Traduction de l’espagnol par Jean-Marc Frémont – Éditions Sarbacane
La couverture très colorée et très intrigante de cette BD, ainsi que le jeu de mots de son titre m’ont poussée à l’emprunter sans même lire sa quatrième de couverture. En l’occurrence, dès les premières pages, on découvre qu’il s’agit de santé mentale : Depuis qu’elle est enfant, la mère de Bea Lema est en proie à des comportements paranoïaques qu’elle tente de résoudre à coup d’exorcismes, de décoctions suspectes et de traitements plus traditionnels. Pourtant, rien ne semble avoir de prise sur le monstre qui la terrifie et qui étend peu à peu son ombre sur toute la famille.
Ce que vit cette fillette est tragique (sans parler de sa mère bien sûr). Son grand frère a lâché l’affaire, son père est dépassé et évite de plus en plus de se trouver en présence de sa femme. La petite Bea est donc le plus souvent seule pour tenter de maintenir sa mère dans un quotidien normal, pour la soigner et résister à ses pressions et à ses délires. Cet album retrace un parcours de la combattante, pour la mère comme pour la fille, éclairé par un indéfectible lien mère-fille.
Bea Lema multiplie les formes et les techniques. La majorité de l’album est largement décloisonnée avec des dessins de tout petit format ou au contraire des personnages occupant toute une page, avec une présence écrasante. Ce n’est que lorsque sa famille connaît un quotidien plus structuré qu’on trouve des cases « classiques ». Les couleurs pimpantes, presque enfantines, dominent et tranchent avec la gravité du sujet, ce qui le rend moins oppressant mais tout aussi puissant. Les quelque pages en noir et blanc sont, elles, glaçantes.
Autre particularité, l’autrice recourt à la broderie et à la couture pour recréer des scènes aussi lumineuses qu’inquiétantes, parfois sur des pages entières. Ainsi, la couverture est une très belle broderie représentant une sainte qui s’apprête à avaler non pas une hostie, mais une gélule… La beauté et l’étrangeté sont réunies, comme chez la mère de Bea Lema. Je vous conseille de feuilleter quelques pages sur le site de l’éditeur pour mieux apprécier le travail de l’autrice : https://editions-sarbacane.com/bd/des-maux-a-dire
Une BD d’une jeune bédéiste espagnole de grand talent, à lire pour le fond comme pour la forme !