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Islande Lectures audio

La tristesse des anges & Entre ciel et terre – Jón Kalman Stefánsson

Adaptation de Gabriel Dufay & traduction de l’islandais par Éric Boury – Le Feuilleton (France culture)

Vivre, marcher et ramer dans la tempête, la neige, le froid, au milieu d’une nature âpre et hostile… Vivre grâce à l’amour, la poésie, la solidarité… Par ces chaudes températures estivales, laissez vous transporter au frais, en Islande, au début du 20e siècle, grâce à l’envoûtant récit de Jón Kalman Stefánsson dont Le Feuilleton de France culture propose une somptueuse adaptation.

Barður sortait toujours à huit heures pour regarder la lune au moment où sa bien-aimée, debout devant la ferme, faisait de même, il y avait entre eux des montagnes et des immensités, mais leurs yeux se rencontraient sur l’astre nocturne, exactement comme ceux des amants le font depuis le début des temps, voilà pourquoi la lune a été placée dans le ciel.

La vie, la mort, la solitude, l’amitié, l’espoir, la détermination, tout est extrême dans ces contrées polaires. L’amour pour la littérature et la poésie aussi.

Les sanglots apaisent et soulagent, mais il ne suffisent pas. On ne peut les enfiler les uns derrière les autres et les laisser s’enfoncer comme une corde scintillante dans les profondeurs obscures afin d’en remonter ceux qui sont morts et qui auraient dû vivre.

La voix du narrateur (Grégoire Monsaingeon) captive et nous plonge avec un talent fou dans l’atmosphère glacée et intense d’une petite communauté isolée, il y a plus d’un siècle. S’ajoutent à cela une excellente troupe de comédiens et comédiennes, une musique (de Quentin Sirjac) déchirante et des trouvailles sonores et de mise en scène formidables (le chœur des voix est bouleversant).

Il est bon d’avoir un ami véritable en ce monde, alors tu n’es plus tout à fait aussi vulnérable, tu as quelqu’un à qui parler, à écouter sans être forcé de te protéger le cœur.

À l’heure où j’écris ces quelques lignes, je n’ai pas encore lu les romans de Jón Kalman Stefánsson, mais cela ne saurait tarder. J’ai rarement été aussi touchée par la pure beauté d’un texte. Bien sûr, une adaptation audio fait plus clairement entendre les mots et condense le texte original pour n’en garder que le meilleur. Mais je suis convaincue que Jón Kalman Stefánsson est un écrivain comme il y en a peu.

Si comme moi, vous êtes ensorcelé(e) par ces deux adaptations audio, sachez que le troisième volet de la trilogie, Le cœur de l’homme, est en cours d’adaptation lui aussi. Encore un peu de patience donc… Et en attendant, on peut bien sûr (re)lire les romans, qui sont disponibles en livre de poche. Vous aurez compris qu’ils figurent désormais en bonne place dans ma pile à lire.

Le tome 1 : Entre ciel et terre (5 épisodes de 25 minutes environ) :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-le-feuilleton/entre-ciel-et-terre-de-jon-kalman-stefansson-0

Le tome 2 : La tristesse des anges (5 épisodes de 25 minutes environ) :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-la-tristesse-des-anges-de-jon-kalman-stefansson

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Angleterre Romans

Toute passion abolie – Vita Sackville-West

Traduction de l’anglais par Micha Venaille – Le Livre de poche

Voici ma deuxième chronique proposée dans le cadre du #Moisanglais de Lou et Titine grâce auquel vous pourrez découvrir une foule de romans, mais aussi des recettes (« coronation quiche » en tête), des films, des podcasts…

Dans Toute passion abolie, Lady Slane, âgée de 88 ans, décide de vivre enfin pour elle-même au lendemain de la mort de son mari. Lasse des faux-semblants et des obligations familiales ou mondaines, elle s’ouvre à de nouvelles amitiés choisies, savoure le calme retrouvé et se souvient de ses aspirations de jeune femme.

La plume de Vita Sackville-West est une merveille d’élégance et son regard sur la place des femmes, l’ambition humaine et la vieillesse est d’une grande modernité. Ce court roman aux accents mélancoliques, mais malicieux aussi, fait partie de ces livres que l’on prend plaisir à lire et à relire à différentes périodes de sa vie car ils sont une source inépuisable de réflexion.

Des pensées choquantes, peu naturelles, l’avaient souvent traversée. « Si seulement je ne m’étais pas mariée… si je n’avais pas eu d’enfant… » Pourtant elle aimait Henry – jusqu’à en mourir. Elle aimait ses enfants – jusqu’à la sentimentalité.

En quelques lignes, Vita Sackville-West résume par exemple merveilleusement le dilemme qui peut assaillir les femmes et mères de famille tiraillées entre leurs aspirations personnelles, les injonctions sociales et leur amour pour leurs proches.

Toute passion abolie n’est pas pour autant un pamphlet féministe et Lady Slane comme ses nouveaux amis ont un recul délicieux, ironique et plein de sagesse sur la vie. C’est sans amertume que cette ancienne vice-reine des Indes se retourne sur son passé, même s’il est émaillé de regrets, et elle savoure chaque jour sans craindre la mort qui approche mais qu’elle voit comme « la grande aventure à laquelle nous préparent toutes les autres. » Il est rare de lire une vision aussi sereine de cette période si particulière qu’est le très grand âge et j’ai trouvé ça particulièrement rafraîchissant.

Vita Sackville-West (quel nom flamboyant, digne d’une héroïne de roman d’aventures !) m’a séduite et je compte bien continuer à explorer son œuvre, pourquoi pas avec la correspondance qu’elle a entretenue avec Virginia Woolf chroniquée par Fanny récemment ?