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Chili Essais et autres livres

La jeune fille et la mort – Ariel Dorfman

Adaptation de l’espagnol (Chili) par Gabriel Auer – Actes Sud

Avant de devenir un long-métrage (1994) avec Sigourney Weaver et Ben Kingsley, La jeune fille et la mort était une pièce de théâtre du Chilien Ariel Dorfman, également scénariste du film. Si l’intrigue est censée se dérouler dans un pays d’Amérique du Sud sans plus de précision, on peut supposer que l’auteur parlait de son pays, où il a lui-même échappé de très près à la mort.

Gerardo est avocat et vient d’être nommé à la tête d’une commission chargée d’enquêter sur les meurtres commis pendant la dictature qui vient de s’achever dans son pays. Suite à une banale crevaison sur son trajet de retour, il fait la connaissance de Roberto Miranda, un homme que Paulina, la femme de Gerardo, assomme et séquestre lorsqu’il se présente chez eux quelques heures plus tard. Car elle en est convaincue : cet homme était l’un de ses tortionnaires il y a 15 ans.

Le doute est savamment entretenu : Le docteur Miranda est-il l’homme qui a torturé Paulina au son d’un lied de Schubert ou les fantômes de Paulina sont-ils en train de la rendre folle ? Évidemment, je ne vais pas divulgâcher, mais sachez que ce suspense n’est pas le seul intérêt de ce texte. Les liens entre Gerardo et Paulina, entre autres, sont complexes et mettent bien en lumière les fractures de leur pays.

En moins de 60 pages, Ariel Dorfman soulève donc des questions que doivent se poser bien trop de pays et de peuples ayant connu une dictature, un génocide ou encore l’apartheid. Vérité, culpabilité, justice, vengeance, réparation, réconciliation : les enjeux de cette confrontation sont immenses dans le contexte d’une transition démocratique fragile.

C’est dense, fort et on ne sort pas de cette lecture indemne.

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Chili Romans

La raconteuse de films – Hernán Rivera Letelier

Traduction de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg – Éditions Métailié poche

Un nouveau rendez-vous est lancé sur la blogosphère grâce à Doudoumatous : le Printemps latino, du 20 mars au 20 juin. Pour sa première édition, il est consacré au Chili et j’ai choisi pour ma 1re chronique chilienne un auteur dont j’entends parler depuis un certain temps : Hernán Rivera Letelier. Parmi la dizaine de romans traduite et publiée en France, je me suis laissée guidée par le titre qui a aiguisé ma curiosité de cinéphile.

María Margarita a 10 ans et vit avec son père et ses frères dans le désert de l’Atacama. Dans leur village qui vit de l’extraction du salpêtre, « l’or blanc de l’Atacama », l’une des rares attractions, c’est le cinéma. Un luxe que la famille peut rarement se permettre et María Margarita est donc chargée d’aller voir les films avant de les raconter ou plutôt de les rejouer au reste de la famille, et bientôt à un public de plus en plus nombreux.

Crédits : https://colegiomanuelrodriguez.cl/mr/exelearning/6HisU4/el_trabajo_en_las_minas_salitreras__18801960.html

María Margarita raconte à merveille la vie de sa famille et du village qui vit sous la coupe de la Compagnie et des gringos qui exploitent le salpêtre. Touchant et pittoresque, son récit a d’abord la légèreté et la gravité de l’enfance avant de s’assombrir : les perspectives d’avenir sont inexistantes pour la population de ces régions inhospitalières où règnent la pauvreté, l’alcoolisme et la brutalité.

On sent une grande nostalgie dans ce court roman à l’écriture évocatrice et enlevée. Je l’ai trouvé très agréable à lire, mais je dois dire aussi qu’il sera vite oublié. Cela dit, si vous cherchez une lecture facile et dépaysante, qui parle d’un Chili d’avant la dictature, c’est un excellent choix.

Sandrine a lu un autre roman de cet auteur il y a quelques temps et son avis est à retrouver ici.