Traduction du finnois par Claire Saint-Germain – Les Argonautes Éditeur
Jeune prodige de la littérature (son éditrice lui prédit un prix Nobel), Pajtim Statovci est né au Kosovo mais, vivant en Finlande depuis son plus jeune âge, c’est en finnois qu’il écrit. Son 3e roman, Bolla, se déroule principalement au Kosovo, au début puis à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie.
Arsim, le narrateur, rencontre Miloš en terrasse d’un café. C’est d’emblée l’amour fou et j’ai été impressionnée par le talent de Pajtim Statovci pour décrire la beauté, l’évidence et la violence du coup de foudre.
« Car, au moment où il me demande enfin si j’aurais le temps de le revoir la semaine prochaine, au même café aux alentours de midi, avant de laisser son visage glisser sur la courbe d’un sourire qu’il tente aussitôt de contenir, tel un accès de rire inconvenant, un sourire auquel je réponds du mien en lui disant on se revoit la semaine prochaine, au même café, je sens ma vie se diviser en deux, vie d’avant lui et d’après, et combien celle que j’ai vécue jusqu’ici se réduit soudain à un détail insignifiant de ma vie nouvelle, se fait oublier tel un petit mensonge inventé dans l’urgence. »
Débute donc entre ces deux étudiants une histoire d’amour passionnée et clandestine : Arsim est marié, l’homosexualité n’est pas admise socialement, Miloš est serbe tandis qu’Arsim est albanais. Rapidement, les tensions et persécutions contre les Albanais s’intensifient à Pristina, poussant Arsim et sa famille à fuir le pays. Arsim doit donc quitter Miloš du jour au lendemain, un déchirement pour les deux hommes. Des années plus tard, Arsim revient au Kosovo et cherche Miloš, persuadé que renouer leur relation lui permettra de se retrouver lui-même.
Si la passion entre Arsim et Miloš est inconditionnelle et auréolée de pureté, chacun de ces deux hommes recèle une part très sombre et violente qui détruira tout sur son passage, à l’image de la guerre qui ravage le pays.
Indéniablement, Pajtim Statovci est immensément talentueux. Sa plume singulière est splendide et ses personnages sont complexes, ambivalents. Néanmoins, le parallèle entre leur histoire et la légende du Bolla (très intéressante au demeurant) m’a quelque peu échappé et, surtout, le côté antihéros d’Arsim et Miloš a créé une distance qui m’a empêché d’adhérer pleinement à ce roman (il est possible que j’ai un problème avec les antihéros et mon avis est bien entendu éminemment subjectif ;-D). Bref, un auteur à suivre et un roman puissant, mais qui peut être déroutant.