Traduction du slovaque par Richard Palachak et Lydia Palascak – Agullo Éditions
Avez-vous déjà lu un roman slovaque ? Pour moi, Bratislava 68, été brûlant était une première en la matière. L’auteur s’est inspiré de faits réels pour cette fresque historique et profondément humaine. Avec humour et émotion, il y mêle occasionnellement ses réflexions et expériences personnelles. J’ai adoré !
En 50 tableaux, Viliam Klimáček nous fait revivre l’été 1968, celui de l’invasion de la Tchécoslovaquie par des « pays-frères » qui goûtaient peu le vent de liberté que le nouveau gouvernement faisait souffler sur le pays. Mais il ne s’arrête pas là car nous suivons ses personnages pendant plusieurs années et même décennies. Certains ont dû s’exiler et repartir de zéro. D’autres sont restés, subissant les mesures de rétorsion qui ont invariablement touché les proches des exilés. Tous ont en commun d’avoir été séparés d’une partie de leur famille.
J’ai découvert le rôle joué par la radio dans les événements d’août 1968, le courage et le calme des Tchécoslovaques face à l’invasion, l’engagement de la maison d’édition Sixty-Eight Publishers, les différentes vagues d’émigration slovaque au 20e siècle et ce que pouvait être la vie quotidienne dans un État du bloc de l’Est en apparence plus libre que d’autres.
On sent que Viliam Klimáček aime son pays, ses compatriotes, qu’il compatit avec eux pour ce qu’ils ont eu à affronter. Et il exprime clairement son admiration et sa reconnaissance pour l’accueil que l’Autriche et le Canada ont réservé aux exilé(e)s. Il n’hésite cependant à se montrer critique et à pointer du doigt les attitudes plus ambiguës voire hostiles de certains, y compris des Tchécoslovaques eux-mêmes.
« Les citoyens tchécoslovaques acceptaient cette aide avec gratitude, ils la trouvaient normale. Puisqu’ils fuyaient l’enfer. Les premiers jours, cette aide leur permet de se remettre un peu du choc et des chars. Mais ils eurent la mémoire courte. Quarante ans plus tard, malheureusement, quand la Tchéquie et la Slovaquie seraient devenues des démocraties, ils ne secourraient pas spontanément les nouveaux réfugiés du tiers-monde, pour qui notre pays représenterait un asile comme l’Autriche pour nous autrefois. »
J’ai dévoré Bratislava 68, été brûlant, car en plus de nous livrer des faits passionnants, Viliam Klimáček, en bon dramaturge qu’il est également, a le sens du rythme et du suspense. Chaque tableau se termine sur « un personnage suspendu au-dessus du vide » (pour ne pas dire cliffhanger) et j’ai été prise au piège de cette narration addictive.
« Par la fenêtre, Jozef aperçoit des techniciens dans la cour qui emportent des micros et des appareils afin de pouvoir encore émettre. Ce jour-là a accouché de milliers de héros anonymes. S’ils avaient été découverts, les conséquences auraient été fatales. Jozef ne se doutait pas qu’il en ferait partie. »
Je le reconnais bien volontiers : j’ai eu plus d’une fois la gorge serrée. L’auteur a toutefois su me faire sourire grâce à des situations insolites et des traits de caractères de ses personnages, tous terriblement attachants. Ce mélange de destins individuels difficiles et de dérision m’a tout simplement emballée.
Vous ne serez pas surpris(e)s que Patrice ait lui aussi lu ce roman, qu’il a beaucoup apprécié d’ailleurs. Ally, quant à elle, l’a d’abord trouvé déconcertant, puis a été séduite.
PS : Ce roman n’est sans doute pas facile à trouver en bibliothèque, en plus de ne pas être disponible en poche. Pour permettre à au moins l’un(e) d’entre vous de le découvrir, je propose donc de troquer mon exemplaire contre un autre roman, si possible figurant dans ma liste de souhaits. Intéressé(e) ?
35 réponses sur « Bratislava 68, été brûlant – Viliam Klimáček »
Si tu mentionnes 68 Publishers, je sens que tu liras bientôt Josef Skvorecky 😉
C’est fort probable en effet !
Voilà une chronique bien plus enthousiaste que la précédente 😃
Oui, cette fois, l’enthousiasme est total ! On peut donc faire une pioche moyenne et une excellente chez le même éditeur 😀 J’aime d’ailleurs beaucoup Agullo qui propose de nombreux titres de l’est de l’Europe.
Jamais lu de roman slovaque en effet celui-là est à noter !
C’est le seul roman de cet auteur à avoir été traduit jusqu’à présent. Il y a aussi une pièce de théâtre, mais elle est visiblement épuisée. J’espère qu’Agullo en traduira d’autres car c’est un auteur à découvrir.
zut de zut … je voulais ne pas noter de livres avant d’avoir éclusé les miens mais celui-ci me tente trop !
Il vaut le coup ! Et comme il se dévore, on peut vite se ré-atteler à ses réserves ensuite ;-D
Je ne connais pas mais je serais passionnée moi aussi, je crois ! et la dimension théâtrale m’attire encore davantage.
C’est presque plus cinématographique que théâtral, et je devais me forcer à refermer le livre de temps en temps ;-D
j’avoue que c’est très tentant… mais je dois finir quelques lectures en attentes avant.
Je comprends très bien 😀 C’est l’éternel problème des grandes lectrices !
Rien qu’avec le début de ton avis ; « L’auteur s’est inspiré de faits réels pour cette fresque historique et profondément humaine. Avec humour et émotion, il y mêle occasionnellement ses réflexions et expériences personnelles. » tu m’as donné envie de le lire.
Eh, eh, ce sont des ingrédients qui avaient tout pour me plaire et je constate que je ne suis pas la seule à y être sensible. Et je dois dire que la mayonnaise a merveilleusement pris ici!
Ton enthousiasme est très convaincant. Ça a l’air très instructif et très plaisant à lire en même temps. Humour, émotion, suspense en plus, vraiment difficile de résister !^^ Il est dans une de mes bibliothèques (la chance !) donc je pourrai l’emprunter, mais c’est une super idée le troc de livres !
Exactement, c’est un roman très agréable à lire tout en nous plongeant dans le quotidien d’un pays soumis à l’hégémonie d’un parti et sous la coupe de l’URSS. Et puis il y est question des diasporas slovaques, au Canada mais aussi aux USA, en Amérique du sud et en Israël. Un autre aspect très intéressant à mes yeux.
Vérification faite, j’ai le plaisir de signaler que huit exemplaires de ce titre sont disponibles dans diverses bibliothèques municipales parisiennes (certains étant empruntés…). 😉
Bon, c’est vrai que je suis sur d’autres thématiques actuellement (avec déjà trois challenges sur le feu), mais sait-on jamais?
Merci pour la présentation (et la proposition sympa!) en tout cas!
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
Excellente nouvelle ! Merci d’avoir vérifié. J’espère que d’autres bibliothèques hors Paris auront eu la bonne idée d’en faire l’acquisition également.
Il m’intéresse, je note. Le jour de l’invasion j’étais à la frontière austro-hongroise (côté hongrois) et je devais prendre le train pour rentrer en France. Je n’oublierai jamais le défilé de chars sur la route et d’hélicos dans le ciel. J’ai mieux respiré quand je suis arrivée enfin à Vienne après quelques péripéties anxiogènes.
Oh la la, j’imagine l’angoisse en effet ! C’est palpitant de vivre l’Histoire de près, mais quand ce sont des évènements pacifiques. Les défilés de char, c’est une autre affaire !
Je m’empresse de le noter !
C’est un beau roman, tu ne devrais pas le regretter 😉
Encore une découverte! Merci pour l’offre alléchante de partager ton livre mais je vais laisser ma place compte tenu des frais postaux exorbitants entre l’Europe et le Québec.
En effet, ce serait sans doute plus économique de se procurer le livre sur place ! Il est pas mal question du Canada dans le roman car Toronto a accueilli beaucoup de réfugiés tchécoslovaques. Il y a quelques observations très enthousiastes sur l’accueil qui leur a été réservé, dont le fait qu’on laisse les gens qui ne parlent pas encore bien la langue s’exprimer jusqu’au bout, sans chercher à finir les phrases pour eux. Je ne sais pas si c’est (toujours) vrai, mais il est certain qu’en France, on aurait beaucoup de mal à s’en empêcher je pense !
Quel billet élogieux ! Tu me rappelles de très bons souvenirs de lecture à moi aussi, comme tu le mentionnes. Je trouve que c’est un livre qui résume très bien la situation de la Tchécoslovaquie de 68 et d’après, de cette « normalisation » et du sort des migrants. Je pense que tu vas amener de nouvelles personnes à découvrir ce livre !
C’est vrai que cela explique bien ce qu’a traversé ce pays. Et ce qui arrive aux exilés d’alors fait un écho (plutôt triste car le monde est de moins en moins accueillant) aux vagues migratoires actuelles.
Je n’ai jamais lu d’auteur slovaque mais pourquoi pas !
Celui-ci est très facile d’accès et extrêmement agréable à lire en tous cas !
Je ne connais pas moi non plus et ce roman a l’air passionnant. Malheureusement vu ma pile en attente et les beaux jours qui arrivent je ne pense pas arriver à le découvrir pour l’instant. Mais je le note !
Il l’est ! Ma PAL est un peu anxiogène aussi. J’essaie tant bien que mal de la faire baisser, mais les tentations sont si nombreuses. C’est vraiment le rocher de Sisyphe ;-D
Tu m’a convaincue, mais difficile à trouver en bibli.
Pour ma part, j’ai du mal à classer Tchécoslovaquie, Tchéquie, Slovaquie, ou alors en fonction de la date, avant après la césure du pays?
C’est où ta liste de souhaits? ^_^
Pas évident en effet. La césure date de 1993 et l’essentiel du roman se déroule avant, mais le roman a paru comme un titre slovaque puisqu’il a été écrit après cette date. Sinon, ma liste de souhaits figure dans des carnets manuscrits. Pas très facile à partager, je l’avoue ;-(. N’hésite pas à me proposer des titres européens hors GB et France, sinon un Richard Russo dont tu serais prête à te séparer ? Tu m’as donné envie de le découvrir !
Hello Keisha, partante pour un troc alors ? Tu es la seule prête à allonger ta PAL avec Bratislava 68 semble-t-il 😄…
Je n’ai encore jamais lu d’auteur slovaque, mais tu parles de celui-ci de manière bien tentante! Et en même temps, j’en ai un qui m’attend dans ma bibliothèque, par lequel je commencerai, pour rester (un minimum) raisonnable : « Neige d’été » de Pavel Vilikovski.
Ah ah, voilà qui est intéressant ! J’attends ton billet à son sujet alors 😉.