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Une rétrospective – Juan Gabriel Vásquez

Traduction de l’espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon – Éditions Points

Je n’ai pas choisi Juan Gabriel Vásquez comme auteur-chouchou, mais cela ne m’a pas empêchée de lire, en l’espace de quelques mois, deux romans signés par cet excellent écrivain colombien. Après Le bruit des choses qui tombent, voici Une rétrospective, un livre-fleuve dévoré en compagnie d’Ingannmic.

C’est une vie plus que digne d’un roman que nous raconte Juan Gabriel Vásquez. Celui-ci revendique d’ailleurs cette approche dans son exergue et dans la formidable émission de la BBC que je vous ai déjà conseillée et dans laquelle il est venu parler du Bruit des choses qui tombent (à retrouver ici, en anglais) : il s’inspire de faits réels, de témoignages pour tisser une trame racontant des destins individuels et pour, à travers eux, essayer de comprendre son pays d’origine, la Colombie. Ici, ce ne sont pas des anonymes dont il s’inspire. Cette fois, il tisse une biographie centrée sur Sergio Cabrera, un réalisateur de cinéma qui occupa aussi de hautes fonctions politiques, mais sur laquelle pèse incontestablement la statue du Commandeur, autrement dit Fausto, le pater familias et véritable célébrité nationale.

On traverse presque un siècle avec la famille Cabrera et on parcourt le monde de l’Espagne franquiste à la jungle amazonienne et à la Chine en pleine révolution culturelle, en passant par Paris, Lisbonne et Barcelone. Conquis par le marxisme, ce qui ne plaît pas au pouvoir en place dans son pays, la Colombie, Fausto Cabrera décide d’emmener sa famille vivre en Chine. Ses enfants Sergio et Marianella y apprennent le chinois et se forment aux idéaux maoïstes, un parcours qui les marquera à jamais, tout comme leur retour en Colombie.

Wikipedia.it

Ce roman biographique est foisonnant et passionnant. Personnellement, l’embrigadement idéologique m’a par moments tenue légèrement à distance des personnages dont je n’arrivais pas toujours à saisir les motivations. J’avais d’ailleurs très envie d’en voir certains envoyer tout paître et se rebeller ! Mais bien sûr, c’est facile à dire des décennies après, hors contexte local et familial… Et c’est justement m’approcher au plus près d’autres vies qui m’intéresse dans la littérature, alors je n’ai pas boudé mon plaisir.

Une lecture que je recommande et qu’avait déjà faite Doudou matous.

20 réponses sur « Une rétrospective – Juan Gabriel Vásquez »

Ayant grandi auprès de parents communistes (à une époque où ce n’était pas devenu un quasi gros mot :)), j’ai compris les motivations de Fausto puis de ses enfants, et j’ai été attristée par ce décalage qu’analyse très bien l’auteur entre les idéaux et leur application, ou par l’aveuglement face aux exactions de la dictature maoïste. Comme si l’homme était incapable de suffisamment d’humilité et de constance pour mener à bien ses projets humanistes… Ce roman m’a donc passionnée mais aussi beaucoup touchée, les passages dans la guérilla colombienne sont incroyables, ce serait une fiction on y croirait à peine l

Plus que leurs motivations initiales, c’est en effet plus leur aveuglement auquel je n’arrivais pas à adhérer. Et c’est tout à fait ça, la vie plus grande que la fiction ! Intéressant d’ailleurs que Cabrera se soit justement tourné vers la réalisation …

ce roman et le débat qu’il suscite me semble fort intéressant , ma jeunesse s’est passée en 1968 et je ne suis fière d’aucune de mes idées politiques , sauf la libération de la contraception et de l’avortement. en gros le début de la libération de la condition de la femme . Avoir été maoïste est mon plus grand regret , je pense que c’était plus par provocation que par adhésion au régime, et puis il y avait la guerre du Vietnam et ses horreurs. C’est toujours plus facile de voir le monde en noir et blanc , les gentils étaient les communistes puisque les méchants étaient les américains.

L’engagement des personnages est assez admirable, je dois dire, mais vient ensuite l’absence de remise en cause et l’obligation pour les membres de la famille de suivre les injonctions du père (comme un reflet de Mao peut-être ?). Cela dit, j’ai apprécié que l’auteur ne juge jamais ses personnages, leur passé et la situation en Colombie expliquent beaucoup leurs choix.

Je ne connais ni l’auteur ni le réalisateur, mais se plonger dans la vie de ce dernier à travers ce texte semble intéressant et de permettre de vivre de l’intérieur autant les idées que l’embrigadement.

C’est tout à fait ça, on vit les choses de l’intérieur et parfois, comme dans la jungle où la guérilla se cache, c’est parfois terrifiant, et aussi très exaltant.

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre. C’est une fresque familiale passionnante avec des protagonistes très romanesques qui témoignent d’une période disparue et d’idéaux forts.

L’auteur a su faire de la « matière première » fournie par les Cabrera un vrai roman d’aventures et d’apprentissage. La partie qui se déroule en Chine était particulièrement passionnante. On ne peut qu’être impressionnée par ces parcours et le talent de l’auteur.

J’ai oublié de te remercier pour le lien. Je viens d’ajouter les vôtres à la fin de mon billet

J’avais déjà noté cet auteur ici en février. Tu l’as relu à peine 3 mois plus tard. C’est le signe d’un excellent auteur en effet. Ton billet et les commentaires me font penser à l’enthousiasme autour du Wager (j’ai bien noté que les thématiques n’avaient rien à voir^^). Possible que je mette cet auteur colombien en concurrence avec chouchou Grann.^^

Oui, c’est plus terrestre ici 😁 (et même si je ne suis pas fan du grand marge, je pense que je préférerai un an sur un bateau plutôt qu’un an dans la jungle au milieu des bestioles !). Et c’est un vrai roman même s’il est inspiré de faits réels. C’est clairement un auteur à découvrir en tous cas !

Une biographie très intéressante et tentante même pour moi qui n’en lis que rarement. Sergio Cabrera est un personnage que je ne connais que par ce que les médias ont bien voulu nous montrer. Alors forcément j’ai beaucoup de choses à apprendre. Je l’ai noté…

Je ne lis pas beaucoup (jamais?) de biographie, mais celle-ci est un véritable roman, pas une biographie en tant que telle. J’ai bien envie maintenant de voir un film de Sergio Cabrera, Un stade en grève en particulier me tente bien.

J’ai lu « Les dénonciateurs » en me promettant de revenir à cet auteur mais ce n’est toujours pas fait… Vos deux avis si bien argumentés donnent envie de découvrir ce roman, et cette époque.

Un parcours plutôt original dans la vie d’enfants et sûrement très chahuté. J’avais déjà noté chez Ingannmic. Il se trouve qu’en 1968, j’ai eu la bonne idée d’aller passer deux semaines en Hongrie, au delà du rideau de fer, chez l’habitant. Ce que j’y ai vu, entendu et vécu était un vaccin parfait contre le communisme, alors qu’en quittant la France une partie de la jeunesse étudiante (ce que je n’était pas) se tournait vers le maoisme.

Ca a été une enfance et une jeunesse passionnante sans aucun doute mais dure aussi. La situation des pays d’Amérique du sud, où l’impérialisme américain se déployait, a contribué à pousser vers certaines convictions, louables a priori mais qui ont souvent été dévoyées malheureusement.

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