Traduction du japonais par Miyako Slocombe – Éditions Espaces 34
Dans un quartier d’Osaka à l’abandon, un jeune voyageur désœuvré entre dans un restaurant vide. Malgré l’accueil glacial que lui réserve le patron alcoolisé, il finit par réussir à engager la conversation. Le patron lui propose alors un marché : contre le gîte et le couvert, il le formera en tant que cuisinier. Mais les conditions de cet accord sont étranges : le patron prévoit de se cacher et de guider son nouvel apprenti uniquement par vidéo et oreillette interposées.
Le jeune homme est plutôt satisfait puisqu’il s’est enfin trouvé un but dans la vie. Il prend progressivement confiance en lui et le restaurant commence à bien fonctionner. Mais le patron dicte ses paroles à son apprenti, lui impose le moindre de ses gestes et ses préférences, y compris les plus intimes. Bientôt, le jeune homme ne semble plus être qu’une marionnette au service de l’autre et le malaise s’installe …
La 4e de couverture parle d’une dénonciation de la cupidité et de la perte de culture nationale, ce qui est sans doute présent même si ce n’est pas ce que j’en retiendrai. Pour ma part, j’y ai avant tout vu une histoire d’emprise et de dévoiement de moyens technologiques (hypersurveillance). Sans être une experte de Faust, l’accord passé entre le patron et le jeune homme, qui devient son serviteur dévoué, n’est pas sans rappeler ce pacte avec le diable. Le titre de la pièce, The Dark Master, vient d’ailleurs accentuer cette impression.
Voilà une pièce que j’aimerais beaucoup voir jouée pour découvrir l’interprétation qu’en ferait un metteur ou une metteuse en scène. Le texte alterne répliques cocasses, scènes de préparations culinaires appétissantes et situations dérangeantes. On peut donc imaginer une mise en scène qui irait plus vers le rire ou au contraire le tragique, vers le terre-à-terre ou le philosophique, ou encore qui serait sur le fil entre toutes ces visions du texte. Un texte qui ne laisse pas indifférent(e) et que je trouve très japonais précisément parce qu’il oscille si brillamment entre humour et malaise.
Un grand merci à Babélio et aux Éditions Espaces 34 pour m’avoir offert ce livre lors d’une récente Masse critique en échange d’un avis. J’ai été ravie de lire cette pièce et compte bien aller piocher prochainement dans le passionnant catalogue de cette maison d’édition spécialisée dans les œuvres théâtrales contemporaines et du 18e siècle.
20 réponses sur « The Dark Master – Kurô Tanino »
j’ai beaucoup de mal à lire le théâtre, je n’y arrive même pas du tout… par contre si la pièce est montée ce serait en effet hyper intéressant !
Elle l’a été une fois, pendant un Festival d’automne de Paris (et en japonais). On peut donc espérer qu’elle revienne, mais en français (autant la VO pour les films ne me gêne pas, autant au théâtre, j’ai plus de mal).
Ce thème de l’emprise est très intéressant. Tu devrais mettre tes idées de mise en scène en pratique 😉
Ah, ah, ça risquerait de gâcher le texte si je me mettais aux commandes 😀 Mais oui, l’emprise est intéressante, d’autant qu’elle ne s’opère pas ici dans le cadre d’une relation amoureuse.
j’ai du mal à lire le théâtre moi aussi, et je n’irai certainement pas voir cette pièce en japonais alors si je comprends bien il y a peu de chance que je lise cette pièce et c’est dommage car le trouve le thème intéressant.
Je comprends ! Mais on peut espérer qu’elle sera mise en scène en français maintenant qu’elle est traduite.
Intéressant comme pièce de théâtre. Il me semble que nous ne voyons pas beaucoup ce type de pièces (à la limite de la science-fiction) au théâtre. Merci pour cette découverte!
Tu as raison, c’est inhabituel alors que ce type d’histoire très réaliste et à la lisière du fantastique à la fois est plus courant chez les japonais (je pense à Murakami et aux films d’animation).
C’est tentant pour l’originalité car Il n’y a pas beaucoup de pièces de théâtre traduites du Japonais.
C’est vrai ! Les Éditions Espaces 34 veulent justement promouvoir la traduction de pièces de théâtre, y compris japonaises. Les choses vont peut-être évoluer peu à peu.
Je n’avais pas entendu parler de cette histoire qui a l’air aussi atypique qu’intrigante. Entre scènes cocasses et dénonciation, on semble pris par la lecture !
Oui, on a très envie de savoir comment cela va évoluer et on tourne les pages sans s’arrêter 🙂.
Ah mince, j’ai raté ce titre lors des dernières Masse critique alors que c’est tout à fait le genre de livre qu’il m’aurait plu de découvrir dans ce cadre. Je préfère voir que lire des pièces à la base, mais ici je ferai volontiers une exception.:)
J’ai été ravie d’avoir été choisie, moi qui aime lire des pièces et qui n’en avait pas encore lue de si « exotique ». C’était ma première masse critique, j’étais survoltée de recevoir un livre 😆.La pièce sur scène doit être une vraie immersion d’après les didascalies d’ouverture, mais le texte seul est très, très intéressant en effet.
Tu as fait là une découverte intéressante ! Je vais aller voir le catalogue de cette maison…
Son ambition (mettre en avant le théâtre traduit et celui du 18e siècle) est originale et permettra sûrement de très nombreuses découvertes.
Intéressant! Je ne crois pas avoir jamais vu ou lu de pièce de théâtre japonaise. Et pourtant j’aime ce genre littéraire ainsi que la littérature japonaise ! Merci de cette présentation. Bon week-end !
C’était une première pour moi aussi! J’y ai retrouvé beaucoup de choses de la littérature et du cinéma japonais tout en étant différent, c’était donc très agréable ! Merci de votre passage
Je préfère voir les pièces sur scène. Une adaptation a-t-elle été créée ?
Il y a eu une représentation en japonais lors d’un festival lors duquel le Japon était le pays à l’honneur. Cette traduction est récente et on peut espérer qu’un théâtre s’en empare mais à ma connaissance, ce n’est pas encore le cas.