Traduction du bulgare par Marie Vrinat – Éditions des Syrtes
À travers le récit de quatre femmes frappées de plein fouet par l’épuration de leur pays à la fin de la Seconde Guerre mondiale, j’ai découvert un pan méconnu de l’Histoire de la Bulgarie, y compris dans ce pays où cette période a été totalement occultée. Surtout, j’ai été soufflée par la plume de Théodora Dimova (et sa traduction de toute beauté). Les dévastés est à lire d’urgence !
Dans ce roman, Théodora Dimova brosse le portrait d’une bourgeoisie menant une vie insouciante faite de pique-niques, d’harmonie conjugale et de jolis intérieurs, qui contraste avec ce qui se passe alors en Europe et dans le monde, comme avec la vie d’une grande partie de la population bulgare. Mais la guerre rattrapera aussi celles et ceux qui pensaient être épargnés.
Alliée de l’Allemagne nazie, la Bulgarie est vaincue, sans résistance, par l’Armée rouge à la fin de l’année 1944. Les communistes prennent les commandes du pays et cherchent à éradiquer toute influence religieuse et trace de la collaboration du gouvernement précédent avec l’ennemi. Intellectuels, religieux, mais aussi ennemis personnels des uns et des autres sont arrêtés, emprisonnés et exécutés clandestinement ou publiquement.
Dans ces portraits croisés se nouent les destins de trois familles qui resteront brisées par la mort du mari, du père. Chacune de ces histoires personnelles est tragique, bouleversante. Les femmes, en tant qu’épouses, mères et filles, sont au centre de ces récits, et pour cause : les hommes ne sont plus là, les femmes doivent vivre seules avec le poids de leur absence, de la culpabilité et du non-dit. Et si certains « vainqueurs » sont foncièrement mauvais, l’autrice ne tombe pas dans le cliché et montre que beaucoup cherchent simplement à sauver leur propre peau.
L’écriture fluide, extrêmement élégante et cinématographique de Théodora Dimova m’a tout simplement emportée. Elle nous met en empathie totale avec ses héroïnes et je voyais littéralement la scène se passer sous mes yeux, qu’il s’agisse d’une joyeuse soirée littéraire entre amis ou d’une attente angoissée dans l’intimité d’un appartement.
Dans sa postface, l’autrice explique brièvement pourquoi elle a tenu à écrire ce roman : « En tant qu’écrivain, ma tâche est de mettre le doigt dans la plaie (…). Notre génération se trouve à la frontière sur laquelle nous pouvons transmettre la mémoire de la vérité à ceux qui vivront après nous. Pour qu’ils ne vivent pas dans le monde humiliant du mensonge. » C’est chose faite ici, avec brio.
PS : Vous pouvez retrouver une passionnante interview de la traductrice Marie Vrinat chez Passage à l’Est !
13 réponses sur « Les dévastés – Théodora Dimova »
Très intéressant, je le note pour un emprunt en médiathèque !
Et j’ajoute votre blog dans mon « reader ».
J’espère qu’il vous plaira et que vous le trouverez en médiathèque (dans la mienne, il n’était disponible qu’en e-book, ce qui était déjà quelque chose j’imagine)! C’est très gentil de me suivre 😀
Merci pour cette présentation, je ne connaissais pas du tout !
J’avoue que c’était mon premier roman bulgare, et que je suis extrêmement bien tombée avec celui-ci 😃.
Je ne suis pas sûre non plus d’avoir déjà lu un roman bulgare ! J’ai vu dans ta présentation que tu voulais aussi te mettre à la photo, as-tu un compte insta ?
Ça viendra peut-être mais pour encore quelques temps au moins, je me contenterai du blog. Je me laisse trouver un rythme de croisière pour les chroniques et maîtriser un minimum la photo avant de franchir le pas. J’aimerais déjà varier sur le blog et ne pas utiliser que les couvertures des romans.
Je ne connaissais pas du tout ! Ai-je déjà lu un roman bulgare ? Rien n’est moins sûr… Je note celui-ci, merci !
Je crois que nous sommes nombreux et nombreuses à n’en avoir jamais lu, mais je vais continuer à creuser pour y remédier 💪
Je partage tout à fait ton commentaire sur ce livre. Je l’ai lu l’an dernier et il m’avait beaucoup frappé (https://etsionbouquinait.com/2022/03/11/theodora-dimova-les-devastes/)
Je vois que nous avons aimé les mêmes choses en effet! Quel roman ! Merci pour la chronique sur Mères, de la même autrice, je rajoute ce roman à ma liste de lectures pour 2023.
Il faut absolument que tu lises Mères 🙂
Lu l’an dernier et très impressionnée
Je suis curieuse de lire d’autres romans de cette autrice car elle m’a moi aussi beaucoup impressionnée.