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Romans Suisse

Escarpées – Marlène Mauris

Les Éditions Favre

Sur l’invitation de Cléanthe et de ses Escapades européennes, je me suis aventurée dans les Alpes, avec un premier roman suisse qu’Eva avait aimé et chroniqué il y a quelques mois.

Escarpées, ce sont quelques mois dans la vie d’une famille au père taiseux et emporté, à la mère attentive et frustrée, aux trois filles dissemblables et inséparables. Dans le décor âpre des montagnes valaisannes, le bonheur, l’amour et la détresse affleurent, cachés sous des gestes brusques et des silences. La vie s’écoule avec ses petits et son très grand malheurs. L’espoir et la joie reviendront peut-être avec le séjour – pendant quelques mois – d’une étudiante en art.

Je le reconnais d’entrée de jeu : Escarpées a pâti de la comparaison avec Sans Silke, autre roman suisse qui parlait de la relation tissée pendant quelques mois entre une étudiante et une enfant vivant dans une famille compliquée. Écrit dans une très belle langue et composant des personnages marquants, ce court roman de Michel Layaz m’avait énormément plu.

Peut-être que la période n’était pas idéale pour lire ce roman non plus. Le besoin de vacances se fait sérieusement sentir. Comme c’est souvent le cas quand je commence à tirer sévèrement la langue, j’avais très envie de lectures plus dynamiques et j’ai d’ailleurs enchaîné avec la 4e enquête d’Armand Gamache, Défense de tuer, qui m’a « remise en selle ». Les polars un peu légers sont chez moi un excellent remède contre la fatigue intellectuelle !

À la fois heurtée et très poétique, l’écriture a indéniablement du charme mais elle m’a parfois semblé artificielle, surtout dans la bouche de Feodora, la Française du roman qui s’exprime dans un style beaucoup trop littéraire pour être crédible. Était-ce fait pour souligner encore le fossé qui sépare cette jeune femme (étudiante en art, d’un milieu privilégié, citadine et française) et la famille suisse (paysanne, pratiquante, ayant du mal à joindre les deux bouts), je l’ignore. Toujours est-il que cela m’a semblé maladroit, voire caricatural. Je suis donc restée à distance des personnages, à part sans doute de la petite dernière, si vulnérable et attachante. Je n’ai pas détesté, loin de là, mais ce sera une lecture vite oubliée.

Je vous conseille de lire l’avis d’Eva ou de Rebecca si vous voulez un son de cloche très différent du mien 🙃. Et vous pouvez aussi consulter le billet d’Eva sur le 2e roman de Marlène Mauris intitulé Falcata.

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Espagne Romans

Du givre sur les épaules – Lorenzo Mediano

Traduction de l’espagnol par Hélène Michoux – Éditions Zulma poche

Il y a du Roméo et Juliette là-dedans, mais aussi une atmosphère de Far West : une histoire d’amour empêchée, un héros mi-Zorro, mi-Spartacus, une nature hostile qui peut aussi être un refuge, des propriétaires terriens cupides et défendant farouchement leur pouvoir… Du givre sur les épaules se dévore comme un récit d’aventures et résonne comme un conte universel.

Dans une bourgade perdue des Pyrénées espagnoles où l’on vit – péniblement – de l’élevage de moutons et de l’agriculture, le jeune Ramón et la gracile Alba tombent amoureux. Sous la plume de Lorenzo Mediano, ce récit ancestral a des airs de western spaghetti. Le surnom donné à Ramón (Desperado), l’atmosphère du roman et de nombreuses scènes évoquent en effet immanquablement les films de Sergio Leone, humour compris.

« D’un geste presque imperceptible, Ramón fit s’arrêter ceux qui le suivaient et avança avec sa mule vers Don Mariano qui serrait convulsivement son fusil anglais. Ils se retrouvèrent face à face, leurs yeux se fixant dans une colère glaciale. Ramón saisit alors sa houlette de berger, qui pendait du bât de la mule, la rompit d’un coup sec sur sa jambe et la jeta par terre. Il s’écria : « Je ne suis plus berger ! » Avec cela, il voulait dire bien des choses. »

L’auteur confie la narration à l’instituteur du village, l’un de seuls lettrés des lieux, exilé pour des raisons politiques (l’histoire se déroule quelques années avant la guerre civile espagnole). À la manière d’un conteur, celui-ci multiplie les digressions pour retarder le moment du dénouement. Grâce à des retours en arrière, des épisodes comiques et des apartés sur les différents personnages, le suspense est adroitement entretenu et tient le lecteur en haleine.

Qu’il s’agisse de décrire les réalités les plus crues, de faire rire avec des personnages hauts en couleur ou de créer un climat de tension, Lorenzo Mediano est parfaitement à son affaire. Ce court roman est un petit bijou !

Si vous hésitez encore, lisez l’extrait (presque 20 pages) que l’éditeur met librement à disposition ici : https://www.zulma.fr/wp-content/uploads/givre-epaules-Extrait.pdf Et n’oubliez pas de me dire ce que vous en aurez pensé !

Cette petite chronique est ma contribution au Mois espagnol et sud-américain organisé par Sharon. Pendant tout le mois de mai, des lecteurs et lectrices averti(e)s partageront leurs impressions sur une foule de romans en espagnol et en portugais. Buen viaje/boa viagem à toutes et tous !