Traduction du letton par Nicolas Auzanneau – Gaïa Éditions
« L’idée de base du headbang, c’est de parvenir à la transe via la manière forte, en partant à l’assaut de la citadelle de sa propre conscience, à savoir, de son propre cerveau. En hochant la tête avec l’intensité requise, la purée neuronale se trouve projetée contre les parois de la gamelle, et notre administration interne parvient momentanément à se libérer des pensées qui l’occupent, à toucher l’existence de la façon la plus directe qui soit. En bref, de la méditation. »
En 1994, la mort de Kurt Cobain marque un tournant dans la vie de Jānis, 14 ans, comme dans celle de beaucoup d’adolescent(e)s à travers le monde. Musicalement, ce jeune habitant de Jelgava (en Lettonie), qui se décrit lui-même comme « le type même du bon gars sans histoire », va ensuite évoluer vers le genre qui donne son nom au roman et servira de fil rouge au récit : le métal.
Que cela ne vous fasse pas fuir (je sais l’image que renvoient souvent cette musique et ses adeptes), car ce roman autobiographique parlera à un public bien plus large que celui des métalleux ! Il y est avant tout question de cette période de la vie où on se sent à la fois intouchable, benêt, brillant, d’une sagesse inégalable (surtout en matière de musique) et pourtant jamais à la hauteur. Bref, l’adolescence, et qui plus est, l’adolescence dans une petite ville où il ne se passe pas grand-chose.
L’aspect « métal » n’est pas si important. On pourrait d’ailleurs le remplacer par « rock », « rap », « foot » ou encore « films d’auteur » : ce dont il s’agit, c’est avant tout d’une passion commune qui fédère une bande et fait qu’on se sent appartenir à une espèce à part. Il ne se passe pas grand-chose au fond, mais chaque petit incident prend des proportions dantesques. Là encore, ça me semble typique de cet âge où tout nous semble exacerbé.
Je n’ai que quelques années de plus que l’auteur et je me suis vite retrouvée dans ce personnage d’ado plutôt sage qui s’encanaille en douceur et dont l’imagination prolixe l’entraîne dans des scénarios fumeux de tragédie et de gloire. L’ennui qui suinte de la vie à Jelgava en ce milieu des années 1990 rappellera ce sentiment de désœuvrement lui aussi typique de l’adolescence, a fortiori loin d’une ville un tant soit peu dynamique.
J’ai aimé l’autodérision de l’auteur qui use volontiers d’un vocabulaire châtié et de références littéraires glissées ici et là pour décrire des situations très prosaïques. Un contraste qui m’a mis le sourire aux lèvres ou franchement fait rire plus d’une fois. On sent cependant transparaître une indéniable nostalgie de Jānis Joņevs pour cette période de sa vie où la Lettonie débutait sa mue en même temps qu’il opérait la sienne.
PS : Ce jeune auteur vient également de signer des nouvelles qui paraîtront en octobre chez Les Argonautes sous le titre Tigre, avec à nouveau une traduction de Nicolas Auzanneau qui a déjà réalisé un travail tout simplement formidable avec Métal.