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Afrique du Sud BD et romans graphiques

Ma mère était une très belle femme – Karlien de Villiers

Traduction de l’allemand par Florence Quillet – Éditions ça et là

J’ai dû commencer par résoudre un petit mystère à propos de ce roman graphique sud-africain : pourquoi a-t-il été traduit de l’allemand alors que cette langue ne fait pas partie des 12 langues officielles de l’Afrique du Sud ? Voici la réponse : c’est une maison d’édition suisse qui a commandé et publié cet album. La langue maternelle de Karlien de Villiers est cependant bien l’afrikaans. Dans Ma mère était une très belle femme, elle parle de son enfance dans les années 1970/80, avec pour toile de fond l’histoire de son pays.

Je suis partagée après la lecture de cette BD. D’un côté, j’y ai découvert beaucoup de choses sur la vie en Afrique du Sud dans les dernières années de l’apartheid et j’ai été émue/révoltée/choquée par ce que l’autrice a vécu au sein de sa famille. De l’autre, je n’ai pas bien compris ce que voulait véritablement raconter Karlien de Villiers. Je soupçonne qu’elle ait plutôt voulu parler de sa vie, mais qu’elle se soit sentie obligée d’y associer le contexte politique pour davantage intéresser le public, en particulier étranger. Il me semble que cet aspect est cependant traité de manière trop superficielle. Alors, ai-je envie de conseiller cet album ? La réponse est plutôt oui malgré tout.

L’autrice rend bien compte des divisions au sein de la population blanche vis-à-vis de l’apartheid lorsque celui-ci était en vigueur, mais de plus en plus contesté. Ainsi, sa mère est franchement raciste. Je cite, à propos de Desmond Tutu : « Et voilà, c’est typique, on donne le prix Nobel à ce kaffir (équivalent sud-africain de « sale nègre ») et la première chose qu’il fait c’est de réclamer des sanctions ». Le père est lui beaucoup plus critique envers le gouvernement. C’est d’ailleurs par son biais que Karlien et sa sœur côtoieront (très occasionnellement) des personnes de couleur autres que des domestiques.

Ce roman graphique est aussi (et je dirais surtout) le récit d’un divorce et d’une enfance assez dure vus à hauteur d’enfant. L’autrice et sa sœur subissent les tensions entre leurs parents, leur opposition totale sur les valeurs et l’éducation, et doivent faire avec une belle-mère très émancipée et progressiste politiquement d’un côté, véritable marâtre de l’autre (« S’il arrivait quelque chose à votre père, vous iriez à l’orphelinat. Ne comptez pas sur moi pour m’occuper de vous. Je n’ai jamais voulu d’enfants. »).

En résumé : Une BD à lire pour ses tranches de vie dans une société afrikaner fortement corsetée par la religion et gangrenée par le racisme, mais qui pèche par son message un peu brouillon.

PS : Si ça vous intéresse, sachez que les 11 autres langues officielles de l’Afrique du Sud sont 9 idiomes bantous, à savoir le ndébélé du Transvaal, le sotho du Nord, le sotho du Sud, le swati, le tsonga, le tswana, le venda, le xhosa et le zoulou, ainsi que l’anglais et la langue des signes sud-africaine qui a été ajoutée en juillet 2023 à la Constitution de 1996.

19 réponses sur « Ma mère était une très belle femme – Karlien de Villiers »

Quand on voit à quel point les populations étaient séparées, on mesure le temps qu’il faudra pour un véritable changement. Un aspect intéressant concernait les « coloured », c’est-à-dire les métisses (très rares, né(e)s de couples mixtes au début de la colonisation, les « rapprochements » entre Blancs et Noirs ayant ensuite été totalement bannis) et les immigrants d’origine indienne essentiellement.

C’est un peu le risque des récits autobiographiques : servir davantage à l’auteur qu’au lecteur. Mais on y apprend tout de même des choses sur le contexte d’une époque, d’un pays.
Très bon roman sur l’ambiance sud africaine : La promesse de Damon Galgut 😉

Je me souviens l’avoir noté suite à ta chronique ;-D J’attends qu’il soit disponible dans ma médiathèque, ce qui sera sans doute trop tard pour le challenge malheureusement. Mais cela ne m’empêchera pas de lire à une autre période.

Visiblement, l’autrice a des comptes à régler avec ses parents et ça prend un peu trop de place. J’ai quand même apprécié certains côtés heureusement.

C’était une découverte pour moi et je ne doute pas que cette maison propose des choses intéressantes. Après tout, cet album était une première pour l’autrice aussi, on peut donc lui pardonner des défauts de jeunesse ;-D

J’ai hâte de voir ce dont il s’agit … Cette BD, malgré ses défauts (ou justement à cause d’eux) et le roman de Futhi Ntschingila m’ont donné envie de creuser l’histoire et l’actualité de ce pays (par le biais de la littérature bien entendu!)

Il y a quand même des thématiques intéressantes, j’ignorais par exemple la place que prenait la religion et les disparités entre communauté anglophone et afrikanerophone (si ce terme existe), mais on peut sans doute trouver des romans ou BD plus réussis à ce sujet.

Les passages au présent sont les moins réussis car ils n’apportent pas grand-chose. Le récit de son enfance est plus clair et plus intéressant.

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