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Chili Romans

La raconteuse de films – Hernán Rivera Letelier

Traduction de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg – Éditions Métailié poche

Un nouveau rendez-vous est lancé sur la blogosphère grâce à Doudoumatous : le Printemps latino, du 20 mars au 20 juin. Pour sa première édition, il est consacré au Chili et j’ai choisi pour ma 1re chronique chilienne un auteur dont j’entends parler depuis un certain temps : Hernán Rivera Letelier. Parmi la dizaine de romans traduite et publiée en France, je me suis laissée guidée par le titre qui a aiguisé ma curiosité de cinéphile.

María Margarita a 10 ans et vit avec son père et ses frères dans le désert de l’Atacama. Dans leur village qui vit de l’extraction du salpêtre, « l’or blanc de l’Atacama », l’une des rares attractions, c’est le cinéma. Un luxe que la famille peut rarement se permettre et María Margarita est donc chargée d’aller voir les films avant de les raconter ou plutôt de les rejouer au reste de la famille, et bientôt à un public de plus en plus nombreux.

Crédits : https://colegiomanuelrodriguez.cl/mr/exelearning/6HisU4/el_trabajo_en_las_minas_salitreras__18801960.html

María Margarita raconte à merveille la vie de sa famille et du village qui vit sous la coupe de la Compagnie et des gringos qui exploitent le salpêtre. Touchant et pittoresque, son récit a d’abord la légèreté et la gravité de l’enfance avant de s’assombrir : les perspectives d’avenir sont inexistantes pour la population de ces régions inhospitalières où règnent la pauvreté, l’alcoolisme et la brutalité.

On sent une grande nostalgie dans ce court roman à l’écriture évocatrice et enlevée. Je l’ai trouvé très agréable à lire, mais je dois dire aussi qu’il sera vite oublié. Cela dit, si vous cherchez une lecture facile et dépaysante, qui parle d’un Chili d’avant la dictature, c’est un excellent choix.

Sandrine a lu un autre roman de cet auteur il y a quelques temps et son avis est à retrouver ici.

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Colombie Romans

Une rétrospective – Juan Gabriel Vásquez

Traduction de l’espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon – Éditions Points

Je n’ai pas choisi Juan Gabriel Vásquez comme auteur-chouchou, mais cela ne m’a pas empêchée de lire, en l’espace de quelques mois, deux romans signés par cet excellent écrivain colombien. Après Le bruit des choses qui tombent, voici Une rétrospective, un livre-fleuve dévoré en compagnie d’Ingannmic.

C’est une vie plus que digne d’un roman que nous raconte Juan Gabriel Vásquez. Celui-ci revendique d’ailleurs cette approche dans son exergue et dans la formidable émission de la BBC que je vous ai déjà conseillée et dans laquelle il est venu parler du Bruit des choses qui tombent (à retrouver ici, en anglais) : il s’inspire de faits réels, de témoignages pour tisser une trame racontant des destins individuels et pour, à travers eux, essayer de comprendre son pays d’origine, la Colombie. Ici, ce ne sont pas des anonymes dont il s’inspire. Cette fois, il tisse une biographie centrée sur Sergio Cabrera, un réalisateur de cinéma qui occupa aussi de hautes fonctions politiques, mais sur laquelle pèse incontestablement la statue du Commandeur, autrement dit Fausto, le pater familias et véritable célébrité nationale.

On traverse presque un siècle avec la famille Cabrera et on parcourt le monde de l’Espagne franquiste à la jungle amazonienne et à la Chine en pleine révolution culturelle, en passant par Paris, Lisbonne et Barcelone. Conquis par le marxisme, ce qui ne plaît pas au pouvoir en place dans son pays, la Colombie, Fausto Cabrera décide d’emmener sa famille vivre en Chine. Ses enfants Sergio et Marianella y apprennent le chinois et se forment aux idéaux maoïstes, un parcours qui les marquera à jamais, tout comme leur retour en Colombie.

Wikipedia.it

Ce roman biographique est foisonnant et passionnant. Personnellement, l’embrigadement idéologique m’a par moments tenue légèrement à distance des personnages dont je n’arrivais pas toujours à saisir les motivations. J’avais d’ailleurs très envie d’en voir certains envoyer tout paître et se rebeller ! Mais bien sûr, c’est facile à dire des décennies après, hors contexte local et familial… Et c’est justement m’approcher au plus près d’autres vies qui m’intéresse dans la littérature, alors je n’ai pas boudé mon plaisir.

Une lecture que je recommande et qu’avait déjà faite Doudou matous.

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Films et séries

La dernière reine – Damien Ounouri & Adila Bendimerad (2023)

Le cinéma algérien offre régulièrement des pépites dans des genres très variés : drames, chroniques politiques et sociales, comédies… Aujourd’hui, pour le Mois africain proposé par Sur la route de Jostein, c’est une fresque historique alliant grand spectacle et girl power en Algérie que je vous invite à découvrir : La dernière reine.

L’histoire commence en 1516 lorsque Barberousse aide le roi local à libérer Alger des tentatives de domination espagnole. Le fameux corsaire ne compte cependant pas s’arrêter là et convoite le pouvoir. Une femme va alors s’opposer à lui : la reine Zaphira, la deuxième épouse du souverain jusqu’alors plus connue pour sa frivolité que pour ses talents politiques.

Il y a autant de légende que de véritable Histoire dans ce récit puisque la vie de Barberousse est plutôt bien documentée tandis que celle de Zaphira est plus contestée. Le duo aux commandes du scénario et de la réalisation a voulu montrer que les femmes ont de tout temps conseillé les hommes et leur ont tenu tête, y compris dans l’Algérie du XVIe siècle. Damien Ounouri et Adila Bendimerad ont donc choisi de mettre en avant un personnage méconnu mais ô combien cinématographique. Zaphira se révèle lorsque le royaume est menacé. Pour son mari, pour son fils, pour Alger, elle résiste au corsaire au bras d’argent (accessoire fort bien employé dans la dramaturgie de l’histoire). Son dilemme m’a d’ailleurs rappelé celui d’une certaine Andromaque.

Les actrices sont magistrales (j’ai adoré la reine Chegga), les acteurs ténébreux à souhait, les décors sublimes et les scènes d’action efficaces (même si un chouïa trop sanglantes pour moi, mais elles sont concentrées au début du film donc c’est tout à fait supportable). Offrant de beaux moments oniriques et de convaincantes confrontations politiques et psychologiques, ce film est un excellent divertissement, très bien mené et visuellement brillant (dans tous les sens du terme car les bijoux et étoffes précieuses sont très présentes à l’image). Le plus de La dernière reine : l’Algérie, bien sûr ! Sa langue, son histoire, ses paysages (ah ! éternelle et envoûtante Tipasa !)…

PS : Le film, sorti en début d’année, ne passe plus en salle. Vous le trouverez en VOD et en DVD.