvier largement consacré au rendez-vous des Bonnes nouvelles proposé par Je lis, je blogue. Et bien sûr, je continuerai à explorer la littérature européenne et mondiale tout au long de 2024. Bonne fin d’année et à très bientôt !