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Une journée de chien – Sander Kollaard

Traduction du néerlandais par Daniel Cunin – Éditions Héloïse d’Ormesson

Avec un titre pareil, j’aurais pu craindre un roman néerlandais de plus dans lequel la déprime et/ou le drame allaient s’abattre sur son héros (coucou auteur-chouchou Gerbrand Bakker et maître du suspense psychologique Toine Heijmans 😆). Heureusement, comme le billet d’Eva le laissait penser, c’est au contraire toute ravigotée que je suis sortie de cette lecture pleine de charme.

Entre son divorce qui date déjà un peu, son âge qui avance, un deuil qui ne s’oublie pas, une amie qui perd la boule et à présent son chien qui ne va pas bien, Henk pourrait sérieusement broyer du noir. Seulement voilà, Henk est épicurien et philosophe (pas de métier, simplement dans sa façon d’aborder l’existence). Il aime le bon fromage, Nietzsche, la littérature, sa nièce Rosa, et tout ce qui fait le sel de la vie et qu’il savoure avec gourmandise. Il est sentimental sans être triste, il prend le temps de réfléchir à la vie et à la mort… Le temps d’une journée, on suit ses pensées, ses souvenirs, ses hésitations, ses élans. Le narrateur n’enjolive pas son personnage, mais il a de toute évidence beaucoup d’affection pour lui, et c’est contagieux.

Quant à sa relation avec Canaille, son kooikerhondje*, elle est pleine de tendresse elle aussi, et extrêmement touchante. (*Quel chien de toute beauté, n’est-ce pas ? D’ailleurs, on le retrouve dans de nombreux tableaux de maîtres flamands, en particulier chez Jan Steen).

Le kooikerhondje, aussi appelé « petit chien hollandais de chasse au gibier d’eau » ou « chien hollandais de canardière ».
Photo : CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1575040

De manière générale, Sander Kollaard parle ici de gens comme vous et moi, dont il est donc rarement question en littérature. L’amour est présent sous toutes ses formes : amour fraternel, amour qui s’effiloche dans un couple, amour pour son animal de compagnie, amour entre un oncle et sa nièce, amitié amoureuse, amour naissant … C’est très doux, émouvant, pas nunuche pour deux sous et même parsemé d’un humour bienfaisant.

Petit par la taille, Une journée de chien est un formidable roman qui vous redonnera le moral ! À découvrir !

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Flush – Virginia Woolf

Traduction de l’anglais par Catherine Bernard – Éditions Folio poche

Biographie fictive du chien d’une poétesse anglaise, Flush nous plonge dans les pensées et émotions d’un noble cocker qui, à l’instar de sa maîtresse, passa d’une vie de réclusion à d’exaltantes aventures.

J’ai d’abord cru que les personnages de cette biographie étaient imaginaires. Or, Miss Barrett et Flush ont bel et bien existé, comme le prouve le poème que la première a dédié à son cher et tendre animal de compagnie. Rien d’étonnant à ce que Virginia Woolf se soit intéressée à cette autrice : Après des années à se morfondre et à mener une vie de paralytique, Miss Barrett (qui devint Mrs Browning) a claqué la porte de l’étouffante maison familiale pour ne plus jamais y revenir, s’affranchissant ainsi de la tutelle de son père et de ses frères.

Grâce à sa fameuse technique du flux de conscience, Virginia Woolf nous montre le monde et ses habitants du point de vue de Flush. Né au grand air, ce chien de haute lignée est ensuite offert à Miss Barrett, qui vit au cœur de Londres où il assiste à des rituels apparemment immuables, puis à des changements d’abord subtils et enfin radicaux chez sa maîtresse. Woolf en profite pour se moquer de travers typiques de la haute bourgeoisie anglaise, dont son snobisme, et pour évoquer des réalités sociales que la bonne société préférait occulter.

« Pour autant qu’il pût en juger, c’étaient juste des chiens – des chiens gris, des chiens jaunes, des chiens tachetés, des chiens mouchetés ; mais il ne pouvait détecter un seul épagneul, colley, retriever ou mastiff parmi eux. Le Club canin n’avait-il donc pas compétence en Italie ? Le Club des épagneuls était-il donc inconnu ? N’existait-il pas de loi pour condamner la houppe, pour défendre l’oreille ourlée, protéger les pattes bordées de franges et insister à tout prix pour que le front soit bombé sans être bossu ? Apparemment pas. Flush se sentit tel un prince en exil. Il était le seul aristocrate parmi la canaille. »

Des phrases sublimes, une douce ironie, un regard aiguisé sur les humains et même sur un chien, leurs sentiments, leurs élans, leurs faiblesses… Virginia Woolf m’a charmée avec ce court roman qui est l’occasion d’une première participation au wonderful #Moisanglais 2024 organisé par Lou et Titine.

PS : Tout au long du mois de juin, vous pouvez retrouver des lectures, recettes, carnets de voyage, loisirs créatifs anglais sur une foule de sites recensés chez les organisatrices. Enjoy !