Traduction de l’allemand par Brice Germain – Éditions Moissons noires
À l’occasion des Feuilles allemandes, formidable rendez-vous proposé par Patrice et Eva de Et si on bouquinait un peu ? & Fabienne de Livr’escapades, mon objectif sera aussi de sortir de ma zone de confort germanophone. Par exemple ici avec un roman classé comme cosy mystery historique, genre que je lis assez peu et jamais en provenance d’un pays germanophone. C’est donc une première !
Dans La noyée de Berlin (1922), nous avons une enquête menée par une jeune femme que rien n’y prédestinait puisqu’elle est sage-femme de profession. Il y est question ici et là de Sachertorte et de pralinés. Une intrigue sentimentale vient compléter le tout. Autrement dit, le noyau classique du cosy crime est bien là : enquêtrice novice, gourmandise et histoire d’amour plus ou moins contrariée. Mais le décor, les thèmes abordés, les personnages principaux échappent selon moi aux codes du genre et s’avèrent bien plus sombres que ce que j’attendais (et ça m’a plu !).
Par son métier de sage-femme à domicile, Hulda Gold côtoie la misère la plus crasse du Berlin de l’entre-deux-guerres. La violence politique est perceptible avec la montée de l’extrême-droite et de l’antisémitisme. L’inflation ne cesse de grimper et la Grande Guerre a laissé de profondes séquelles. La pègre règne sur la vie nocturne berlinoise, l’alcool coule à flots, la cocaïne et la morphine font des ravages. Anne Stern n’a donc pas choisi les paillettes et la légèreté pour sa série Une enquête de Fräulein Gold. Son héroïne est poursuivie par ses propres démons et dotée d’un tempérament plutôt instable. Le policier en charge de l’enquête n’est pas plus fiable : traumatisé par son enfance, il est certes brillant mais n’hésite pas à cacher des preuves quand l’enquête le touche de trop près.
L’autrice nous plonge efficacement dans l’atmosphère bouillonnante et interlope du Berlin des années 1920. Ses personnages sont plutôt complexes et confrontés à des questions brûlantes de leur époque qui restent très modernes : la place de l’humain dans le monde médical, l’émancipation féminine, l’avortement et la dépression post-partum, la prise en charge des troubles mentaux, les inégalités sociales, etc… La résolution du crime est bien amenée et m’a surprise, mais c’est tout ce qui est autour de l’enquête qui m’a plu avant tout. J’ai trouvé là un roman aux thèmes finalement pas si cosy, même si la lecture est allégée par des scènes du quotidien, des rebondissements amoureux et des personnages imparfaits extrêmement attachants.
Le cosy crime britannique n’a qu’à bien se tenir, la concurrence allemande est là et promise à un très beau succès !
PS : Merci à Émilie, d’A livre ouvert, qui avait repéré ce titre dès sa parution (aussitôt vu chez elle, aussitôt noté chez moi). La chronique d’Ann-yes est à lire ici pour un autre avis.
22 réponses sur « La noyée de Berlin – Anne Stern »
Je n’ai jamais lu de cosy mystery allemand mais celui-ci me tente même s’il n’est pas très cosy. Quant aux thèmes abordés, ils m’intéressent surtout dans ce contexte allemand que je connais peu en littérature…
On retrouve toute l’ambiance interlope du Berlin des années folles avec les clubs de jazz, une certaine liberté mais aussi une grande pauvreté et une criminalité galopante. C’est propice à toutes sortes d’intrigues ;-D
Je me suis un peu lassée du cosy mystery britannique (je n’en ai pourtant lu que deux ou trois^^), mais d’autres pays s’y mettent, ça éveille à nouveau à ma curiosité. Du cosy crime allemand, voilà qui m’intrigue ! Noté !
Malheureusement, le cosy crime est un peu victime de son succès et le pas terrible se mêle au bon voire très bon divertissement. Je trouve le premier tome de cette série réussi en tous cas : on s’attache aux personnages, c’est très documenté mais pas ennuyeux, et on se laisse prendre par l’enquête.
ça m’intrigue plutôt aussi… pas que pour le Sachertorte, quoique… 😉
(je n’ai lu que peu de « cosy crime » et n’avais pas encore remarqué que l’aspect culinaire est récurrent… je le constate rétrospectivement)
Les pauses thé-douceur sont bien pratiques pour permettre aux protagonistes de réfléchir à leur enquête 😀
Ça a l’air bien tentant
Ravie de t’avoir tentée 😀
Côté Cosy crime germanique, j’avais aimé le roman qui mettait en scène Angela Merkel comme enquêtrice.
Oh, je ne connaissais pas mais c’est très prometteur ! Je viens de voir que c’est signé David Safier dont j’avais bien aimé, mais sans plus, Maudit karma.
Merci pour cette nouvelle contribution ! Je me souviens de ce titre. J’ai lâché un peu les policiers ces dernières années, par contre la Sachertorte est toujours une valeur sûre 🙂
Tout à fait d’accord ! En plus de la littérature, l’Allemagne et l’Autriche ont donné au monde quelques trésors dans le domaine de la pâtisserie. La Suisse peut-être aussi, mais je n’ai pas d’exemple à l’esprit ;-D.
Je ne suis pas très Cosy Crime à la base mais le fait que tu dises qu’il ne soit pas si cosy que ça finalement me tenterait presque (mon côté très noir haha). Merci en tous cas pour cette nouvelle participation!
On est loin du rythme d’un thriller pour ce qui est de l’enquête (pour ma part, les thrillers m’angoissent trop ;-D). En revanche, le contexte social et historique est sombre. Cela ne va d’ailleurs pas s’arranger avec les prochains tomes puisque l’héroïne est juive et va traverser une époque terrible.
bonjour, comment vas tu? merci de la découverte. j’avoue mal connaitre la littérature allemande. passe un bon mercredi et à bientôt!
Merci pour ta visite ! La littérature allemande est très dynamique mais reste assez peu publiée en France malheureusement.
Hum je tente à nouveau pour les commentaires, j’écris ici car je ne ‘vois’ pas l’endroit adapté.
Tout ça pour dire que le cosy mystery, à petite dose, c’est bien, et si on s »y met en Allemagne, tant mieux (sans doute moins de thé?)
Exactement, moins de thé et plus de café 😀 et même quelques bières (c’était inévitable sans doute !)
Je ne dis jamais non à un cosy mystery. J’ai un faible pour Agatha Raisin qui est plus humoristique que sombre. Ça fait longtemps que je tourne autour de ce roman allemand (et autour de l’autrice qui est très productive !) On l’a même fait gagner à une des lectrices lors de la dernière édition des Feuilles allemandes 🙂 La semaine dernière, par pure imprudence je suis allée à la librairie APRÈS avoir lu les blogs, dont le tien. Je suis donc ressortie avec La noyée de Berlin et je me réjouis d’y plonger en décembre 🙂 Merci de ta participation 🙂
Ah ah, erreur fatale en effet 😀 J’espère qu’il te plaira, même sans l’humour cher à M.C. Beaton. Je ne vais pas tarder à vérifier si le tome 2 est aussi dans ma médiathèque pour le réserver. J’ai dû attendre le premier pendant de longues semaines, il est visiblement très demandé et cela me semble mérité.
Merci, je prends note, pour ma maman qui aime assez bien ce genre littéraire. Ça changera un peu de la Grande-Bretagne!
C’est une bonne idée ! Non que le cosy crime britannique ne soit pas très agréable, mais un peu de dépaysement est toujours appréciable ;-D