Traduction de l’islandais par Éric Boury – Grasset
J’ai un faible pour la littérature islandaise… L’hostilité de la nature y est omniprésente et me fascine. En revanche, le bateau et moi, ça fait deux. Si je ne souffre généralement pas du mal de mer, le grand large m’angoisse 😱 et ce n’est pas ce court roman qui va me rassurer ! Je ne regrette cependant pas une seconde d’avoir embarqué pour cette première escale de mon book trip en mer chez Fanja.
L’auteur s’est inspiré d’une histoire vraie : En février 1959, lors d’une campagne de pêche au large du Labrador, plusieurs chalutiers islandais ont été pris dans une terrible tempête. Einar Kárason a choisi d’imaginer la lutte quasi surhumaine que l’équipage d’un chalutier a livrée dans ces conditions apocalyptiques. Un récit qui m’a passionnée et tenue en haleine de la première à la dernière ligne ! La magie islandaise a donc opéré une fois encore…
En plus de vagues scélérates, de déferlantes incessantes et d’une obscurité quasi complète, les hommes du Máfur doivent affronter la glace qui envahit le bateau et l’alourdit, menaçant de le faire sombrer à tout moment. Tous ont bien présent à l’esprit le naufrage du Titanic qui a lieu moins de 50 ans plus tôt dans les mêmes eaux. Ils ne peuvent espérer aucun secours, les autres navires ne se trouvant pas en meilleure posture.
Je ne sais pas comment Einar Kárason a réussi ce tour de force mais en 157 pages exactement, il est parvenu à m’attacher aux destins individuels et collectif de cet équipage, à me faire comprendre le fonctionnement d’un chalutier et la hiérarchie qui y règne (le jargon de la marine me perd et m’ennuie d’habitude très vite) et à me donner l’impression d’être au milieu des flots déchaînés. On retrouve bien cette « patte islandaise » avec une nature extrême, des conditions de vie et de travail rudes, mais aussi un immense amour de la lecture et de la littérature, y compris chez de simples matelots. Tout bateau a d’ailleurs à son bord une petite bibliothèque ❤️ et plus d’un marin est aussi poète ou écrivain à ses heures.
« Courbés, ils pelletaient le poisson et pilaient la glace sans relâche, certains étaient en chemise ou en maillot de corps malgré le froid. Sur les chalutiers comme le nôtre, les hommes passent d’ordinaire six heures sur le pont puis six autres dans les cabines et ainsi de suite. Une équipe était de nuit puis d’après-midi, l’autre du matin puis du soir. Mais lorsque la pêche est miraculeuse, cette routine est bousculée : les membres d’équipage disposent tout au plus de six heures par jour pour s’alimenter, se laver et se reposer, et personne ne s’en plaint. »
En plus du travail des marins-pêcheurs, on découvre le rôle de l’opérateur radio, des mécaniciens et des cuisiniers du bord, tous des titans à leur façon (en tous cas en mer, à terre ce sont plutôt des colosses aux pieds d’argile que l’alcool fait chuter). De quoi m’associer une nouvelle fois aux lectures sur le monde ouvrier et les mondes du travail chez Ingannmic.