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Les occasions manquées – Lucy Fricke

Traduction de l’allemand par Isabelle Liber – Éditions Le Quartanier

Pour le rendez-vous des Feuilles allemandes l’an dernier, j’avais sorti de ma PAL La diplomate de Lucy Fricke, un roman qui m’avait beaucoup plu. L’acidité et le regard très contemporain de l’autrice m’ont poussée à piocher à nouveau dans sa bibliographie et à lire cette fois-ci Les occasions manquées. L’avis plus que mitigé de Luocine m’avait déjà mise en garde, mais je voulais me forger ma propre opinion. Bilan des courses : j’aurais pu me passer de cette lecture et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Un policier italien résume assez bien les choses dans le roman : « Est-ce que toutes les femmes allemandes sont aussi barrées que vous ? » (traduction libre, je l’ai lu en VO). Martha et surtout Betty sont en effet un peu « fracassées », ce qui aurait pu/dû me les rendre sympathiques. À force de beuveries et de scènes caricaturales, elles m’ont en réalité agacée et jamais touchée. J’en ai aussi voulu à l’autrice de cumuler les clichés à la fois sur les Allemands, les Italiens et les Grecs, tout en essayant – maladroitement à mon humble avis – de montrer l’envers du décor.

Le titre allemand Töchter (« Filles ») souligne bien ce qui se joue dans ce roman pour ses héroïnes : les relations avec leur père ou leur absence de relations, et en filigrane avec leur mère. Pourquoi pas, mais à l’exception d’une ou deux analyses pertinentes (la génération des mères a lutté pour obtenir
une liberté dont les filles ne savent pas vraiment quoi faire), ça traîne en longueur, ça se noie dans le brouillard qui entoure Betty soit à cause de son sevrage médicamenteux, soit de ses cuites monumentales.

J’ai bien failli abandonner en route parce que j’ai trop de livres qui m’attendent pour perdre du temps avec ceux qui m’ennuient (même quand ils font moins de 300 pages comme ici). J’ai néanmoins poursuivi vaillamment, espérant que la fin rattraperait le reste du roman. Las, j’en ai été pour mes frais.

Ma conclusion toute personnelle : Lisez La diplomate, il vaut le coup, et oubliez Les occasions manquées !

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La diplomate – Lucy Fricke

Traduction de l’allemand par Isabelle Liber – Éditions Le Quartanier

Fred Andermann fait partie du corps diplomatique allemand depuis une vingtaine d’années. Entre expatriations à répétition, vie de fonctionnaire (« de luxe » car elle occupe des postes élevés) et imbroglios politiques, la vie de diplomate n’est pas toujours une sinécure. Deux affectations successives vont ainsi bouleverser Fred, nous entraînant au passage dans un thriller politique et un portrait psychologique passionnants.

Dans la première partie du roman, Fred est ambassadrice à Montevideo, l’une des destinations les plus tranquilles que l’on puisse imaginer dans son métier. Fred se sent simple VRP de son pays et s’interroge vaguement sur son utilité jusqu’à un événement qui va profondément l’ébranler.

Dans la deuxième partie, on la retrouve consule à Istanbul où la situation est beaucoup plus tendue qu’en Uruguay : la police politique est omniprésente, les arrestations et assignations à résidence de ressortissants allemands et germano-turcs sont monnaie courante et les diplomates ne disposent que d’une très faible marge de manœuvre pour tenter d’obtenir leur libération. Et Fred semble sur le point de craquer …

Une participation aux lectures sur le monde du travail chez Ingannmic

Comment concilier l’art feutré de la conversation diplomatique pleine de sous-entendus ? À quoi sert cette vie passée le plus souvent loin de son pays pour le représenter ? Que devient un ambassadeur ou une ambassadrice à la retraite qui perd subitement tous ses avantages (résidence de rêve, chauffeur personnel, cuisinier et autre personnel de maison payés par l’État) ? Lucy Fricke parle très bien des nombreux aspects de la vie des diplomates (ou plutôt des chef(fe)s de missions diplomatiques). On sent qu’elle en a interrogés un certain nombre et ses personnages sont parfaitement crédibles.

Son roman souligne aussi (surtout) les relations ambiguës de nos États européens avec un régime autocratique que l’on ne peut pas se mettre à dos, en particulier parce qu’il endigue la majorité des flux de migrants à destination de l’Europe. Elle brosse un portrait sans concession de la Turquie d’aujourd’hui et rend hommage au travail souvent ingrat mené dans l’ombre par des hommes et de plus en plus de femmes pour tenter de préserver la paix, parfois (souvent) au prix de leurs convictions personnelles.

J’ai lu ce roman comme on regarde ces excellents films que sont Les trois jours du condor ou Serpico. Ici, pas de flics ni de journalistes, mais ça fonctionne tout aussi bien avec des diplomates. En bref, je l’ai dévoré et me suis régalée de sa tension constante comme de l’humour à froid de l’autrice. C’est intelligent, divertissant et bouleversant, jusqu’aux toutes dernières pages.

Eva l’a lu également, ainsi qu’Alex (mais la page correspondante semble avoir disparu de son blog…)

PS : Une interview croisée de Lucy Fricke et de son personnage (de fiction) Fred Andermann est à lire ici. Et vous pouvez lire les premières pages du roman .